La démocratie américaine se prépare

à un tour de vis

Du démocrate Obama au républicain Trump, des méthodes différentes pour les mêmes objectifs impérialistes

(«le prolétaire»; N° 522; Novembre-Décembre 2016 / Janvier 2017)

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La victoire électorale du Républicain Trump a surpris la plus grande partie de l’intelligentsia américaine et européenne qui pensait que la victoire d’Hillary Clinton était certaine, d’autant plus qu’elle avait reçu l’appui non seulement du président sortant Obama mais aussi des grands moyens d’information américains.

Yes, we can! (Oui, nous pouvons y arriver) Tel était le slogan qui symbolisait l’accession du premier politicien noir à la présidence des Etats-Unis. Et bien que tous les sondages, au-delà des oscillations temporaires, donnaient continuellement l’avantage à Clinton, c’est ce même slogan qui résume en réalité la campagne de Trump: oui, on peut y arriver, on peut vaincre malgré les sondages, malgré son propre parti qui jusqu’au bout lui était plutôt hostile. Le système qui régit les élections présidentielles américaines est organisé de telle sorte que la démocratie électorale (une voix pour chaque électeur) se plie à des intérêts particuliers (lobbys économico-financiers, système d’Etats). Le fait que certains Etats ayant une population dotée du droit de vote plus faible, pèsent plus que les autres, constitue un déséquilibre qui peut changer complètement le résultat final. Les exemples les plus récents sont ceux de G.W. Bush qui avait pu ainsi arracher la victoire à son adversaire et la victoire de Trump contre Hillary Clinton, bien que cette dernière ait obtenu au total près d’un million de voix de plus que son adversaire.Véritable mascarade, la démocratie bourgeoise non seulement mystifie systématiquement les grandes masses en leur faisant croire qu’elles peuvent par son truchement décider des orientations politiques, économiques, financières, sociales et militaires des gouvernements, mais elle arrive même à surprendre les grands bourgeois habitués à manipuler les élections selon leurs intérêts à court ou long terme!

Le milliardaire Trump est n’est pas un nouveau venu en politique; à la fin des années 70 il a fait partie des principaux soutien de Ronald Reagan lors des élections présidentielles; par la suite, selon les besoins de ses affaires, il a été membre du parti Républicain, du parti Réformiste, du parti Démocrate, avant de revenir au parti Républicain. Sa dernière entrée dans l’arène politique dont il sort président élu des Etats-Unis, démontre que dans une Amérique souffrant encore des conséquences de la crise de 2007 (dont le détonateur avait été l’éclatement de la bulle des subprimes, c’est-à-dire précisément le secteur immobilier où barbotent depuis toujours les Trump), les violentes contradictions qui l’ont caractérisée et qui ont frappé des larges couches y compris des classes moyennes, ont ouvert la porte aux tendances les plus réactionnaires. Tendances qui «demandaient» à être représentées par des personnalités extérieures à l’establishment politique traditionnel, non impliquées directement dans les institutions, mais suffisamment connues pour pouvoir attirer la faveur de grandes masses déçues par la gestion politique d’Obama.

Trump, avec son éclectisme, sa trivialité, son sexisme, son racisme, alliés à ses succès dans les affaires et son expérience de reality show, est ainsi devenu comme «l’homme du jour»; sa ténacité à pousser jusqu’à l’extrême son duel avec Clinton, véritable représentante de l’establishment, a en définitive payé et il a gagné. Il avait déjà essayé en 2012 avant d’abandonner à cause des mauvais sondages. Mais en 2016 les choses ont été différentes. Quand ils ont été appelés par le cirque électoral à «choisir» le nouveau président, la petite bourgeoisie ruinée par la crise, pleine de haine envers les prolétaires immigrés sans-papiers, attachée au port d’armes pour défendes sa propriété, les couches ouvrières les plus qualifiées et les petits agriculteurs malmenés par le fisc, plongés dans l’insécurité de leur poste de travail et menacés d’une vie misérable, ont accordé leur faveur à celui qui disait plus fort que les autres être partisan de la baisse de la pression fiscale, opposé au contrôle des armes, à la réforme de la santé d’Obama, partisan du renvoi des millions d’immigrés sans-papiers et, au niveau de la politique extérieure, du refus des «aides» internationales, de la remise en cause des accords avec l’Iran et la Chine et de la lutte contre le terrorisme identifié à l’Islam.

La bourgeoise impérialiste américaine a trouvé en Trump le personnage que lui a offert son théâtre électoral: c’est un milliardaire et il fait donc partie de la classe des grands bourgeois; il est suffisamment versatile pour pouvoir incarner, selon les situations, l’intraitable ou le négociateur, le dur ou le généreux ; il tient des propos de comptoir et parle comme un voyou  d bas étage; yankee dans l’âme, il est pénétré de l’idéologie de puissance de la Grande Amérique qui, à un moment où les USA connaissent un certain déclin au niveau international, sert à préparer le «peuple américain» à souffrir demain peut-être plus qu’aujourd’hui… mais pour un grand idéal, l’idéal d’une Amérique que le monde entier doit craindre.

Il est encore impossible de savoir que sera vraiment le programme politique et économique de Trump, une fois installé à la Maison Blanche, et il ne le sait probablement pas lui-même. Il est en train de constituer son équipe gouvernementale et il lui faut faire les compromis indispensables pour avoir le soutien du Congrès, étant donné que les élus ne lui étaient pas favorables. Mais il est plus que certain que, en même temps que ses propres intérêts de magnat de l’immobilier, son gouvernement défendra les intérêts des lobbys économiques qui le soutiennent et qui obtiendront plus d’opportunités pour leurs affaires; et les intérêts en général de l’impérialisme américain aux quatre coins du globe. Il rencontrera des difficultés en Europe, en Asie, en Amérique Latine, au Moyen-Orient? Sans doute, comme Obama en a rencontré en dépit des accords apparents et des poignées de main avec les dirigeants de ces pays. Il trouvera un terrain d’entente avec Poutine? Probablement, parce qu’ils peuvent trouver des intérêts communs au Moyen-Orient et en Asie. La situation internationale est destinée à changer, non à cause des décisions de l’imprévisible Trump, mais parce qu’à travers le désordre mondial actuel se prépare la formation des alliances qui s’affronteront dans la troisième guerre mondiale – guerre qui n’est pas encore à l’ordre du jour, mais dont la venue pourrait être accélérée par les prochaines crises économiques internationales

Aujourd’hui encore la classe ouvrière est totalement absente de la scène américaine (et pas seulement américaine). Absente en tant que classe sociale défendant ses revendications propres et faisant sentir son poids social. Les crises économiques qui ont rythmé les quarante dernières années n’ont pas été suffisantes pour entraîner la formation dans la classe ouvrière américaine de noyaux prolétariens capables de représenter ses intérêts de classe et de constituer la base pour le développement de la lutte prolétarienne révolutionnaire dans le pays capitaliste le plus important du monde. Les prolétaires américains se sont désintéressés des questions sociales et politiques; plus précisément ils se sont laissé tromper à chaque fois par les prédicateurs du moment, politiques ou religieux, mais toujours drapés dans l’idéologie bourgeoise illusoire selon laquelle chacun est responsable de son propre destin, que pour chacun, «il suffit de vouloir pour pouvoir». Il est impossible de deviner combien de temps il faudra pour que les ouvrières et les ouvriers américains, hommes femmes, blancs, noirs, hispaniques, asiatiques, sentent qu’ils font partie d’une même classe, classe exploitée par la bourgeoisie (elle aussi masculine, féminine, blanche, noire, hispanique, asiatique), classe qui vit un antagonisme permanent avec les conditions d’exploitation auxquelles elle est soumise, mais dont les membres sont poussés à y réagir par des méthodes et des moyens bourgeois: concurrence entre prolétaires, individualisme, adoration du dieu dollar, respect de la richesse et de l’autorité qui en découle.

Ce n’est qu’en se reconnaissant comme classe distincte, dotée d’une perspective historique complètement opposée aux perspectives bourgeoises; en comprenant que seule la lutte de classe anticapitaliste, par conséquent anti-démocratique et anti-bourgeoise, peut permettre de lutter efficacement contre l’exploitation, la misère et la faim; qu’elle seule permet de se préparer à lutter contre les mobilisations guerrières de la bourgeoisie; que ce n’est qu’en comprenant la nécessité d’opposer à la lutte de classe que mène chaque jour la bourgeoisie contre les travailleurs, la lutte de classe du prolétariat uni par delà les différences de nationalité, de race, de sexe, d’âge, de qualification; ce n’est qu’à ces conditions que la classe ouvrière américaine pourra conquérir sa dignité humaine, se libérer de la condition de bête de travail et devenir acteur de son avenir : un avenir marqué par la fin de toute exploitation et de toute oppression, qu’elle soit raciale, sexuelle ou nationale.

La bourgeoisie soutient, et elle le démontre à sa façon, qu’il n’existe pas aujourd’hui d’alternative à sa société de l’argent, du marché, de la propriété privée, de la concurrence capitaliste, de la domination du plus fort: en effet le capitalisme domine partout dans le monde. Mais il perpétue sa domination, en dépit des crises et des guerres, à cette seule condition: continuer à avoir de son côté les grandes masses exploitées, bien qu’elles soient massacrées, affamées, réduites à la misère partout dans le monde; les Etats-Unis n’étant certes pas un pays où l’exploitation, la misère, le chômage, la faim et les massacres sont inconnus!

Faudra-t-il donc des crises bien pires que celles qui sont secoué jusqu’ici les Etats-Unis pour que la classe ouvrière américaine se réveille de sa longue torpeur, émerge de son intoxication de démocratie et d’individualisme? Sans doute; et c’est écrit dans l’histoire de la société bourgeoise: «le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d’appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables».

Ces paroles du Manifeste Communiste de Marx-Engels peuvent faire sourire beaucoup, comme beaucoup souriaient des paroles de Lénine avant la révolution d’Octobre en Russie. La date des funérailles de la société bourgeoise n’est pas écrite: nous sommes des matérialistes, pas des visionnaires. Mais ce sont pour ces funérailles que travaillent et luttent les communistes, certains que c’est le capitalisme lui-même qui créera les conditions objectives qui pousseront, peu importe dans quel pays cela se produira en premier, le prolétariat à relever la tête et à prendre la voie de la lutte de classe et de la révolution.

19 novembre 2016

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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