Affaire Théo

Quelle riposte contre les brutalités policières?

(«le prolétaire»; N° 523; Février-Mars-Avril 2017)

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Le traitement bestial de Théo, éducateur de 22 ans sodomisé par une matraque, ce qui lui a valu 15 jours d’hôpital, après avoir été arrêté par les flics parce qu’il protestait contre leur comportement vis-à-vis d’un jeune, a déclenché une vague d’indignation, surtout parmi les jeunes des quartiers prolétariens, confrontés régulièrement aux brutalités policières; l’IGPN, la dite «police des polices», a essayé de blanchir les flics en cause en affirmant que ce n’était qu’un «geste accidentel», mais des témoignages ont montré que c’était au contraire une pratique régulière. La colère était telle que les autorités et des politiciens de tout bord (y compris les Républicains Estrosi ou Eric Woerth!) ont fait mine de condamner les policiers responsables (à part le FN qui a lancé une pétition «pour soutenir la police»!), Hollande est allé en personne au chevet de Théo, etc.

Mais ces belles paroles n’ont pas calmé les choses, l’affaire Théo venant en effet après beaucoup d’autres (les policiers font en moyenne plus d’un mort par mois) dans un climat de harcèlement par les flics racistes des jeunes des quartiers.

La justice s’acharne par exemple contre la famille d’Adama Traoré (tué dans un commissariat le 19 juillet dernier) pour la punir d’avoir fait éclater les mensonges des gendarmes et du procureur et pour la faire taire: 8 mois ferme pour l’un de ses frères, Bagui, accusé rien moins que de «tentative d’assassinat» de policiers, et qui depuis a entamé une grève de la faim. Des manifestations de protestation, des émeutes violentes et des mouvements de grève dans les lycées ont duré pendant plusieurs jours, la répression se soldant par des centaines de garde-à-vue et des dizaines de comparution immédiates de manifestants devant les tribunaux, sous les applaudissements des politiciens qui avaient d’abord condamné les agissements policiers.

Hasard du calendrier, au même moment le parlement votait, à l’unanimité des députés PS, Républicains et Front National présents, une loi (dénoncée par l’Ordre des avocats, le Syndicat de la Magistrature et diverses organisations démocrates comme un «permis de tuer») pour renforcer les possibilités pour les policiers d’utiliser leurs armes!

Cette situation a contraint les pompiers sociaux les moins discrédités (comme le sont SOS Racisme, ou AC le Feu) à faire tous leurs efforts pour tenter de récupérer et d’arrêter le mouvement. Elles l’ont fait évidemment au nom de la «démocratie», de la paix sociale et d’une police plus humaine (1), éternelle rengaine qui revient à chaque «bavure policière».

 En réalité ces organisations s’emploient à cacher que les brutalités et les crimes policiers sont, ne sont pas des bavures causées par quelques brebis galeuses, mais la règle: les forces de police sont là pour maintenir l’ordre bourgeois basé sur l’inégalité sociale, l’oppression et l’exploitation des prolétaires; cet ordre ne peut être maintenu que par la force, l’intimidation et la violence. Dans la périodes calmes et prospères, cette violence se trouve sous forme potentielle, c’est-à-dire qu’elle n’apparaît en pleine lumière que dans des cas relativement peu nombreux; les démocrates les font alors passer pour des épisodes exceptionnels, ne mettant pas en cause la police et ses fonctions, et qu’il serait donc possible d’éviter moyennant quelques petites réformes. Mais dans les périodes plus tendues, lors de grèves dures ou de manifestations rompant avec les habituelles processions traîne-savates, la violence des forces de répression de l’ordre bourgeois s’exerce plus ouvertement; et elle se déchaîne lorsque les exploités, ne se contentant plus de résister au capitalisme, commencent de l’attaquer.

La répétition continuelle des brutalités policières est la conséquence inévitable du maintien de l’ordre bourgeois; prétendre qu’il soit possible de les éviter par telle ou telle mesure, par une «meilleure formation des policiers», etc. est un pur mensonge. «Il faut une révolution pour faire plier la mauvaise France» a affirmé le frère d’Adama Traoré (2). Et en effet, seule la reprise de la lutte prolétarienne anticapitaliste (et non un repliement de type racial – entre noirs ou «descendants des colonisés» – comme le préconisent quelques organisations petite-bourgeoises), avec ses mesures d’autodéfense, pourra tenir en respect les «hommes en armes» de la bourgeoisie. Si cette alternative est encore très lointaine, elle indique cependant la direction vers laquelle il faut aller, et la perspective dans laquelle, pour qu’ils soient efficaces, il faut inscrire les mouvements et les mobilisations en cours, en particulier pour la libération d’Adama Traoré et de tous les emprisonnés.

Sinon les manifestations les plus «réussies» (3), les appels les plus généreux, comme Justice pour Théo!, resteront condamnées à l’impuissance: c’est le prolétariat révolutionnaire qui rendra justice à toutes les victimes du capitalisme en abattant ce système pourri!

 


 

(1) Donnons comme exemple l’écoeurant appel aux manifestations du 19 mars signé par la Ligue des Droits de l’Homme, le MRAP, la CGT et la FSU: «La police est un métier difficile (...).Avec ces marches nous disons: une autre police est nécessaire (...). Il est impératif d’adopter des mesures (...) qui créent les conditions de confiance entre police et population (...). Les violences policières, dès qu’elles font – ou semblent faire – système, sont un coup de poignard plongé dans le coeur de la République, etc., etc». Ou le communiqué du PCF du 13/3 demandant l’instauration d’«une police de proximité, bien formée, disposant des moyens nécessaires à son travail, gardienne de la paix qui tourne le dos à la politique du chiffre et au tout répressif». Amen!

(2) Cf Résistons Ensemble contre les violences policières et sécuritaires n°161 (mars 2017).

(3) Nous faisons allusion à la manifestation du 19 mars «Pour la Justice et la Dignité» à laquelle appelaient toutes les organisations démocrates, réformistes et collaborationnistes, mais où étaient absents, selon tous les commentateurs (qui s’interrogent à ce sujet), les jeunes prolétaires des banlieues. Peut-être avaient-ils conscience que ces grandes processions unitaires ne servent à rien?

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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