Travailleurs de lEtat:

Ne pas tomber dans le piège de la défense du service public!

Lutter exclusivement sur le terrain de classe!

(«le prolétaire»; N° 527; Janv.-Févr.-Mars 2018)

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Le gouvernement ne fait pas mystère de son objectif : un vaste plan social dans la Fonction publique – 120 000 suppressions d’emplois, ce qui correspond à ce qu’avait annoncé le candidat Macron – accompagné d’une remise en cause profonde des «garanties» dont disposent encore les agents.

 

L’État-patron restructure la Fonction publique

 

Les leviers de ce plan social doivent être des restructurations massives des ministères, le transfert au secteur privé de certaines missions et la baisse, en quantité ou en qualité, des services rendus à la population.

Comme dans n’importe quelle entreprise, l’État-patron entend favoriser les suppressions d’emplois en mettant en place un plan de départs «volontaires» et en négociant avec le collaborationnisme syndical des dérogations aux règles nationales présentes dans le Statut de la Fonction publique. Il veut également pouvoir mettre en place un salaire «au mérite» et en fonction des résultats (pour développer la concurrence entre salariés et leur docilité) et étendre la précarité avec une accentuation du recrutement contractuel. L’Etat cherche comment grignoter des «garanties» sans que cela lui coûte trop cher en conflits sociaux, exactement comme le patronat privé, face à la crise, cherche à se libérer de contraintes telles que la limitation du temps de travail ou le versement des «charges sociales».

Les médias bourgeois apportent leur plein soutien à ce plan à coup de déclarations démagogiques et d’informations bidonnées sur les «nantis», sur des «privilèges d’un autre âge» et sur les «réformes de bon sens». D’opportuns sondages sont publiés pour montrer que la population est favorable au projet gouvernemental.

Le «nouveau monde» vanté par la propagande médiatico-gouvernementale ne fait que remettre au goût du jour les vieux projets que la bourgeoisie avait dû remiser dans ses tiroirs de peur d’une contestation sociale massive. Par exemple, dès 1967, le rapport Nora envisageait déjà de remplacer les statuts par un système de contrats d’entreprise avec l’Etat, doublé de conventions collectives. En 1979, le rapport Longuet envisageait de réduire à 400 000 le nombre des fonctionnaires d’Etat à poste fixe et garanties «nationales», les autres étant employés, virés ou mutés selon les besoins locaux par des agences régionales.

 

Défendre les conditions de travail, pas le statut !

 

Le gouvernement cible le Statut général de la Fonction publique et les statuts particuliers. Les syndicats collaborationnistes – à l’exception de ceux ouvertement jaunes – se font les chantres d’un totem qui assurerait l’existence d’un Etat au-dessus des classes (la «neutralité» des fonctionnaires).

La bourgeoisie a institué un statut particulier qui comportait des avantages aux fonctionnaires afin d’avoir un personnel docile et obéissant dans les administrations d’Etat et aussi dans certaines entreprises jugées particulièrement importantes au point que la rentabilité y était secondaire (comme la SNCF ou la Poste). Elle s’est donc efforcée d’inculquer aux employés de l’Etat l’idée qu’ils formaient, comme disait Clemenceau en 1906, «une catégorie spécialement avantagée, avec des droits et même (…) des devoirs particuliers». C’est pourquoi les fonctionnaires sont légalement soumis à une discipline de caserne qui leur impose l’ «obligation de réserve» (qui limite la liberté d’expression) ou des limitations du droit de grève (règle du retrait d’un trentième du salaire si l’agent est en grève une heure ou plus, obligation de se déclarer gréviste à l’avance, réquisition…). La défense du statut sert à inculquer l’esprit de catégorie, la religion de la promotion, du concours et de la carrière, le respect servile pour la hiérarchie…

Mais aujourd’hui les choses ont changé, les bourgeois trouvent que l’Etat coûte trop cher, que certains secteurs ne sont plus si essentiels ou qu’ils pourraient être une source de profits pour les capitalistes privés.

Les salariés de l’État ne doivent pas défendre le mythe d’un Etat protecteur et bienfaiteur comme cela pouvait être le cas pour eux autrefois: ces temps-là sont révolus. Il leur faut lutter pour défendre les avantages réels et matériels en horaires de travail, en sécurité d’emploi face au chômage ou, plus rarement, salaires, qui en sont le contenu concret. Ils doivent riposter aux offensives de la bourgeoisie sur le terrain de classe, avec des méthodes de classe et avec des revendications de classe (baisse du temps et de la charge de travail, augmentation uniforme des salaires, embauche des précaires…).

 

 Chercher la solidarité de classe des autres prolétaires, pas celle interclassiste des «usagers» !

 

L’opportunisme politique et syndical (y compris d’ «extrême» gauche) est par principe un adorateur de l’État qu’il dépeint comme le représentant de tous les citoyens; il ne cesse donc pas de geindre sur l’emprise qu’exerce sur lui le patronat et sur son supposé retrait de la vie économique: les réformistes présentaient traditionnellement le socialisme comme le passage sous propriété d’Etat de la plupart des entreprises – sans qu’il y ait un changement dans les rapports sociaux, le patron privé étant seulement remplacé par le patron étatique.

 A l’inverse les travailleurs de la Fonction publique doivent comprendre que l’Etat patron est leur ennemi et qu’il faut le combattre et non rêver à son amélioration.

Les prolétaires n’ont rien à défendre dans la société bourgeoise qui les exploite et les opprime: ni l’État, ni l’entreprise, ni le développement local, ni l’économie nationale, ni les «services publics» en tant que tels mis en place pour faire fonctionner cette économie. … Ils doivent détruire l’État bourgeois qui est le quartier général, le conseil d’administration, de leur ennemi de classe. Ils ont un monde à gagner, une société sans classe!

Cela ne signifie pas qu’ils peuvent rester indifférents à la dégradation des services de base qu’ils sont contraints d’utiliser au quotidien. La politique de rentabilisation de la bourgeoisie entraîne des transports bondés et en retard, des gares éloignées, des tarifs toujours plus élevés pour se soigner, un système de santé dégradé dans lequel il faut attendre des heures dans des conditions indignes, des classes surchargées pour les enfants de la classe ouvrière…

Les luttes sur ces questions font partie des indispensables luttes élémentaires de défense des conditions de vie et de travail. Pour être efficaces, ces luttes ne peuvent se mener que sur des orientations de classe, avec la volonté – à chaque occasion – de renforcer l’unité des travailleurs. C’est ainsi que ces combats doivent chercher la liaison avec les luttes pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des usagers prolétaires et des travailleurs de l’État. Il est impossible de s’appuyer sur les regroupement interclassistes d’«usagers» qui inévitablement se transforment en moyens de pression supplémentaire sur les salariés, contre les grèves «qui prennent en otages les usagers», pour critiquer les fonctionnaires absents (pour cause de maladies ou de conditions de travail toujours plus dures).

Les travailleurs combatifs doivent s’employer à ramener les choses sur le terrain concret, premièrement des besoins matériels des plus exploités, deuxièmement du besoin d’unité de tous les salariés. C’est une condition indispensable pour se donner la force d’arracher leurs revendications et de marcher aux côtés de tous les travailleurs.

 

La  perspective : lutte pour le communisme, pas pour davantage d’État capitaliste !

 

Les illusions sont nombreuses, chez les fonctionnaires, mais pas seulement chez eux, sur un Etat arbitre qui serait au-dessus des classes, neutre et bienveillant, et guidé par l’intérêt collectif. Ce serait cet Etat mythique offrant les non moins mythiques «services publics» que les ultra-libéraux» voudraient remettre en cause ou détruire.

Dès la fin du XIXe siècle, les marxistes authentiques se sont fait les dénonciateurs des «services publics». En 1882, Paul Lafargue s’en prenait au «communisme à l’usage des bourgeois: il est bien modeste; il se contente de la transformation de certaines industries en services publics; il est surtout peu compromettant; au contraire, il ralliera nombre de bourgeois». Il pointait déjà que «Dans la société capitaliste une industrie privée ne devient service public, que pour mieux servir les intérêts de la bourgeoisie: les avantages qu’elle en retire sont de différentes natures, nous venons de parler des dangers sociaux que présentent certaines industries abandonnées à l’exploitation individuelle, dangers qui disparaissent ou sont atténués considérablement dès que l’Etat les dirige. Mais il en existe d’autres. L’Etat, en centralisant les administrations diminue les frais généraux, il fait le service avec une dépense moindre.

On accuse l’Etat de payer tout plus cher que les industriels privés; néanmoins ce n’est pas toujours le cas lorsqu’il s’agit de l’établissement des voies de communication, une des entreprises les plus difficiles et les plus compliquées de l’industrie moderne (…). L’Etat peut donc diminuer sensiblement les prix des services publics qu’il exploite. Ce sont les bourgeois qui bénéficient de cette réduction, parce que ce sont eux surtout qui en usent. C’est ainsi que des ouvriers ne se servent de la poste qu’une ou deux fois par an: et que de maisons de commerce, que d’industriels, expédient des dix et vingt lettres par jour!».

L’émancipation du prolétariat ne passe pas par la conquête de l’État bourgeois ou son amélioration par des réformes. Cette émancipation – du prolétariat et donc de toute l’Humanité opprimée – passe par la destruction violente de l’État bourgeois, par l’insurrection armée du prolétariat pour établir sa dictature.

Sur les ruines de la société bourgeoise, le prolétariat pourra ensuite construire une société libérée de l’exploitation, de la misère, de l’oppression… et de l’État !

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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