Les raisons d’une campagne contre l’antisémitisme

(«le prolétaire»; N° 532; Février - Mai 2019)

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La prise à partie verbale du philosophe réactionnaire et raciste Finkielkraut (1) par des Gilets Jaunes a été l’occasion pour le gouvernement et les médias de déclencher une vague d’indignation contre l’antisémitisme.

Pour découvrir le but réel de cette campagne de grand style, à laquelle ont adhéré tous les partis et syndicats, il suffirait de rappeler que rien de semblable n’ait été déclenché après que le même Finkielkraut se soit fait expulser sous des injures d’une réunion de «Nuit Debout», place de la République, en 2016.

Le gentil mouvement «Nuit Debout» ne représentait pas une menace comme peuvent le faire encore les Gilets Jaunes: le gouvernement a donc décidé d’amplifier l’incident, en l’amalgamant à des tags antisémites de nazillons, pour discréditer le mouvement aux yeux de l’opinion et cimenter une fois de plus la grande union des défenseurs de l’ordre établi.

Nous avons eu droit à une vaste Union sacrée regroupant entre autres les partis de gauche (PCF, PS, France Insoumise…) et les syndicats collaborationnistes (CFDT et CGT) avec la droite réactionnaire (Les Républicains et Debout la France) et le gouvernement et ses godillots de LaREM. L’ex-Front National invité par le PS avait décliné la proposition, mais il a fait sa propre manifestation de protestation. 

 

Racisme, antisémitisme : les fruits pourris de la domination bourgeoise

 

Les prolétaires ont pu observer toute la canaille bourgeoise communier, au nom de la lutte contre l’antisémitisme, autour de l’éternelle défense de la République. Il s’agit là d’une pratique récurrente depuis la fin de la dernière guerre mondiale: l’unité nationale contre la «barbarie nazie» et l’antisémitisme dont elle serait seule responsable, est une partie centrale de l’idéologie dominante démocratique en France depuis cette époque. Pour en démontrer son caractère mensonger, il suffit de rappeler que la campagne à grand spectacle contre l’antisémitisme des dernières semaines s’est faite derrière un gouvernement qui avait décidé en janvier de «commémorer» Charles Maurras, leader royaliste qui fut dans la première moitié du XXe siècle le pape de l’antisémitisme français, et derrière le président Macron qui quelques mois plutôt voulait rendre un «hommage national» à Pétain, le plus grand tueur de Juifs de l’histoire de France. De plus, le Premier ministre Philippe s’était déclaré favorable à ce que les brûlots antisémites de Louis-Ferdinand Céline soient republiés par un grand éditeur et donc diffusés massivement.

La montée du racisme et de l’antisémitisme est cependant incontestable.

L’antisémitisme est bien un produit du capitalisme et ne disparaîtra qu’avec lui. C’est une position politique réactionnaire qui a pour fonction de protéger le système capitaliste en attribuant la responsabilité de ses méfaits à une fraction restreinte des capitalistes (les juifs ou supposés tels) afin d’éviter que le système dans son ensemble soit mis en accusation. Les prolétaires combattent tous les capitalistes, qu’ils soient juifs, musulmans, chrétiens ou athées. Malgré ses proclamations et ses campagnes anti-antisémites, la bourgeoisie s’est servie et se servira de l’antisémitisme dans les moments difficiles quand un bouc-émissaire est nécessaire. L’antisémitisme doit être dénoncé et combattu sans hésitation par les prolétaires conscients parce qu’il est au service de la défense de l’ordre bourgeois. Mais il doit être donc clair que la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de préjugés de supériorité nationale ou raciale, est inséparable de la lutte contre les forces démocratiques et le réformisme ouvrier, bref contre la démocratie impérialiste.

Il faut relever qu’aujourd’hui, ce n’est pas l’antisémitisme qui est le poison le plus insidieux pour la classe ouvrière: c’est le nationalisme (y compris celui raffiné des partis démocratiques et de gauche) et le racisme visant en premier lieu les populations immigrées et issues de l’immigration. La bourgeoisie et son État attisent depuis des décennies pour diviser le prolétariat ce racisme qui suscite bien moins d’indignations politico-médiatiques.

La lutte contre l’antisémitisme est utilisée par la bourgeoisie pour entraîner le prolétariat dans la défense de la démocratie bourgeoise, en pure diversion par rapport aux problèmes quotidiens que rencontrent les prolétaires.

Elle sert aussi de prétexte pour apporter un soutien aux méfaits des impérialistes au Proche-Orient et à leur chien de garde, Israël.

 

REFUSER LE CHANTAGE À L’ANTISÉMITISME

 

Cette Union Sacrée a débouché sur une proposition de Macron, qui a fait sienne la position classique des associations pro-israéliennes: assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme et donc punir les antisionistes, en vertu des lois antiracistes, de peines pouvant aller jusqu’à un an de prison pour dénonciation d’Israël et de ses exactions! Le pouvoir et la presse bourgeoise justifient cette proposition par le fait que des antisémites remplacent dans leurs diatribes le terme «juif» par «sioniste». Demain, ils remplaceront «juif» par «apatride», «cosmopolite» ou par un autre terme dénaturé.

On le voit sans peine la criminalisation de l’antisionisme est une arme de répression massive contre toutes les critiques – et même les plus timorées (genre NPA) – de la politique israélienne au service de l’impérialisme.

L’Etat israélien s’est constitué par l’expropriation sanglante des populations palestiniennes, pratiquement achevée aujourd’hui. Cet Etat, véritable implantation coloniale au Moyen Orient réalisée au nom de l’idéal sioniste avec l’assentiment de tous les impérialismes victorieux dans la seconde guerre mondiale, est fondé sur le «privilège juif» – un ensemble de dispositions légales qui font des non-juifs des citoyens de seconde zone en Israël, tout en accordant aux personnes de religion juive du monde entier la possibilité d’acquérir la nationalité israélienne et d’immigrer dans le pays. Le but est de souder toutes les classes, et particulièrement le prolétariat, dans une solide union nationale sanctifiée par la religion, huilée par un racisme anti-arabe, mais reposant en définitive sur la capacité de la bourgeoisie israélienne à assurer des conditions de vie meilleures que celles des populations palestiniennes refoulées dans des camps de réfugiés ou vivant dans des régions sous domination israélienne. Ces avantages matériels dont jouissent les prolétaires israéliens juifs expliquent en dernière analyse la solidité de cette union interclassiste, forte au point qu’ils aient accepté de payer le prix du sang dans les guerres continuelles menées par leur bourgeoisie pour étendre et consolider l’Etat hébreu.

Israël a été soutenu par les impérialistes occidentaux et principalement par les Etats Unis, car à l’époque de la guerre froide il représentait un point d’appui sûr dans une région travaillée par les mouvements anticoloniaux, et où de nombreux Etats étaient tentés de se rapprocher de l’URSS pour se soustraire à leur pression.

 Mais après la chute de l’URSS, la Russie s’est rapprochée d’Israël et aujourd’hui les deux Etats ont des relations qui ne sont pas conflictuelles (fin février le premier ministre israélien a effectué son énième visite officielle Moscou pour discuter de la Syrie). Dans le ciel syrien, avions israéliens, russes, américains et alliés (français...), se croisent et bombardent pour leurs intérêts particuliers, mais en bonne intelligence. Etat gendarme de l’impérialisme au Moyen-Orient, Israël a démontré au cours de son histoire qu’il était aussi l’ennemi des prolétaires et des masses exploitées dans le monde: il suffit de rappeler son soutien indéfectible à l’Afrique du Sud de l’apartheid ou au Chili de Pinochet.

 

BRISER LE CONSENSUS BOURGEOIS ET IMPÉRIALISTE

 

Les communistes refusent de mêler la voix de la révolte et de la haine de classe aux larmes de crocodile des politiciens réactionnaires et des défenseurs de la démocratie bourgeoise.

La classe ouvrière a son but et ses méthodes à elle. Elle seule peut venir à bout du racisme et de la violence réactionnaire contre les minorités (Juifs, gays, lesbiennes…) ou contre les femmes, parce qu’elle seule combat résolument l’ordre capitaliste et tous ses larbins.

Cette position théorique ne signifie nullement une abstention pratique ou une dérobade. Elle suppose au contraire que sur le terrain de l’action immédiate, la lutte de défense contre les crimes racistes et contre la violence légale et para-légale de la bourgeoisie soit menée avec détermination et énergie. C’est sur ce terrain réel que les communistes révolutionnaires travaillent à l’unité de classe. Et elle se fera dans le vif de la lutte sur le terrain de classe, en combattant toutes les forces bourgeoises, les faux amis réformistes et pacifistes, les faux révolutionnaires qui prétendent soumettre la lutte prolétarienne à l’unité avec les forces collaborationnistes, ces piliers de l’impérialisme.

 


 

(1) Finkielkraut soutient la thèse du «Grand remplacement» formulée par celui qu’il appelle publiquement son «ami», l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus. Ce dernier prétend qu’un remplacement de la population blanche de souche par une population immigrée, arabe et africaine, est en cours, en France et en Europe, à l’initiative des «élites». Finkielkraut reproche seulement à Camus de comparer ce prétendu «Grand remplacement» au génocide des Juifs.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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