Coup d’État civico-militaire en Bolivie

Ni Morales, ni Mesa-Camacho, ni l’armée !

Pour l’indépendance de classe !

Pour la lutte révolutionnaire prolétarienne !

(«le prolétaire»; N° 535; Décembre 2019 / Janvier 2020 )

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Depuis des semaines, les forces réactionnaires boliviennes dénonçaient la réélection contestable du président Evo Morales. Cela se traduisait par des manifestations, des blocages de route et des violences de rue.

Selon le quotidien Le Monde (4 novembre) « Deux Bolivie, irréconciliables, se font face. D’un côté, une opposition polymorphe, divisée entre partis politiques, organisations citoyennes structurées et citoyens, parmi lesquels beaucoup de jeunes, étudiants et lycéens. Une majorité d’entre eux est issue des classes moyennes et supérieures, plutôt métisse et blanche – même si des groupes indigènes s’y retrouvent. De l’autre, les soutiens du président Evo Morales qui incarnent une Bolivie de la ruralité et des périphéries : paysans, mineurs, cultivateurs de coca, ouvriers et organisations syndicales. »

En réalité il ne s’agit pas d’un affrontement entre prolétaires et bourgeois, mais entre deux fractions bourgeoises dont l’une, « de gauche », s’appuie sur les organisations pratiquant la collaboration entre les classes y compris pour mener un politique plus indépendante de certaines institutions impérialistes comme le FMI et la Banque Mondiale et qui essaye de trouver auprès de l’impérialisme chinois un parrain de rechange ; tandis que l’autre s’appuie sur certains secteurs de la petite et moyenne bourgeoisie tout en recherchant le soutien de Washington. Avec la démission de Morales, et son exil au Mexique, c’est cette dernière qui a gagné dans l’affrontement.

 

UN COUP D’ÉTAT REACTIONNAIRE

 

C’est moins une soit  disant « mobilisation citoyenne » que les manœuvres des secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie et les pressions de l’impérialisme américain qui ont renversé le président au pouvoir depuis quatorze ans.

Dimanche 10 novembre matin, l’Organisation des États Américains (OEA) a publié un rapport donnant raison à l’opposition, selon lequel les élections du 20 octobre dernier n’auraient pas été remportées, dès le premier tour, par Evo Morales. Ce dernier a d’abord annoncé l’organisation d’un nouveau scrutin ainsi que le renouvellement du Tribunal Électoral, accusé de partialité. Dans la journée, la situation a basculé : l’armée, qui se tenait jusqu’à présent en retrait, a demandé la démission du président. Elle a rejoint plusieurs unités de police qui se sont mutinées contre le gouvernement.

La « démission » de Morales a été suivie de celles de son vice-président et des présidents des deux chambres ainsi que plusieurs gouverneurs et maires de son parti, le Mouvement vers le socialisme (MAS). La vice-présidente du Sénat, membre de l’opposition, a donc succédé à Morales et a annoncé qu’une élection présidentielle sera organisée en janvier 2020.

Mesa, l’adversaire de Morales à la présidentielle, était vice-président pendant la « guerre du gaz » de 2003 qui a vu le prolétariat se révolter face à la hausse des prix, au prix d’une centaine de morts. Pendant sa campagne, il s’est prononcé pour un rapprochement avec les États-Unis et du Brésil de Jair Bolsonaro (L’Humanité 24 octobre). Camacho, le leader de la droite et du « comité civique » de Santa Cruz, s’est pavané au siège du gouvernement, Bible à la main. Cet opposant est un évangéliste, un fondamentaliste chrétien, qui se targue d’avoir l’appui de l’impérialisme yankee. Il a revendiqué la mise en place d’un « gouvernement de transition » avec une participation des militaires.

Pour couronner le tout, Trump s’est félicité du renversement du président pseudo-socialiste de Bolivie.

Le caractère réactionnaire des nouveaux maîtres du pays ne fait pas de doute. Le Washington Post estime que « l’opposition d’extrême droite, […] contrôle maintenant clairement le pays » (cité par courrierinternational.fr, « Evo Morales se réfugie au Mexique tandis que la Bolivie plonge dans le chaos », 12 novembre)

 

MOBILISATION PROLETARIENNE CONTRE LE COUP D’ETAT

 

Les prolétaires de La Paz et d’El Alto se sont levés contre le nouveau pouvoir. Ils savent que c’est un ennemi résolu de leur classe mais aussi un pouvoir revanchard qui méprise et déteste les masses indiennes qui pensaient avoir trouvé en Morales un représentant. On ne sait pas encore autour de quels mots d’ordre la mobilisation ouvrière se fait.

Il existe un sentiment pro-Morales chez les prolétaires. Il est dû à une amélioration de la situation économique et sociale : « le programme économique qu’Evo Morales a mis en place dès son arrivée au pouvoir en 2006 est, selon tous les indicateurs, le plus réussi et le plus stable de la région.

Ces treize dernières années, le PIB a bondi de 9 milliards, à plus de 40 milliards de dollars, le salaire réel a augmenté, le PIB par habitant a triplé, les réserves de change sont à la hausse, l’inflation n’est plus un problème, et l’extrême pauvreté a chuté, passant de 38 % à 15 %, soit une baisse de 23 points. À titre de comparaison, sur la même période, l’extrême pauvreté n’a diminué en Uruguay et au Pérou que de 2,3 % et de 12 %, respectivement. » (« Le miracle économique de la Bolivie », Deutsche Welle cité par Courrier International, 9 août).

La croissance capitaliste a permis d’améliorer les conditions d’existence des masses pauvres grâce à une politique de dépenses publiques et de mesures de redistribution, comme le quatorzième mois ou les allocations sociales. Malgré cela l’exploitation reste féroce et le prolétariat et la paysannerie pauvre vivent toujours dans la misère et le besoin.

Loin des balivernes « socialistes » de Morales et du MAS, c’est un développement capitaliste qu’a connu la Bolivie. Ce développement s’est basé sur les exportations de matières premières en particulier le gaz.

 

LES IMPASSES COLLABORATIONNISTES

 

Le collaborationnisme syndical, fidèle à sa longue tradition de suivisme des forces  bourgeoises dominantes, s’est lui aussi rallié au renversement de Morales. La Confédération Ouvrière Bolivienne, longtemps l’un de ses principaux soutiens, a déclaré dimanche que « si pour éviter que le pays ne tombe pas dans la guerre civile, il faut que le président démissionne, et bien qu’il démissionne ».

Les partis trotskistes ont une influence indéniable en Bolivie. Cette force est, une fois de plus, mise au service de mots d’ordre typiquement bourgeois. Le Partido Obrero Revolucionario (POR Masas) appelle à une « assemblée populaire » et à porter au pouvoir un front interclassiste d’ « ouvriers, paysans, classes moyennes pauvres » (Insurreccion, 22 octobre 2019). Les trotskystes brésiliens du Partido Operario Revolucionario (POR-Massas) dénoncent le « gouvernement antinational » de Moreno et appelle à un « front anti-impérialiste » (www.pormassas.org 9 octobre). La Liga Obrera Revolucionaria (LOR-CI) revendique une très classique (et très bourgeoise) « Assemblée constituante libre et souveraine » (www.laizquierdadiario.com, 24 octobre) et le Movimiento Socialista de los Trabajadores pour une « programme de vraie nationalisation des ressources sous contrôle ouvrier » (Chasqui Socialista, septembre 2019).

De leurs côtés, les « marxistes-léninistes » du Parti Communiste Révolutionnaire se font également les champions de solutions bourgeoises avec une « alternative patriotique, démocratique et populaire » (tinta-roja.com, 10 novembre) et une « véritable démocratie populaire » (22 octobre).

 

UNE SEULE ISSUE : LE RETOUR A LA LUTTE CLASSISTE

 

Comme au Venezuela, les prolétaires ne doivent pas se laisser abuser. Morales, Camacho, Mesa et Cie sont tous des ennemis. Aucun n’est préférable à l’autre. Ils doivent tous être combattus. L’«assemblée constituante», le «gouvernement ouvrier paysan», le «pouvoir populaire»… ne sont que des fables qui cherchent à les détourner du combat de classe. Sans parler des appels patriotiques sur l’indépendance nationale avec la nationalisation des ressources naturelles ou des multinationales.

Les prolétaires et les masses déshéritées de Bolivie seront confrontées aux mêmes problèmes quel que soit leur président, car tous ces politiciens bourgeois, de gauche ou de droite, ne font que suivre les injonctions du capital. Pour que leur lutte de résistance ne puisse être détournée et stérilisée sur des objectifs bourgeois, il faudra qu’elle s’attaque au capitalisme lui-même et à son État, c’est-à-dire qu’elle s’affirme ouvertement comme lutte de classe. Les prolétaires de ce pays pauvre de onze millions d’habitants, ont derrière eux une riche tradition de luttes ouvrières, mais ils ont aussi une longue tradition de trahison par les partis qui prétendent les représenter.

Ils ne doivent compter que sur leurs seules forces, ils ne peuvent faire confiance à aucun sauveur ; leur perspective de peut-être celle d’une union nationale ou populaire pour défendre une forme de l’Etat bourgeois et le capitalisme national : leur perspective ne peut être que celle de la révolution prolétarienne internationale pour renverser tous les Etats bourgeois ! En attendant la seule voie sûre pour se défendre contre leurs ennemis est la lutte indépendante pour leurs seuls intérêts de classe. Cette lutte de classe pose le problème de la constitution de leur organe politique, le parti de classe indispensable pour diriger la lutte de défense immédiate contre le capitalisme,  dans la perspective de son renversement quand les conditions objectives le rendront possible. C’est là une tâche historique qui ne pourra être résolue par les seuls prolétaires de Bolivie, mais qui nécessite la collaboration des prolétaires du monde entier.

 

Pour la lutte révolutionnaire de classe !

Pour la révolution communiste mondiale !

 

13/11/2019

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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