Vive la lutte des prolétaires et des masses d’Equateur !

(«le prolétaire»; N° 535; Décembre 2019 / Janvier 2020 )

Retour sommaires

 

 

Depuis le début du mois d’octobre l’Equateur, pays d’Amérique du Sud de 16 millions d’habitants environ, est secoué par un puissant mouvement de protestation ; par crainte des manifestants le gouvernement a jugé plus prudent de quitter la capitale, Quito, pour s’installer dans la ville portuaire de Guayaquil, la deuxième ville et capitale économique du pays, où les troubles ont été jusqu’ici moins importants.

Ce mouvement a été déclenché par la décision du président Lenin Moreno de mettre en application par décret de tout un package de mesures d’austérité élaborées en accord avec le FMI pour rétablir l’équilibre des finances du pays. Les milieux financiers internationaux saluèrent alors la détermination du président équatorien, qui tranchait avec la modération, selon eux, du gouvernement argentin de Macri dans l’application de « réformes » antisociales. Les mesures décidées comportent la suppression des subventions du carburant, ce qui a provoqué un doublement du pris de l’essence (120% d’augmentation), une réduction des impôts sur un certain nombre d’importations, la possibilité de baisser les salaires de 20% en cas de renouvellement d’un CDD, etc. Ce décret devrait permettre le déblocage d’un premier versement du FMI de 250 millions de dollars, dans le cadre d’un prêt qui atteindrait les 4,2 milliards de dollars (équivalent à la dette du pays).

Moreno, élu en 2017, était un politicien « socialiste » proche du précédent président Rafael Correa, qui après son élection en 2006 est devenu une icône de la gauche réformiste en Amérique Latine, en prétendant réaliser une « révolution citoyenne ». Pendant une bonne partie des dix années de présidence Correa l’Equateur a connu une croissance économique notable, due principalement aux exportations pétrolières qui représentent plus du tiers des revenus du pays (ils ont permis des investissements étatiques dans les infrastructures dont se vantent les partisans de Correa) ; la paix sociale a été achetée grâce à une certaine redistribution de la rente pétrolière et à la collaboration des organisations syndic ales. Mais le caractère pro-capitaliste et même réactionnaire du « gauchiste » Correa, soutenu au départ par les organisations de gauche, s’est manifesté par son refus de la réforme agraire ou son opposition à la légalisation de l’avortement (même en cas de viol). Il n’hésitera pas à s’opposer aux actions des petits paysans ou paysans sans terre indigènes contre les grands propriétaires ou aux luttes ouvrières.

Les dernières années ont été marquées par une récession consécutive à la chute des cours du pétrole qui a entrainé un recours à l’endettement pour maintenir l’activité économique et le fonctionnement de l’Etat. A court de ressources, le gouvernement Correa avait entamé dans la dernière période une politique de privatisations tout en réduisant les impôts pour les capitalistes et il s’était tourné vers la Chine, qui est devenue le plus gros prêteur au pays et l’un des plus grands investisseurs, notamment dans le pétrole, où l’Equateur possède d’importantes réserves non exploitées.

Après son élection, Moreno, accusant son ancien mentor d’être responsable de l’état économique désastreux du pays, s’est résolu à faire appel au FMI pour combler les déficits des finances publiques. Et pour le FMI comme pour les gouvernements bourgeois, il n’existe qu’une seule façon d’y arriver : faire payer non les capitalistes, mais les pauvres, c’est-à-dire s’attaquer aux prolétaires et aux masses, petites bourgeoises y compris.

Ce sont ces dernières qui ont réagi les premières : les transporteurs, les propriétaires de taxi, étranglés par la hausse du prix de l’essence ont commencé à manifester te à cesser leurs activités. Ils ont été rejoints par les paysans indigènes, qui ont une tradition de lutte (voir les manifestations de 2015), et le mouvement de révolte s’est étendu à tout le pays.

 

Grève générale

 

Lundi 7 octobre le gouvernement s’est transféré à Guayaquil et il a décrété l’état d’urgence pour 60 jours sur tout le territoire, mobilisant 74 000 soldats et militaires pour maintenir l’ordre bourgeois.

Cela n’a pas empêché le déclenchement d’une grève générale à partir du 9 octobre sur l’objectif du retrait des mesures gouvernementales, la CONAIE (1) envoyant dans tout le pays 4 à 5000 adhérents dans la capitale pour aider les manifestants. Des routes ont été coupées dans tout le pays, des immeubles officiels occupés, et la production pétrolière interrompue, tandis qu’à Quito l’assemblée nationale était attaquée et envahie. Quelques dizaines de policiers et de soldats ont même été faits prisonniers par les manifestants à divers endroits du pays (avant d’être relâchés).

Alors que le drapeau national est en général brandi par les manifestants, conformément à la nature petite bourgeoise de beaucoup d’entre eux, notamment les paysans indigènes de la CONAIE, un certain nombre brandissaient à Quito le drapeau rouge en scandant le slogan : « notre drapeau est rouge comme le sang de la classe ouvrière». C’est la démonstration de l’entrée en lutte de secteurs ouvriers.

Vendredi 11 octobre, devant l’échec de la répression (5 morts, des centaines de blessés et d’arrestations) à mettre fin au mouvement, le président (qui avait accusé le Venezuela et Correa d’être à l’origine des troubles) a appelé au « dialogue » dans une intervention télévisée. La réponse des masses a été sans appel : les grèves ont continué de même que les manifestations qui ont pris un tour violent à Quito: édifices publics incendiés, télé gouvernementale attaquée ainsi que des journaux de droite, etc. Le gouvernement a alors décrété samedi 12 le couvre-feu dans la capitale.

Mais parallèlement certaines organisations d’opposition ont entamé plus ou moins ouvertement des négociations pour trouver une issue à la crise et éviter qu’elle n’ébranle le système bourgeois ; c’est le cas de la CONAIE qui est peut-être la force la plus organisée dans le mouvement de protestation actuel. Auparavant elle avait fait appel le 9 octobre à l’armée pour qu’elle se range du côté du peuple ! Un tel appel n’est pas innocent : les petits bourgeois, indigènes ou non, ne peuvent comprendre que l’armée est fondamentalement le bras armé de la domination bourgeoise et qu’elle se tournera donc toujours contre les prolétaires et les masses exploitées. Le gouvernement a aussi demandé à l’Eglise qu’elle serve de « médiateur » avec les autres forces d’opposition comme les syndicats (FUT, etc.) en vue d’arriver à un « compromis ».

Il n’y a pas de doute que ces organisations et partis collaborationnistes et petits bourgeois qui s’emploient à orienter le mouvement dans une direction nationaliste et interclassiste, c’est-à-dire bourgeoise, répondront à cet appel.

Pour vaincre les prolétaires et les masses équatoriennes doivent à l’inverse se mobiliser pour des objectifs de classe ; il leur faut s’organiser indépendamment des petits bourgeois qui s’apprêtent à les trahir, sans craindre de briser l’ « unité populaire » ni de mettre en péril les « intérêts de la nation ». Les seuls intérêts qu’ils doivent défendre sont leurs intérêts de classe, communs aux prolétaires de tous les pays.

Dans ce combat il leur faudra aussi travailler à la reconstitution du parti de classe international avec leurs frères de classe des autres pays. C’est une tâche qui ne sera pas réalisée du jour au lendemain, mais le cycle de luttes qui s’annonce en Amérique Latine et dont les masses équatoriennes fournissent un exemple éclatant pourra permettre de faire les premiers pas dans cette direction.

 

Vive la lutte des prolétaires et des masses exploitées d’Equateur !

A bas le capitalisme et l’Etat bourgeois!

Vive la révolution prolétarienne internationale !

 

13/10/2019

 


 

(1) Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

Retour sommaires

Top