En Afrique du Sud aussi, la bourgeoisie utilise l’hystérie anti-immigrés

(«le prolétaire»; N° 536; Février-Mars-Avril 2020 )

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Les Etats-Unis et l’Europe « développés » voient depuis bien longtemps déferler la haine anti-immigrés – pour être plus juste, la haine contre les prolétaires immigrés. Les démagogues d’extrême droite – la Ligue en Italie, le Front national rebaptisé RN en France, la Fidesz de Viktor Orbán en Hongrie, l’AfD en Allemagne… - mais aussi les dirigeants bourgeois plus « respectables » - comme Macron, Trump ou Boris Johnson – et les médias ne font qu’attiser à longueur d’années la haine et le mépris pour les prolétaires qui ont dû fuir la misère et le chaos bourgeois dans les pays dominés et pour leurs descendants qui ont le malheur d’avoir la peau trop foncée aux yeux des racistes.

La haine anti-immigrés n’est pas le monopole des pays impérialistes. Des pays « en développement » (du point de vue des capitalistes) connaissent exactement le même phénomène. C’est par exemple le cas de la Côte d’Ivoire ou du Brésil où les immigrés burkinabés ou vénézuéliens subissent discriminations, vexations et violences. C’est aussi le cas dans la « nation arc-en-ciel » que prétend être l’Afrique du Sud qui a mis fin à l’apartheid légal pour revenir à la normalité de l’apartheid réel présent dans toutes les sociétés capitalistes.

Cette haine a éclaté au grand jour en septembre 2019 . Une brutale vague de pogroms anti-immigrés a submergé – une nouvelle fois – le pays. Des magasins appartenant à des étrangers ont été ravagés par des pillages et des incendies, des routiers ont été attaqués, des maisons ont été assaillies et leurs habitants expulsés, des immigrés ont été agressés et assassinés (certains ont été brûlés vifs!), d’autres ont fui le pays en abandonnant le peu qu’ils avaient …

Durant tout le mois précédent les pogroms, les médias bourgeois, les politiciens bourgeois de l’ANC et de la DA (Alliance démocratique, parti d’opposition) ont nourri la démagogie raciste après que des marchands ambulants du quartier central de Johannesburg (le «CBD»), donc des immigrés, aient affronté et repoussé les agressions des flics le 1er août. A partir de ce moment, les discours de haine se sont largement amplifiés : des dirigeants de l’ANC ont dénoncé les « terroristes » ou accusé les immigrés d’être des vecteurs du virus Ebola ; les médias ont ressassé à longueur de colonnes que les immigrés sont des criminels ou des trafiquants de drogue…

Ces discours se sont accompagnés d’un raid policier dans le CBD le 7 août, qui a abouti à l’arrestation et l’emprisonnement de centaines de personnes. Les attaques de flics ont été renforcées par des émeutiers qui ont attaqué des voitures étrangères ou des magasins, pendant que la police détournait le regard.

Pour couronner le tout, le collaborationnisme s’est joint aux clameurs racistes. Par exemple, le chef de la Fédération sud-africaine des syndicats (SAFTU), a proclamé : « L’État a été attaqué par des criminels ! L’État doit mettre fin à l’anarchie et à l’anarchie – point final ! » en août, même si son syndicat a hypocritement condamné les attaques racistes de septembre au nom de la lutte contre le « système capitaliste qui divise et exploite la classe ouvrière noire ».

Cette déferlante de haine n’est une surprise pour personne. C’est le fruit pourri du chauvinisme anti-immigrés qu’attisent le capitalisme sud-africain et tous ses larbins à commencer par l’Alliance tripartite qui gouverne le pays et rassemble le Congrès National Africain (l’ANC, parti de Nelson Mandela, le Congrès des syndicats sud-africains COSATU et le Parti «communiste» sud-africain SACP).

Le racisme galopant et sa diffusion parmi les masses est en lien avec la récession qui touche l’économie sud-africaine et entraîne un chômage de plus de 40 %. Les travailleurs immigrés et les petits commerçants d’autres pays de l’Afrique et du sous-continent indien – et globalement les 3,6 millions d’immigrés – sont les boucs émissaires désignés.

Les violences racistes sont récurrentes. En 2008, des émeutes racistes avaient fait 62 morts. Entre 2015 et 2017, plus de 70 étrangers ont été assassinés, plus de 600 magasins pillés et au moins 10 000 personnes ont dû fuir les attaques racistes, selon l’organisation Xenowatch. En 2019, 213 camionneurs, la plupart originaires de Zambie et du Zimbabwe, ont été tués lors d’attaques ou de lynchages.

A la violence extra-légale des émeutiers s’ajoutent celle du gouvernement et de ses flics. Dans de nombreux cas d’attaques de magasins, des policiers laissent faire les pillards et en profitent même pour se servir. La violence légale prend aussi la forme d’expulsions massives : depuis 2012, plus de 400 000 ont eu lieu selon les chiffres officiels.

Les discours racistes des politiciens bourgeois sont monnaie courante. Ils ressemblent à ceux de leurs homologues européens ou étasuniens, jusqu’à ce que certains évoquent, à l’instar de Trump, la construction d’un mur avec le Zimbabwe. L’ANC a même organisé des voyages d’étude en Europe pour connaître et reprendre les politiques anti-immigrés en œuvre dans l’Union européenne.

Malheureusement, le prolétariat sud-africain et immigré est totalement désarmé politiquement – idéologiquement et organisationnellement – face à la haine raciste. Comme ailleurs, il souffre de l’absence du parti de classe, de l’abandon des traditions classistes et de la diffusion de tous les préjugés anti-prolétariens.

Si un véritable parti communiste était présent, il aurait pu s’inspirer de la politique des bolcheviks face à l’antisémitisme qui ravageait la Russie tsariste. Le Parti a pris à bras le corps cette question.

Il a affronté à la fois les bandes antisémites mais également combattu les sentiments contre les juifs largement répandu dans la population, y compris chez les prolétaires favorables à la révolution.

En juin 1917, premier congrès des Soviets publia une déclaration intitulée « Sur la lutte contre l’antisémitisme », rédigée par le bolchevik Evgeni Preobrajenski, qui fut votée à l’unanimité. Elle réaffirmait que l’antisémitisme était synonyme de contre-révolution. Elle dénonçait également « la tendance de l’antisémitisme à se parer de slogans radicaux », ce qui représente « un énorme danger tant pour le peuple juif que pour tout le mouvement révolutionnaire, car elle menace de noyer dans le sang fraternel toute la cause de la libération du peuple, et à couvrir le mouvement révolutionnaire d’une honte ineffaçable. » C’est sur cette base que les bolcheviks ont lutté contre la haine antisémite dans les rangs ouvriers.

Les soviets vont devenir ainsi des farouches combattants contre ce racisme. Celui de Moscou organisa des conférences et des meetings dans les usines au cours des mois d’août et de septembre. En Ukraine, en Biélorussie et en Russie, des gardes prolétariennes ont été formées pour lutter contre les pogroms.

La lutte contre la haine et les préjugés racistes et antisémites est partie intégrante du combat pour la révolution prolétarienne. Le racisme permet à la bourgeoisie de diviser la classe ouvrière et de trouver des bouc-émissaires pour détourner la colère sociale et paralyser la nécessaire riposte prolétarienne à l’offensive capitaliste.

Les nécessités de la lutte prolétarienne démontreront l’importance de la solidarité active avec les fractions immigrées du prolétariat. Laisser sans réagir l’ennemi – la bourgeoisie – frapper une partie du prolétariat, ce n’est pas éviter les coups mais c’est s’exposer encore davantage à ces coups qui visent toute la classe.

Pour les communistes aujourd’hui en Afrique du Sud, la tâche peut sembler titanesque mais c’est la seule utile : organiser concrètement la solidarité là où c’est possible et combattre la montée du racisme dans les rangs ouvriers. C’est la première étape indispensable pour la constitution d’un front de classe prolétarien unissant toutes les énergies, au-delà des divisions d’origine, de nationalité, de genre… dans une lutte anti-capitaliste.

A défaut de pouvoir aujourd’hui mettre en œuvre une auto-défense prolétarienne armée face aux pogromistes et aux flics, le prolétariat d’Afrique du Sud – comme ceux des métropoles impérialistes ou des pays dominés assez prospères pour être des terres d’immigration – doit renouer avec des revendications authentiquement classistes :

 

Non aux expulsions ! Libération des immigrés internés !

Liberté de circulation ! Non au contrôle de l’immigration ! Régularisation de tous les immigrés « illégaux » !

Égalité des droits pour les travailleurs étrangers !

A bas le chauvinisme qui fait le lit du racisme et de la xénophobie !

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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