Covid-19, une épidémie qui sert de prétexte à la bourgeoisie de tous les pays pour se lancer dans une guerre concurrentielle et se préparer à une guerre ouverte qui aura pour théâtre le monde entier

( Supplément COVID-19  à «le prolétaire» N° 536; Mars 2020 )

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LA SOCIETE BOURGEOISE EST PAR NATURE INCAPABLE DE DONNER LA PRIORITE A LA PREVENTION DES CATASTROPHES NATURELLES ET A LA SURVENUE D’EPIDEMIES OU DE PANDEMIES

 

Dans notre prise de position du 11 mars, à propos des mesures restrictives exceptionnelles prises par la classe dominante bourgeoise – en commençant par la Chine, puis ensuite en Italie et, avant la Russie, l’Allemagne, la France, l’Autriche, l’Espagne, la Suisse etc., jusqu’à l’Amérique arrogante deTrump –, nous écrivions:

« Dépendante d’un mode de production qui vise essentiellement à la valorisation du capital en exploitant sauvagement les énergies physiques, nerveuses et sociales du prolétariat et des couches les plus faibles de la population de tous les pays, la bourgeoisie est congénitalement incapable de structurer la société avec une prévention efficace pour la préservation de la santé de l’humanité dans sa vie économique et sociale ; elle n’est pas en mesure de rationaliser l’économie capitaliste pour l’harmoniser avec les besoins de la vie sociale humaine et avec l’environnement naturel, ce qui conduit à des crises de plus en plus dévastatrices. Elle est donc incapable de faire face aux événements naturels – tremblements de terre, tsunamis, inondations, épidémies, changement climatique, etc. – avec des méthodes et des moyens capables d’en réduire considérablement les effets négatifs »

Dès les premières nouvelles de l’épidémie venue de Chine, le danger de sa propagation planétaire est apparu, comme cela s’était déjà produit lors d’épidémies précédentes, des plus récentes, telles que le SARS, MERS, Ebola, aux plus anciennes, comme ladite « grippe espagnole » ou la variole, sans parler de la peste. Le fait qu’elles se soient effectivement propagées ou non dans le monde, avec des taux de contagion et de létalité élevés ou faibles, dépendait et dépend de nombreux facteurs; par exemple le type de virus, ou de bactérie, les conditions sociales et hygiéniques présentes dans les différents pays, le développement de la science et des découvertes scientifiques, la facilité ou non des contacts humains par les moyens de transport, par la concentration d’habitants dans des espaces restreints , la vie quotidienne en commun avec les animaux, etc. et, en général, du manque de prévention efficace basée sur les expériences et les connaissances acquises.

L’intérêt économique et commercial, caractéristique de la bourgeoisie dans tous les pays, passe avant la santé et le bien-être des populations. Il suffit de se référer au siècle dernier, le siècle du grand développement industriel et impérialiste et des grandes guerres mondiales du capitalisme. Face à la « grippe espagnole », une épidémie qui s’est propagée pendant la première guerre impérialiste – dont les études ultérieures ont établi qu’elle était une forme virale déjà constatée à l’été 1918 dans le Mid-West américain, et auparavant, au printemps 1918, à Canton, Shanghai et en Mandchourie (soumis respectivement à l’oppression coloniale anglaise, française et russe) –, les États ont alors caché la gravité de l’épidémie pour éviter que les troupes des différents fronts de guerre ne soient paralysées par la panique ou se rebellent violemment contre leurs commandements respectifs. En Italie, par exemple, un court article publié dans le Corriere della Sera du 24 octobre 1918, annonçait une « circulaire d’Orlando contre les rumeurs fausses et exagérées sur l’épidémie » (V.E. Orlando était Premier ministre et ministre de l’intérieur). Cette circulaire disait: «On parle d’une maladie terrible et mystérieuse, inconnue dans sa cause et invincible dans ses effets, et devant quelques cas exceptionnels de complications pulmonaires particulièrement graves (...), on a voulu, comme dans d’autres pays touchés avant le nôtre, identifier la maladie à la peste chinoise (...). Or il s’agit de rumeurs absurdes et sans fondements, fruit de l’incompétence et d’une fantastique surexcitation. Les observations cliniques comme les recherches de laboratoire ont exclu et excluent absolument l’origine exotique de la maladie et l’attribuent à ce qui est connu sous le nom de “grippe” » (1).

Les « rumeurs » étaient si fausses et exagérées que la « grippe espagnole », selon de nombreuses sources officielles, a tué plus de 50 millions de personnes dans le monde, soit beaucoup plus que la Première Guerre mondiale avec ses 16 millions de morts (et 20 millions de blessés et mutilés). Les morts de cette épidémie, longtemps cachés, furent plus du triple de celle de la « grande guerre », s’ajoutant aux victimes de cette dernière qui, depuis 1914, voyait le massacre des millions de soldats et de civils, pour des intérêts exclusivement bourgeois de rapine impérialiste : démonstration que les politiciens bourgeois d’alors étaient aussi criminels que ceux d’aujourd’hui.

Orlando avait anticipé il y a 102 ans ce que Trump a déclaré il y a à peine une dizaine de jours, pour ramener l’épidémie en cours à une grippe banale : «L’année dernière, 37 000 Américains sont morts de la grippe saisonnière. La moyenne se situe entre 27 000 et 70 000 par an. Rien n’est fermé, la vie et l’économie continuent » (2). Le même jour, les bourses enregistraient une forte chute et Trump réagissait en attribuant cette chute à des « fake news » sur la létalité de l’épidémie et le heurt entre l’Arabie Saoudite et la Russie qui avait empêché le renouvellement des accords de réduction de la production de pétrole pour maintenir le niveau des prix. Sauf que, une fois qu’il apparût à l’évidence que l’épidémie faisait rage également aux États-Unis, il fit son habituelle volte-face. Après avoir décidé le 16 mars l’arrêt des vols entre les USA et l’Europe en raison de la propagation rapide du coronavirus en Europe et des plongeons des bourses mondiales (Wall Street enregistra une chute de 12,9%, la pire depuis le krach de 1987) le président américain admit que la situation « n’est pas sous contrôle », et que la crise sanitaire provoquée par Covid-19 (appelé l’ « ennemi invisible ») pourrait durer jusqu’à en août, en ajoutant que l’économie américaine pourrait entrer en récession (3).

Il n’y a pas de doute que les grippes saisonnières font des dizaines de milliers de morts chaque année dans tous les pays. Mais comme ces grippes se reproduisent régulièrement, l’industrie pharmaceutique trouve son intérêt à produire et vendre médicaments et vaccins, en attendant qu’apparaisse une nouvelle épidémie plus insidieuse, causée par des virus inconnus et pour cette raison beaucoup plus inquiétante. La grippe saisonnière ne fait pas peur parce que la propagande bourgeoise a habitué les masses à accepter que, parmi les centaines de millions de personnes infectées, un certain nombre vont mourir. L’apparition d’un nouveau virus inconnu de la science bourgeoise – mais espéré par les industries pharmaceutiques comme une occasion en or de réaliser de nouveaux profits – est pour la classe dominante d’un côté l’occasion de répandre la peur sociale et d’accroître l’incertitude de la vie, et de l’autre, une opportunité pour accentuer son contrôle social en particulier sur le prolétariat en le soumettant encore davantage aux besoins du capitalisme et en paralysant ses luttes et son mouvement social.

Il est maintenant établi que la bourgeoisie chinoise – le fait qu’elle se camoufle sous le nom de Parti communiste chinois et arbore le drapeau rouge n’est qu’un moyen pour écraser le prolétariat chinois sous une dictature ouvertement capitaliste et impérialiste – a caché l’existence de ce nouveau coronavirus pendant des mois pour des raisons exclusivement économiques, financières et politiques, déclarant sa présence uniquement fin décembre 2019; c’est ce silence du pouvoir qui a contribué à la propagation du virus, en Chine puis à l’échelle mondiale. Les bourgeoisies des autres pays se sont comportées de la même manière, d’une part en fermant les frontières comme si les Chinois étaient les modernes «empoisonneurs de la peste» ; en répandant la panique dans les pays où les infections et les décès se multipliaient rapidement – ainsi les «coupables», après les Chinois, devinrent les Italiens puis, peu à peu, les Européens et demain peut-être les Africains; enfin en utilisant le caractère meurtrier de l’épidémie pour «serrer les rangs», pour appeler la population en général, et le prolétariat en particulier, à l’unité nationale dans la «guerre contre le coronavirus».

A un moment où l’économie mondiale éprouvait déjà des difficultés considérables, la bourgeoisie a démontré à nouveau son impuissance face à des catastrophes naturelles dont les conséquences désastreuses sont largement dues à son souci exclusif de la bonne santé de ses capitaux et de ses entreprises. Devant un virus que sa science n’a pas pu détecter à temps, elle est contrainte de prendre des mesures improvisées, totalement incohérentes et qui pour la plupart ne s’appuient pas sur une organisation sociale capable d’agir rapidement afin d’au moins limiter les ravages de l’épidémie. L’absence de préparation des structures de santé publique dans tous les pays mise en évidence par la pandémie, est la démonstration claire que la classe bourgeoise n’investit du capital que s’il y a une perspective de profits rapides et notables ; et elle n’intervient avec des moyens d’urgence que lorsque la situation sanitaire risque de mettre pour longtemps en péril l’économie. C’est aussi la démonstration que le bien-être et la santé de l’humanité dépendent partout de l’intérêt spécifique de l’économie financière et de la concurrence des pays entre eux. L’appel à l’unité nationale pour combattre l’épidémie qui est lancé par tous les gouvernements démocratiques va de pair avec la mise en oeuvre de mesures visant à accroître le contrôle social pour garantir que le prolétariat la main-d’œuvre productive de l’économie réelle – soit soumis aux besoins du capitalisme même en cas d’urgence médicale

Comme nous l’avons dit, la bourgeoisie ne peut pas rationaliser son économie capitaliste pour l’harmoniser avec les besoins de la vie sociale humaine et avec l’environnement; elle ne peut donc pas faire face aux événements naturels avec des méthodes et des moyens capables de supprimer leurs conséquences catastrophiques. En fait elle tire même de ces effets négatifs et meurtriers de nouvelles impulsions pour faire tourner la machine à profit capitaliste au détriment de la vie sociale humaine et de la dévastation de l’environnement, engendrant, dans une spirale sans fin, les facteurs de crise économique, sociale et environnementale toujours plus graves.

Aucun institut national ou international de santé, aucun gouvernement n’est en mesure de prédire combien de temps durera l’épidémie. Ils sont obligés d’attendre l’évolution de la pandémie en essayant de parer d’une manière ou d’une autre aux situations d’urgence qui se présentent. En assimilant «l’ennemi invisible», le Covid-19, à une espèce de divinité malfaisante dont il est impossible de prévoir le comportement, ils attribuent à la fatalité un événement qui affecte indifféremment tout le monde, les puissants comme les misérables ; et a bourgeoisie y trouve un motif supplémentaire pour faire appel à l’union nationale au-dessus des classes et des inégalités sociales.

L’expérience des épidémies précédentes aurait dû pourtant inciter les gouvernements à utiliser les ressources économiques et scientifiques à leur disposition pour protéger les populations des fléaux que les épidémies de ce type provoquent inévitablement en l’absence d’une véritable prévention. La  prévention ne peut consister seulement dans des vaccins (dont, indépendamment de leur efficacité relative principalement contre les seuls virus humains, les capitalistes tirent d’énormes bénéfices) ou de la soi-disant « immunité de groupe », invoquée par l’actuel gouvernement britannique de Boris Johnson. Les virologues eux-mêmes disent que les virus connus à ce jour (5000, contre une existence probable de millions) ont la particularité de muter, y compris rapidement, surtout lorsqu’ils se transmettent des animaux aux humains, et ils admettent, à contre-coeur, que leur diffusion plus ou moins grande dépend des conditions sociales où se trouvent les populations.

Et quelles sont les conditions sociales dans lesquelles vivent la majorité des êtres humains dans cette société? Du point de vue de l’hygiène publique, sur les 7 milliards et demi d’habitants de la terre, la moitié – c’est-à-dire une partie substantielle de l’Inde, de la Chine, du continent africain, du Moyen-Orient et de l’Amérique Latine – vivent dans des conditions précaires , sans eau, sans tout-à-l’égout, sans assistance médicale, en commun avec des animaux, etc. ; et une partie importante de l’autre moitié de la population mondiale vit dans des conditions prolétariennes et sous-prolétariennes, dont l’exploitation en termes d’énergies physiques, nerveuses et mentales entraîne un abrutissement social et d’un affaiblissement physique que la médecine bourgeoise a pour tâche de « combattre » pour que cette main-d’œuvre puisse continuer à être exploitée jour après jour, en la gavant d’antibiotiques, d’antidépresseurs, d’anti-inflammatoires et en la poussant à « revigorer » et à «oublier » ses frustrations en lui offrant de l’alcool et des drogues en quantité. Avec le développement du capitalisme, non seulement les inégalités s’aggravent entre la minorité des capitalistes et la majorité de la population, les conditions sociales de cette dernière se détériorant partout dans le monde ; les défenses immunitaires elles-mêmes de l’animal humain s’affaiblissent et sont remplacées par les défenses artificielles des médicaments, au détriment de la résistance des générations successives, de plus en plus exposées non seulement à l’attaque d’épidémies virales ou bactériennes, mais aussi à des maladies nerveuses et psychiques autrefois inconnues . Les dizaines de milliers de décès causés chaque année par la banale grippe saisonnière sont pratiquement considérés par les autorités politiques et sanitaires comme des « dommages collatéraux » d’une activité consacrée frénétiquement à la production et à la reproduction du capital. Sans oublier les maladies cardiaques et respiratoires, celles causées par toutes sortes de pollution de l’air, de la terre et de l’eau ou le problème le plus typique de l’ère capitaliste, le stress qui, à son tour, diminue les défenses immunitaires et provoque des maladies cardiaques, psychosomatiques, nerveuses, comportementales, cognitives.

 

LES ECONOMISTES BOURGEOIS AU TEMPS DU CORONAVIRUS

 

Un peu plus de dix ans se sont écoulés depuis que la dernière crise économique mondiale de 2008-2009 a fait vaciller les bourses du monde entier, détruisant des montagnes de capitaux et détériorant considérablement les conditions sociales du prolétariat et des couches inférieures de la société, faisant croître la pauvreté dans le monde et l’incertitude de la vie de la très grande majorité de la population mondiale et aggravant les oppositions économiques, politiques et militaires entre Etats, grands ou petits. C’étaient des raisons plus que suffisantes pour déclencher une crise sociale dans tous les pays et pousser en mouvement la classe ouvrière et les couches les plus pauvres de la société qui, comme toujours, ont souffert et souffrent le plus des conséquences des crises économiques; crise sociale qui tarde à apparaître à cause de la besogne pluri décennale des forces opportunistes et de la conservation sociale.

 L’émigration toujours croissante de masses pauvres et affamées vers les pays plus riches et apparemment plus stables, les éruptions sociales soudaines et les mouvements de grève qui surgissent sur tous les continents, de l’Amérique du Sud (Venezuela, Colombie, Argentine, Équateur, Chili, Bolivie, Haïti) au Moyen-Orient et en Asie (Hong Kong, Irak, Liban, Inde), de l’Afrique (Algérie, Maroc, Soudan) à l’Europe (Belgique, France, Finlande, Italie), les guerres interminables, comme en Syrie et en Libye, sont la démonstration que le pouvoir des classes bourgeoises ne peut résoudre aucune crise, si ce n’est avec des méthodes et des moyens qui débouchent sur des crises encore plus aigües. Chaque bourgeoisie est inévitablement conduite, surtout en période de crise économique et financière, à utiliser toutes ses forces pour contrer la concurrence des bourgeoisies étrangères, en s’alliant momentanément avec d’autres pour maintenir et si possible étendre son pouvoir et son influence sur les zones les plus grandes possibles afin de garantir des débouchés pour ses biens et ses capitaux. Toutes les bourgeoisies agissent de la même façon : mais ce sont les bourgeoisies les plus fortes, les plus déterminées et les plus agressives qui dictent les règles du jeu, tout en préparant des affrontements de grande ampleur, jusqu’à une guerre  entre États impérialistes. C’est ce qui s’est produit au siècle dernier, avec des guerres qui, de locales, sont devenues mondiales.

Après 1945 et le formidable bain de jouvence constitué par les énormes destructions de la seconde guerre mondiale, le capitalisme a connu un rythme de croissance accéléré. Il a arraché différents pays, comme la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Turquie, à leur retard historique, et il les a plongés dans la lutte de la concurrence mondiale – comme c’est logique pour des pays à la population nombreuse et disposant de vastes ressources en eau et minerais, dont les ambitions hégémoniques n’avaient pas disparu et qui étaient poussés à s’industrialiser par le développement capitaliste lui-même des vieux pays coloniaux et impérialistes.

Mais le développement du capitalisme ne se déroule jamais de façon harmonieuse et pacifique; il est violent, il ébranle les équilibres sociaux et environnementaux existants, il renverse les formes sociales en place et les remplace par des formes plus adaptées à ses besoins; il met les classes dirigeantes des pays touchés par son développement au service du capital, national et international, et de sa force sociale. Toutes les aspirations idéologiques inspirées par la démocratie, la paix sociale, la fameuse trinité « liberté, égalité, fraternité », sont étouffées par la loi brutale du profit capitaliste ;  mais elles continuent d’être agitées hypocritement devant les classes ouvrières dans le but de les faire consentir aux exigences capitalistes – et c’est là que la fonction des forces politiques et syndicales opportunistes et collaborationnistes s’avère indispensable. Et si les classes ouvrières tendent à se rebeller, la force militaire de l’État bourgeois intervient pour défendre et rétablir un ordre public qui n’est rien d’autre que la préservation des rapports de production et de propriété bourgeoise qui font de la classe bourgeoise la classe dominante. Le développement capitaliste, la croissance économique dans la société capitaliste augmentent le pouvoir économique et social de la classe bourgeoise ; ils augmentent aussi la dépendance des classes ouvrières à l’égard des relations sociales bourgeoises et leur asservissement à la classe capitaliste et à l’État bourgeois.

Mais ce sont les conditions matérielles de l’esclavage salarial qui, lorsqu’elles deviennent intolérables, poussent les masses laborieuses à se rebeller contre elles et à entrer en conflit avec les détenteurs du pouvoir. L’antagonisme de classe existant entre les classes possédantes et les classes non possédante qui est dissimulé dans les pays plus riches par le voile démocratique, refait surface à un moment donné et pousse les masses, y compris inconsciemment, en mouvement contre tout ce qui représente le pouvoir, organisant leur protestation et leur révolte en défense contre les coups de l’Etat bourgeois. C’est sur cette poussée matérielle objective que peut s’engager l’action du parti de classe, pour diriger cette énorme force sociale vers des objectifs complètement opposés à ceux pour lesquels les classes possédantes impliquent et organisent le prolétariat.

Contre la possibilité que les masses ouvrières se rendent compte de la force sociale dont ils disposent potentiellement pour leurs intérêts de classe, et contre la possibilité que cette force sociale soit influencée et dirigée par le parti de classe révolutionnaire et communiste, les bourgeois ont tout intérêt non seulement à lutter pour la vaincre avant qu’elle ne devienne irrésistible ; mais aussi à empêcher autant que possible sa formation, son organisation et la compréhension d’avoir un objectif non seulement immédiat, mais historique, pour lequel la seule voie à suivre est la révolution. C’est là la véritable prévention qui mobilise la classe dirigeante, car son pouvoir qui est en jeu. La bourgeoisie a tiré des leçons cruciales de la révolution d’octobre 1917 et du mouvement révolutionnaire du prolétariat européen et mondial durant les années qui ont suivi. Si elle est incapable de dominer son économie, mais est au contraire dominée par elle, comme on le constate à chaque crise, elle a cependant la force de maintenir la classe ouvrière sous sa domination, non seulement en utilisant ses forces de répression, mais aussi en alimentant continuellement la concurrence entre prolétaires grâce à laquelle elle les divise, les désoriente, les isole. Cette concurrence entre prolétaires a toujours été l’arme la plus efficace de la bourgeoisie contre le prolétariat, et elle n’empêche pas la bourgeoisie de faire appel à l’union nationale lorsqu’un grave danger menace la vie de millions de personnes, lors d’une guerre classique, d’une guerre contre le « terrorisme » ou d’une « guerre pour la santé », comme aujourd’hui avec la pandémie du coronavirus. Et, comme ce danger extrême est en fait causé par le mode de production capitaliste lui-même, par ses contradictions de plus en plus aiguës et par des affrontements  entre États pour des seules raisons de rapine et de domination, la bourgeoisie doit trouver un bouc émissaire, un agresseur à condamner. Cela vaut pour une guerre dont l’ennemi est visible, comme pour une épidémie dont l’ennemi est invisible.

Et ce danger devient alors le prétexte pour militariser la société au nom d’un prétendu «intérêt commun» qui, en réalité, est seulement l’intérêt des capitalistes, de leur système économique et de leur Etat politique ; les gouvernements tentent ainsi de sauver leur image, en expliquant qu’ils agissent pour le bien de tous les citoyens et que les mesures prises sont nécessaires en raison de l’urgence ... Le contrôle social est un objectif permanent de la classe dominante, et surtout lorsque les périodes de crise économique poussent les masses laborieuses à la lutte. En même temps, surtout dans les pays occidentaux avec des conditions de vie sans aucun doute plus confortables que dans les pays pauvres de la « périphérie » capitaliste, des habitudes très enracinées après des décennies de vie démocratique, d’acquis sociaux et d’hymnes à l’individualisme, il n’est pas facile de plonger toute une population dans une atmosphère de «guerre», limitant sévèrement les libertés individuelles. Si les politiciens au pouvoir doivent prendre de sévères mesures restrictives, ils cherchent par ailleurs à conserver leur influence électorale qui les ont portés au gouvernement : c’est une raison de plus de mettre en avant l’idée que ce n’est qu’avec le l’union de tous les citoyens qu’il sera possible de surmonter l’urgence du moment.

Dans le cas de l’apparition  et de la propagation planétaire de l’épidémie de coronavirus, les mesures restrictives que tous les gouvernements ont été progressivement contraints de prendre, à la suite de la Chine puis de l’Italie, et qui, compte tenu de la persistance de l’épidémie, deviendront encore plus restrictives, affectent et affecteront fortement l’économie internationale, et en particulier des pays les plus touchés par le Covid-19. Les économistes et spécialistes bourgeois prévoient une forte baisse de la croissance mondiale, avec des chutes substantielles pour des pays comme la Chine (qui était devenue la « locomotive » de l’économie mondiale), l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, sans parler de l’Italie qui était déjà en récession, et des signes très inquiétants pour l’économie des États-Unis – dont chacun sait l’influence décisive sur l’économie international – alors qu’au cours des trois dernières années elle avait enregistré une croissance sensible.

Pour les États-Unis en effet, 2018 a été une année de croissance exceptionnelle du PIB depuis dix ans, établissant des records des « principaux indicateurs économiques: emploi, chômage, confiance des investisseurs et des consommateurs, production industrielle » ; cette croissance avait été « favorisée par la réforme fiscale qui a réduit l’impôt sur les sociétés de 35% à 21% et par l’augmentation des dépenses publiques qui a poussé la demande (mais aussi accru le déficit fédéral à un niveau record) » ( 4). Selon le FMI, l’économie mondiale en 2017 et 2018 avait progressé de 3,7% et l’estimation de la croissance pour 2019 est plus ou moins en ligne avec ce pourcentage ; ce résultat a été atteint, en évitant une « grande dépression », grâce à la politique d’« assouplissement quantitatif » des banques centrales américaine et européenne (la Fed la BCE), autrement dit  le maintien des taux d’intérêt (le « prix de l’argent ») à des niveaux très bas, voire quasi nuls.

Mais, selon certains économistes de renom (5), ces « munitions » étaient en voie d’épuisement dès l’année dernière, s’entrecroisant avec une énorme bulle alimentée par la dette chinoise, avec le Brexit qui entraînera une baisse significative de la croissance économique britannique à la suite du Brexit et de ses répercussions en Europe et dans le monde, et avec la guerre commerciale des États-Unis avec la Chine et l’Europe– sans parler de la récente guerre des prix du pétrole.

L’épidémie de Covid-19 est donc intervenue à un moment où l’économie des principaux pays capitalistes du monde était déjà à bout de souffle, laissant présager une crise mondiale que les économistes bourgeois redoutent maintenant d’être pire que la crise 2008-2009.

Si l’on examine quelques pays, la situation de forte récession décrite par les médias au moment où nous écrivons est évidente:

 

CHINE: au cours des deux premiers mois de 2020, chute de  -13,5% de la production industrielle, -20,5% des ventes au détail, -24,5% des investissements, tandis que les bourses chinoises baissaient de manière significative Kong (ansa.it, 16/3/2020). L’effondrement du secteur manufacturier s’accompagne de l’effondrement du secteur des services (hôtels, vols, événements, etc.) (firstonline. info, 7/3/2020). Avec la propagation de Covid-19 dans le monde entier, la Chine n’est plus le seul pays infecté ; mais, étant donné sa position cruciale dans l’économie internationale, sa plongée dans la récession pouvait déjà avoir des conséquences déterminantes sur l’évolution économique  mondiale. En effet le PIB de la Chine est juste derrière celui des États-Unis et est légèrement inférieur à la somme des PIB du Japon, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la France (6). La Banque centrale de Chine (PBOC) ne pouvait que courir au secours, « en injectant sur les marchés 100 milliards de yuans (14,28 milliards de dollars) », à un taux d’intérêt de 3,15% par an, naturellement « pour aider les banques commerciales maintenir la liquidité en empruntant des fonds à la PBOC» (ilsole24ore.com, 16/3/2020), et en essayant de limiter les dommages au minimum.

 

ÉTATS-UNIS: l’annonce par Trump que l’épidémie pourrait durer jusqu’en août (16.3.2020), Wall Street, qui avait déjà baissé depuis des jours, a clôturé à -12,9%, la pire chute depuis le krach de 1987. Le secteur manufacturier qui commençait déjà à ralentir entre décembre et janvier, était en février 2020 pratiquement en stagnation, comme en Espagne, aux Pays-Bas, au Brésil, en Indonésie, en Inde, tandis que le secteur des services était en forte baisse comme au Japon et Australie (firstonline.info, 7/3/2020). L’ancien économiste en chef de la Bank of America, Mickey Levy, déclara que « l’économie américaine est en récession », prévoyant qu’aux États-Unis il y aura « une forte contraction de l’activité économique et du PIB au premier semestre, avec une baisse du 4,5% au premier trimestre et 11,7% au deuxième »; les investissements s’effondreront, entre mars et mai « au moins 2 millions d’emplois disparaîtront », « les bénéfices des entreprises s’effondreront au rythme de nombreuses fois la baisse du PIB, écrasés par l’endettement, l’effondrement de la demande et des échanges ». Et une reprise « en V » est exclue, c’est-à-dire une reprise qui, après l’effondrement brutal, reprendrait avec autant, sinon plus, de force.

 

UNION EUROPEENNE: le 16 mars, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé de fermer l’espace Schengen en empêchant la circulation des personnes dans toute l’Union européenne, alors qu’en réalité l’épidémie s’était déjà propagée dans toute l’Europe et 8 pays de l’UE (Autriche, Hongrie, République tchèque, Danemark, Pologne, Allemagne, Espagne et Lituanie, ainsi que la Suisse) avaient déjà fermé leurs frontières ... Son vice-président, Valdis Dombrovskis, lors de la récente conférence des ministres du travail , déclara: « Notre rôle consiste à travailler ensemble pour amortir le choc. Nous pouvons nous attendre à ce que la croissance dans la zone euro tombe bien en dessous de zéro en 2020. Une réponse économique coordonnée est la clé. Nous avons tous les outils dont nous avons besoin, nous les utiliserons pleinement et sans hésitation, étape par étape avec l’évolution de la situation » (startupitalia. eu, 19/3/2020). Dommage pour Dombrovskis que les pays, non seulement de la zone euro, mais de l’ensemble de l’Union européenne, face à la crise, aient chacun agi pour leur propre compte et tendanciellement les uns contre les autres, abandonnant l’Italie – le pays européen frappé le premier et touché de manière virulente par l’épidémie – à son sort, jusqu’à ce que l’épidémie commençât à se propager en Allemagne, en France, en Espagne, en Grande-Bretagne et ailleurs. La BCE elle-même, par la bouche de sa présidente Lagarde, avait dans un premier temps rejeté la demande italienne d’aide substantielle, pour ensuite faire volte-face.

Ces derniers jours, la Commission Européenne n’a pu que ratifier ce que les différents pays avaient déjà décidé, à savoir la suspension du  fameux plafond de 3% de la dette publique du dit « pacte de stabilité ». La BCE a annoncé une injection de liquidités de 750 milliards d’euros, tandis que chaque État de l’UE a mis en place des mesures impressionnantes, concernant les prêts garantis par l’État en soutien à ses économies nationales: l’Italie avec 350 milliards, L’Allemagne avec 550, la France avec 300, l’Espagne avec 200, le Royaume-Uni avec 330 milliards de livres (environ 360 milliards d’euros). De leur côté les États-Unis viennent d’annoncer 1000 milliards de dollars (environ 917 milliards d’euros)...

 

ITALIE: en 2009, lors de la crise mondiale déclenchée par l’éclatement de la bulle des subprimes, le PIB italien avait reculé de 5,5%. Cette année, selon les prévisions les plus récentes, certains économistes affirment que cela pourrait être pire; par exemple, la plus grande banque d’Amérique, Morgan Stanley, prévoit un recul de 5,8% pour l’Italie en 2020 (agi.it, 18/03/2020). L’arrêt forcé de la production et des services (tourisme, vols, événements, etc.) ne pousse cependant pas les grandes agences de notation, telles que Ficht et Goldman Sachs, à être aussi pessimistes : ils prédisent un recul de 2% de l’économie 2020 (pire que l’Espagne, pour lequel ils prédisent seulement -1%), à condition qu’en juin les effets négatifs de l’épidémie sur le marché mondial aient cessé ... (startupitalia. eu, 19/03/2020). Mais, comme l’ont déclaré les différentes institutions économiques et financières euro-américaines, l’Italie était déjà en récession depuis les derniers mois de 2019. La décision de disposer de 25 milliards d’euros pour des interventions immédiates « pour les hôpitaux, les entreprises et les familles », dans un flux de 350 milliards, a été une première mesure allant à l’encontre du fameux « pacte de stabilité », qui incita les autres pays européens à agir de même. Bien sûr, tous les gouvernements et toutes les institutions financières et économiques, sans parler des médias, des « commentateurs », des « experts », des politiciens de toute espèce, se lancent dans des hypothèses et des prédictions sur la façon dont cela se terminera et ce à quoi « nous devons nous attendre ».

Mais le scénario auquel les capitalistes doivent faire face est écrit avant tout en termes de revenus et de pertes. Ainsi, pour donner un exemple, une entreprise comme Cerved (7) a émis l’hypothèse de deux scénarios, le premier où l’urgence sanitaire se terminerait en mai, le second portant le terme au mois de décembre. La période hypothétique est de deux ans, 2020 et 2021. Dans le premier cas « pour les entreprises italiennes, un chiffre d’affaires total de 275 milliards d’euros serait détruit », par rapport à l’évolution de l’économie prévisible avant le déclenchement de l’épidémie; dans le second, « les recettes totales de 641 milliards augmenteront, entre plus de 469 cette année et près de 172 l’année prochaine » (8). Le traitement des données concerne également les secteurs économiques les plus touchés par la crise sanitaire actuelle. Dans le scénario “optimiste”, il est prévu que “les entreprises italiennes seraient déjà en mesure de récupérer un niveau de chiffre d’affaires 1,5% supérieur à celui obtenu en 2019, égal à 2 410 milliards d’euros selon les estimations de Cerved” il y aurait donc une croissance importante dans tous les principaux secteurs économiques. Dans le scénario pessimiste, cependant, « la crise changera le visage de l’Italie et de son système économique (...) Le chiffre d’affaires hôtelier passerait de 12,5 milliards en 2019 à 3,3 milliards cette année, un effondrement 73% qui serait suivit de près par les agences de voyages et les voyagistes (-68%), les établissements d’hébergement non hôteliers tels que les fermes et chambres d’hôtes (-64%) et les aéroports (-50%). Mais la chute de la production et la baisse de la consommation toucheraient également le secteur manufacturier avec une baisse de 45,8% pour la production de voitures (de 39,5 à 21,4 milliards), de véhicules industriels (de 12,7 à 6,7 milliards) et le secteur crucial des composants automobiles (de 23,3 à 12,6 milliards) que les constructeurs italiens exportent ou fabriquent directement dans le monde entier »(9). Face aux secteurs touchés par la crise sanitaire actuelle, des secteurs tireraient leur épingle du jeu, ou en tout cas seraient moins pénalisés. Par rapport au scénario de référence, celui d’une urgence terminée en mai, les entreprises opérant dans le commerce en ligne, dans la grande distribution alimentaire et pharmaceutique, connaîtraient une croissance de leur chiffre d’affaires inimaginable auparavant ; mais si l’épidémie continuait après l’été, la croissance serait encore beaucoup plus substantielle: dans la grande distribution alimentaire, les 108 milliards en 2019 deviendraient 132, dans le commerce de gros de produits pharmaceutiques et médicaux, ils passeraient de 33 à 38, dans le commerce en ligne de 4,3 à 6,7, et la même croissance toucherait également des entreprises connectées à l’informatique et à l’automatisation (10).

Si ces élaborations sont généralement très détaillées, et elles remplissent les pages des médias, couvrant tous les secteurs économiques et toutes les régions dans lesquelles les entreprises sont implantées ; mais il n’y a pas d’élaboration aussi détaillée des estimations de fermeture des sociétés dans les différents secteurs et des licenciements inévitables. Bien sûr, la publication de ces estimations risquerait d’entraîner une forte réaction des travailleurs et des prolétaires en général que les capitalistes n’ont aucun intérêt à alimenter.

En tout état de cause, toutes les grandes entreprises, à commencer par FCA-Fiat, ont suspendu leurs activités et, selon la réglementation gouvernementale, seules les entreprises agroalimentaires, pharmaceutiques, énergétiques et toutes celles jugées essentielles à la vie quotidienne continuent à fonctionner. L’Italie, pays de petites et moyennes entreprises, subira des répercussions importantes de ces fermetures. De nombreuses petites entreprises ne seront pas en mesure de se redresser lorsque l’épidémie aura pris fin, ce qui signifie qu’il y aura une multitude de «restructurations» et de licenciements.

 

ALLEMAGNE: en 2019, « l’économie allemande n’a progressé que de 0,6%, le taux le plus bas depuis 2013 et bien en deçà de 1,5% en 2018 », alors que, à un niveau tendanciel, compte tenu de la propagation redoutée de l’épidémie de coronavirus en Allemagne et dans le monde, les institutions financières craignent un effondrement significatif de 6,8% (repubblica.it, 9/2/2020), tandis que Morgan Stanley l’estime à 4,5% (agi.it , 18/3/2020). Si, comme cela arrive souvent dans des situations de ce type, les institutions financières des différents pays, donc aussi de l’Allemagne, sont très prudentes lorsqu’il s’agit de faire des hypothèses publiques et des données négatives sur la performance de leurs économies (cela affecte les indices boursiers et de la « confiance » des investisseurs), il n’en reste pas moins que l’Allemagne est pratiquement au seuil d’une véritable récession car, si le marché intérieur a un poids important pour son économie, ce seront surtout les exportations qui subiront une baisse sensible. La Chine et l’Italie sont respectivement les premier et cinquième partenaires commerciaux de l’Allemagne; l’arrêt des activités dans le nord de l’Italie fait tendre les échanges commerciaux entre ces deux pays vers zéro; en 2019, le volume de leurs échanges représentait plus de 125 milliards d’euros (l’Allemagne, le principal partenaire commercial de l’Italie, représente 16,3% des exportations italiennes et 12% de ses importations). Et, en raison de l’épidémie, de nombreux salons très importants ont été annulés: l’ITB à Berlin, le plus grand salon du tourisme au monde, le salon du matériel de Cologne, le salon de l’éclairage à Francfort, la foire internationale de la technique métallurgique de Düsseldorf et ProWein 2020 en mars, l’une des plus importantes foires européennes du vin, également à Düsseldorf et qui, à elles seules, ont réalisé un chiffre d’affaires de 369 millions d’euros l’an dernier (ilsole24 ore.com, 14/2 / 2020).

De toute évidence, la récession allemande, ajoutée à celle de l’Italie et d’autres pays, portera un coup important à la croissance que tout capitalisme national poursuit par tous les moyens; et, comme dans chaque crise économique, la classe ouvrière de chaque pays en subira les conséquences les plus négatives ; il faut que le prolétariat allemand puisse alors renouer avec sa grande tradition de lutte anticapitaliste et anti-bourgeoise.

 

FRANCE: en 2019, le PIB était, selon les données du FMI, de 2 795 milliards de dollars; cette année, la croissance devrait chuter selon des estimations préliminaires de cette institution, de -1% en 2020; mais ces chiffres étaient périmés avant même qu’ils soient publiés. Le 18/3, Morgan Stanley a estimé une baisse de 4,8% pour la France (agi.it, 18/3/2020). Pendant ce temps, après la fermeture des écoles, des universités et des établissements commerciaux non essentiels, les grands constructeurs automobiles ont fermé leurs usines, au moins  jusqu’au 27 mars: PSA (Citroën et Peugeot) et Volkswagen ont fermé des usines en France, en Espagne, en Allemagne, en Slovaquie et Renault a tout fermé en France jusqu’à une date non  précisée. Pour faire face au blocage de l’activité productive du pays, Macron a annoncé un plan d’urgence de 45 milliards d’euros à investir immédiatement pour soutenir les entreprises. Mais ce qui intéresse désormais le plus la bourgeoisie française, en plus d’arrêter autant que possible la chute économique, c’est la répression à appliquer dans cette situation critique déterminée par la propagation de Covid-19. Ces derniers mois, le gouvernement a dû faire face à la pression d’une série de grèves très combatives, centrées principalement sur le refus de la réforme des retraites conçue par le gouvernement Macron; le gouvernement a annoncé le report de toutes les « réformes » en cours, mais nul doute que les attaques vont continuer ne serait-ce que pour faire payer la crise aux prolétaires. Mais aujourd’hui, c’est la réaffirmation du contrôle social qui es essentiel pour la bourgeoisie dominante, au-delà de la crise sanitaire. C’est contre ce contrôle social, en plus de la détérioration de ses conditions de vie du fait de la crise économique, que le prolétariat devra lutter.

 

La situation dans d’autres pays européens est similaire à celles qui viennent d’être décrites. Après le déclenchement de l’épidémie en Italie vers le 20 février, les autres gouvernements européens ont pensé qu’ils pouvaient éviter la contagion simplement en limitant ou en arrêtant les vols et les contacts directs avec les régions du nord de l’Italie où les premiers cas graves de Covid-19 étaient apparus. Mais en trois semaines le nouveau coronavirus s’est révélé non seulement très contagieux mais aussi très meurtrier ; il a franchi toutes les frontières infectant brutalement des dizaines de milliers de personnes qui continuaient à mener leur vie quotidienne comme si cette épidémie ne les concernait pas, tranquillisés  par leurs gouvernements qui non seulement n’ont pas pris de précautions sérieuses concernant sa propagation, mais n’ont pas alerté et, encore moins, préparé les structures hospitalières à faire face à une épidémie qui déjà en Italie provoquait l’engorgement des hôpitaux, exposant les malades et tout le personnel médical et hospitalier à l’infection, puis à la quarantaine, et à la mort.

Ce n’est qu’au cours des derniers jours qu’en Allemagne, en France et en Espagne les gouvernements ont dû décider d’appliquer des mesures d’urgence tardives que la prévention inexistante a rendues nécessaires. Les grands pays super-industrialisés, qui exportent leur civilisation et leur démocratie dans le monde, se retrouvent sans masques, sans ventilateurs médicaux et machines de soins intensifs, obligés de créer des hôpitaux de campagne à la hâte et d’appeler des médecins et du personnel hospitalier à la retraite ou d’autres pays. C’est une nouvelle démonstration que la politique bourgeoise –peu importe qui son les partis au gouvernement – est une politique criminelle : protégeant en toute situation avant tout les profits capitalistes, elle ne protège pas le « peuple » très vénéré de catastrophes comme celle actuelle.

Ce que l’on peut attendre dans la période qui vient, ce n’est pas la mise en oeuvre entre les différents Etats d’une « solidarité » mutuelle pour lutter « ensemble » contre la pandémie, solidarité qui non seulement arriverait très tard et qui ne s’adresserait qu’aux « amis » avec qui ils partagent des intérêts économiques et financiers, mais qui n’effacerait pas la raison sous-jacente de l’existence des États bourgeois. Cette raison sous-jacente se retrouve dans la compétition qui est toujours plus féroce au niveau international et qui, après la parenthèse de l’épidémie, deviendra encore plus agressive.

La crise économique donnera un prétexte supplémentaire à chaque bourgeoisie nationale, à commencer par les plus fortes et les plus agressives – américaines, chinoises, allemandes, britanniques, françaises, italiennes, russes – pour raviver cette union nationale entre toutes les classes qu’elle s’efforce d’inculquer dans la période critique de la pandémie actuelle.

Si les prolétaires ne veulent pas être transformés pour la énième fois d, « citoyens » avec beaucoup de droits formels mais pas de droits réels, en chair à canon dans une future guerre impérialiste, ils doivent recommencer à lutter avec les méthodes et les moyens de lutte de classe qui déjà par le passé – éloigné sans doute, mais pas disparu  – les ont conduits à ébranler les pouvoirs bourgeois à Saint Petersburg comme à Berlin, à Londres comme à Paris, à Vienne comme à Rome ou à Shanghai.

Les intérêts prolétariens ne peuvent jamais être communs avec les intérêts bourgeois, ce sont les bourgeois eux-mêmes qui le démontrent tous les jours !         

21 mars 2020

 


 

(1) Corriere della Sera, 5 mars 2020, «De« l’espagnol »à la polio de 52, les autres épidémies».

(2) The Daily Fact, 9 mars 2020.

(3) Milano Finanza, 16 mars 2020.

(4) Il Sole 24 Ore, 30.12.2018.

(5) Il s’agit de Rana Foroohar du Financial Times et du prix Nobel Edmund S. Phelps, cf. Il Sole 24 Ore, cit.

(6) Selon les données du FMI sur le PIB des divers pays (2018-2019) en chiffres bruts et en millions de dollars américains, les États-Unis ont 20.510.604, la Chine 13.092.705, le Japon 5.070.269, l’Allemagne 4.029.140 , le Royaume-Uni 2 810 000, la France 2 794 696.

(7) Cerved est une société qui analyse les états financiers de toutes les sociétés italiennes et recueille une grande quantité d’informations sur le nombre d’employés, sur le chiffre d’affaires et les paiements, sur la vente et l’achat de biens immobiliers, etc., Repubblica Affari & Finanza, 16/3/2020.

(8) Ibid

(9) Ibid

(10) Ibid

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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