Un plan de relance de l’exploitation capitaliste

(«le prolétaire»; N° 538; Août-Septembre-Octobre 2020 )

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Le gouvernement a annoncé le 3 septembre un plan de relance de l’économie dont le montant est «historique» (même si le chiffre est un peu gonflé pour faire impression): cent milliards d’euros. Lors de la grande récession de 2008, le gouvernement Sarkozy avait élaboré un plan de relance de 26 milliards, soit grosso modo 4 fois moins (1)!

Cette différence reflète la différence de gravité des deux crises. Il faut lui ajouter des dépenses d’urgence évaluées par le gouvernement à 464 milliards d’euros (environ 20% du PIB), étant compris dans cette somme globale des prêts, des garanties de l’Etat, etc. et pas seulement de l’argent dépensé comme par exemple le financement du chômage partiel. Cela donne une idée de l’importance de l’effort de l’Etat pour secourir l’économie capitaliste. Quand il y a le feu on ne lésine pas sur les efforts pour éteindre l’incendie, ou au moins pour éviter qu’il se propage.

Et le feu à l’économe capitaliste est bel et bien là: en présentant ces diverses mesures, le ministre de l’économie a déclaré que selon les prévisions gouvernementales, l’économie devrait enregistrer une baisse sans précédent de 11% cette année et que 800 000 emplois «au minimum» devraient disparaître (2). Les prolétaires vont donc ressentir tout le poids de la crise en termes d’emplois.

En fait ils le ressentent déjà, d’une part avec les baisses de salaire pour ceux qui ont été mis en chômage partiel et avec des pertes d’emploi pour ceux qui sont frappés par les plans sociaux et autres fermetures d’entreprises qui défrayent ou non la chronique. Bridgestone, General Electric, Auchan, Mecachrome, Airbus, Valeo, Renault, etc., à toutes ces grandes entreprises, s’ajoutent les faillites et licenciements dans les petites entreprises dont le nombre n’est pas connu, la diminution drastique des embauches (-51% par rapport à l’année dernière selon les chiffres de fin juillet), le non-renouvellement des CDD. Résultat immédiat: un million de personnes sont passées sous le seuil de pauvreté depuis le début de la crise, souvent après avoir perdu un travail déjà précaire (3).

On comprend pourquoi le pendant du plan de relance concocté avec le patronat («c’est globalement ce que nous avions demandé», dixit le président du MEDEF) (4) est la prolongation de l’«état d’urgence sanitaire» jusqu’au premier avril (ce n’est pas une blague) – ce qui a même provoqué une – bien timide! – protestation de la Défenseuse des Droits: elle y a vu un «risque [!] d’une atteinte disproportionnée [!] aux droits et aux libertés»... Il s’agit en réalité pour le gouvernement de se donner les moyens légaux supplémentaires pour interdire et réprimer des probables manifestations de colère des prolétaires, en utilisant le prétexte de la protection de la santé publique. De même la campagne contre le «séparatisme» est une relance de l’action et la propagande constante pour diviser la classe ouvrière en présentant les populations arabes comme une menace. Dans une allocution au mois de juin, Macron, tout en se proclamant anti raciste, a dénoncé, à propos des manifestations qui ont suivi le meurtre du Noir américain Georges Floyd, un antiracisme «dévoyé» qui promeut «une réécriture fausse du passé» en dénonçant certains crimes de l’Etat français (esclavage, colonialisme) et il a appelé à l‘union «autour du patriotisme républicain». Mais c’est en réalité la bourgeoisie qui depuis toujours réécrit l’histoire à son profit!

A cette union interclassiste autour de la bourgeoisie et de son Etat, les prolétaires devront répondre par l’union de classe, par-dessus toutes les divisions savamment instillées par les autorités et les médias, dans la lutte contre le capitalisme et l’Etat bourgeois!

 

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Le gouvernement français n’est pas le seul à prévoir des plans aux montants pharamineux: l’Allemagne a annoncé un plan de 130 milliards, l’Europe un plan de 750 milliards (dans sa plus grande partie sous forme de prêt) dont les premiers bénéficiaires devraient être l’Espagne et l’Italie, alors que la Grande Bretagne, toujours adepte du libéralisme économique se contente d’un plan de 35 milliards.

Aux Etats-Unis un plan de relance de 1800 milliards de dollars (1500 milliards d’euros soit près de 2,5 fois plus que son équivalent de 2008) avait été adopté dans l’urgence fin mars; et un plan supplémentaire de 300 milliards de dollars (un peu plus de 250 milliards d’euros) est en discussion serrée depuis plusieurs mois entre Démocrates et Républicains, les premiers voulant un montant supérieur; fin juin le gouvernement chinois avait annoncé un plan de relance d’environ 500 milliards d’euros (du même ordre que celui décidé lors de la récession de 2008), etc.

Toutes ces sommes sont empruntées sur les marchés financiers (engraissant au passage banques et autres institutions financières) et elles devront être remboursées d’une façon ou d’une autre; c’est ainsi que les plans de relance de la grande récession ont été suivis de plusieurs années d’austérité, ce qui veut dire du paiement par les populations en général, mais avant tout par les prolétaires, de l’argent versé pour faire tourner l’économie.

Il en sera de même demain pour les prolétaires de tous les pays, sauf que le fardeau sera beaucoup plus lourd.

      

Soutien du collaborationnisme syndical au plan bourgeois

 

Fidèles à leur pratique de collaboration de classe et soucieux de se comporter en partenaires sociaux responsables, les dirigeants syndicaux ne se sont bien sûr pas opposés aux mesures de sauvetage du capitalisme; le soutenant en fait, ils se sont contentés de gémir sur le manque de «contreparties» aux cadeaux faits aux entreprises et l’absence de mesures en faveur des salariés.

Sur le terrain, les syndicats ont repris leur vieille tactique éprouvée de saucissonnage des mobilisations: journée nationale d’action le 17/9 à l’appel de l’intersyndicale; journée nationale d’action du secteur médico-social le 13/10 à l’appel de la CFDT; journée nationale d’action du même secteur à l’appel de la CGT, de SUD et d’autres organisations, le 15/10; journée d’action du secteur le 5/11 appelée par FO.

Les travailleurs de la santé se sont mobilisés dès avant l’été et le mécontentement n’a depuis fait que grandir parmi eux; il est donc important pour les pompiers sociaux de faire leur possible afin d’empêcher une lutte réelle d’ampleur. La CFDT, FO et l’UNSA avaient participé au «Ségur de la santé», une négociation organisée à grand spectacle par le gouvernement qui voulait démontrer ainsi son souci des travailleurs du secteur et sa volonté d’accroître les dépenses pour améliorer un système de santé dont l’épidémie a montré toutes les carences : ce n’était que de la poudre aux yeux et il n’a débouché que sur une aumône pour les agents hospitaliers (183 euros d’augmentation alors que la revendication était de 300 à 400).

La situation pose et posera avec toujours plus de force la nécessité pour les prolétaires de riposter par la lutte collective et la plus large possible à la dégradation de leurs conditions de vie et de travail.

Mais cela implique de s’engager dans une véritable lutte de classe rompant avec les orientations et les méthodes des organisations collaborationnistes et de leurs larbins d’ «extrême» gauche responsables des défaites subies depuis des années: c’est l’enseignement à tirer des luttes passées pour que soient victorieuses les luttes futures et qu’elles soient le premier pas vers la lutte révolutionnaire pour renverser le capitalisme!

 

 

(1) L’annonce de ce plan avait été faite en décembre 2008. La persistance de la crise conduira finalement à une dépense totale sur 3 ans (2008-2010) de 34 milliards.

(2) Déclaration sur RTL, 1/6/20. La Banque de France estimait début septembre le recul économique probable à 8,9% et l’INSEE début octobre à 9%

(3) Selon Le Monde du 7/10/20 qui rapporte cette estimation.

(4) Déclaration de Geoffroy Roux de Bézieux sur Bfmtv le 3/9/20

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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