Réseaux sociaux: les campagnes de désinformation de l’armée française en Afrique, outils de l’intervention impérialiste

(«le prolétaire»; N° 539; Nov.-Déc. 2020  / Janvier 2021)

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Depuis des mois le gouvernement français, relayé par tous les médias, fait campagne contre les «fake news», les fausses informations qu’on trouve sur internet, dénonce les ingérences et les manipulations réelles ou non, mises en oeuvre par des puissances étrangères par l’intermédiaire des «réseaux sociaux» et accuse les grandes plateformes et les fournisseurs internet de laisser faire.

Des dispositions légales ont été élaborées pour, entre autres, obliger ces plate-forme à retirer «promptement les contenus manifestement illicites»: c’est la loi dite «Avia» (du nom de la député LREM qui avait déposé le projet de loi) contre les «contenus haineux» (sic!) sur internet, adoptée le 13/5/2020. Mais cette loi a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel en juin qui a refusé l’obligation demandée aux plateformes.

Pour contourner cette décision, le gouvernement s’emploie à faire édicter au niveau européen une loi semblable, qui contraindrait les Facebook et autres Twitter à retirer, en 24 heures, «non seulement les contenus illicites, mais aussi d’autres types de contenus tels que les contenus préjudiciables non illicites […] par exemple [...] les contenus de désinformation» (1)...

Mais tel est pris qui croyait prendre!

Le 15 décembre Facebook a annoncé, sans doute avec un malin plaisir, avoir découvert et supprimé des réseaux frauduleux faits de faux comptes Facebook et Instagram en Afrique dont il a pu identifier l’origine, bien qu’ils se présentaient comme étant l’oeuvre d’habitants locaux: l’armée française (2).

Celle-ci avait créé «84 faux comptes Facebook, 6 Pages, 9 Groupes et 14 faux comptes Instagram».

Leur activité était centrée sur la République Centrafricaine et le Mali, mais touchait aussi le Niger, le Burkina Faso, l’Algérie, la Côte d’Ivoire et le Tchad. Selon le communiqué de Facebook, leurs publications, en français et en arabe, étaient principalement sur les événements d’actualité, notamment sur la politique de la France en Afrique francophone, la situation dans divers pays africains, les élections en Centrafrique et des critiques de la présence russe dans ce pays, des commentaires de soutien à l’armée française, etc. Relativement nombreux sont ceux qui ont mordu à l’hameçon: en effet 5000 comptes environ s’étaient mis à «suivre» (followers) l’une ou l’autre de ces Pages, près de 1600 comptes avaient rejoint l’un de ces Groupes et 200 personnes suivaient au moins l’un des comptes Instagram; ce sont des chiffres qui ne sont pas négligeables pour des pays où l’accès à l’internet n’est pas toujours très répandu.

Ni la députée Avia ni aucun autre responsable politique de la majorité ne se sont manifestés pour condamner cette campagne de fake news; les politiciens de tout bord, y compris de l’opposition, et les médias qui s’étaient bruyamment indignés des risques que faisait courir à la démocratie en France les manipulations dans les réseaux sociaux, sont restés silencieux: démonstration, s’il en était besoin, de leur hypocrisie: ils soutiennent les manipulations quand elles sont au service de l’impérialisme français et ne condamnent que la «haine» contre le gouvernement et les intérêts capitalistes.

Dans le même communiqué Facebook annonce avoir également découvert et supprimé un réseau frauduleux similaire opérant principalement en Centrafrique mais aussi dans d’autres pays d’Afrique sub-saharienne (Cameroun, Madagascar, Afrique du Sud, etc.), de 63 faux comptes Facebook, 29 Pages, 7 Groupes et 1 compte Instagram. Il se concentrait sur les élections du 27 décembre en Centrafrique (en soutenant le gouvernement en place); la critique de la politique française et le soutien à la politique russe étaient aussi un des thèmes de prédilection. Bien que ce réseau ait essayé de se camoufler en utilisant des personnes résidant en Centrafrique et en Afrique du Sud, et en essayant d’impliquer des journalistes centrafricains, Facebook déclare qu’il a pu attribuer son origine au financier du groupe de mercenaires russes Wagner, présent en Centrafrique.

La propagande sur les réseaux sociaux n’est que la continuation de l’intervention impérialiste par d’autres moyens; la France qui maintient officiellement 300 soldats en Centrafrique (à côté des 11000 «casques bleus») veut éviter de s’enliser dans le bourbier centrafricain – qu’elle a créée par ses décennies d’intervention dans ce petit pays. Mais elle n’entend pas abandonner ses intérêts économiques et surtout géopolitiques dans une région stratégique. C’est pourquoi bien qu’elle soit en froid avec le président actuel parce qu’il a fait appel aux mercenaires russes, elle lui a spectaculairement témoigné son soutien en faisant effectuer le 23 décembre des vols d’intimidation par des avions de chasse au-dessus des zones tenues par les forces armées rebelles; le message était clair: l’impérialisme français «votait» pour Touadera (comme l’impérialisme russe!) et il était prêt à faire parler les armes pour assurer sa réélection...

Les services de désinformation de l’armée française se sont fait prendre la main dans le sac en Afrique, mais tout laisse supposer que des actions semblables ont lieu ailleurs, y compris en France même.

Elles sont des outils de la politique impérialiste: l’opposition à ces campagnes doit éviter l’impasse d’une vaine et mensongère défense de la «démocratie», mais elle doit s’inscrire dans la perspective de la lutte internationaliste prolétarienne contre l’impérialisme.

Non aux campagnes de désinformation de l’armée, non aux interventions impérialistes françaises, en Afrique et ailleurs!

30/12/2020

 


 

(1) cf. «La quadrature du net», 22/9/20

(2) https://about.fb.com/news/2020/12/removing-coordinated-inauthentic-behavior-france-russia/. Facebook publie quelques exemples de messages postés par les barbouzes français

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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