L’évolution de la crise économique dicte le rythme des attaques capitalistes

(«le prolétaire»; N° 539; Nov.-Déc. 2020  / Janvier 2021)

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Les chiffres de la crise

 

L’INSEE a rendu publics, le 29 janvier les chiffres de la crise économique qui a touché la France en 2020 (il s’agit en réalité d’une estimation encore provisoire). Selon ces chiffres, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 8,3%, une baisse sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale: lors de la grande récession de 2008-2009, alors la plus grave de l’après-guerre, le PIB en France n’avait baissé que d’un peu moins de 3%.

Pourtant les statistiques de l’INSEE ont été reçues presque avec soulagement par les commentateurs bourgeois. Au deuxième trimestre on avait connu, en France comme ailleurs un véritable effondrement économique qui faisait craindre le pire. Le gouvernement qui, comme tous les gouvernements, a tendance à peindre des tableaux optimistes de la situation, prévoyait une chute plus sévère, de l’ordre de 11%.

Nous y reviendrons; continuons à lire les chiffres. Le PIB est un indice composite qui masque souvent la réalité des variations économiques quand elles ne sont pas d’une très grande ampleur; ce n’est pas le cas actuellement.

La production industrielle («manufacturière», selon le jargon anglo-saxon) qui est toujours le moteur principal de l’activité, accuse une baisse de 13,1% pour l’année écoulée, contre une baisse de 8% en 2009, au plus fort de la récession d’alors. Les «services» (ou «secteur tertiaire»: commerce, transports, etc.) ont moins baissé: -8%, démentant l’idée selon laquelle la crise actuelle serait essentiellement une crise de ce secteur: c’est bien le cœur industriel de l’économie qui a été le plus frappé.

Le commerce extérieur enregistre une forte baisse des importations: -11,36% et une baisse encore plus forte des exportations: -16,7%; la baisse du prix du pétrole a diminué de façon sensible le coût des importations.

Les chiffres du déficit du commerce extérieur ne sont pas encore connus, mais en octobre le gouvernement prévoyait un déficit record de près de 80 milliards d’euros, en augmentation de près de 40% par rapport à l’année précédente: la crise économique, par la concurrence acharnée qu’elle a provoquée, a entraîné une détérioration de la position du capitalisme français sur le marché mondial, lui-même en forte baisse (autour de 9% selon les prévisions de l’OMC).     

 

Les suppressions d’emploi

 

L’INSEE estime à 700 000 la diminution des emplois en 2020, dont 600 000 emplois salariés (de son côté l’OFCE estime à 790 000 la suppression d’emplois salariés) Il s’agit pour l’essentiel de non-renouvellements de CDD, de la baisse de l’intérim, etc., bref d’emplois précaires qui ont disparu. Pour l’instant il n’y a pas à proprement parler de vague de licenciements, même si le nombre de «plans sociaux» est trois fois plus important qu’en 2019, débouchant sur 80 000 licenciements. Le taux de chômage aurait atteint les 9,7% à la fin de l’année, contre 7,5% fin 2019 (et 10% en 2009).

 Mais cela ne décrit qu’une partie de la réalité. En effet, et c’est une différence importante par rapport à la grande récession, un nombre important de salariés a été placé en chômage technique: ils étaient 2,9 millions en novembre (soit 16% des salariés du privé). L’Etat prend en charge une bonne partie du coût de ce chômage technique (ce fut d’abord 100% puis 85% partir du premier juin) qui assurait 84% de leur salaire aux travailleurs concernés, chiffre ramené à 72% à partir du premier février.

Ces mesures ont permis d’éviter des licenciements, et conjugués aux aides multiformes versées généreusement aux entreprises (5 à 6 milliards d’euros par mois), elles ont réussi à freiner la chute de l’économie, écartant la menace de son effondrement qui planait au printemps. Au point qu’il n’y a jamais eu aussi peu de faillites d’entreprises depuis trente ans (38% de moins qu’en 2019)!

Pour y arriver l’Etat a creusé le déficit budgétaire qui devrait dépasser les 11% du PIB (alors qu’il était redescendu pratiquement à 3%, conformément aux règles européennes) et il a emprunté massivement sur les marchés financiers internationaux. Si cet endettement (équivalent à 120% du PIB) ne pose pas de problème immédiat de financement étant donné les très bas taux d’intérêts actuels à cause de la crise internationale, il représente une menace redoutable à terme.

D’autre part la survie artificielle de beaucoup d’entreprises peu rentables fait peser un poids sur le taux de profit moyen de l’économie; la critique du maintien en activité de ces «entreprises-zombies» se fait entendre avec de plus en plus d’insistance parmi les économistes.

Quoi qu’il en soit l’Etat ne va pas pouvoir continuer très longtemps l’aide massive qu’il a octroyée depuis le début de la crise (plus de 150 milliards en additionnant toutes les mesures). Les ministres ont annoncé la fin du «quoi qu’il en coûte» de Macron. Comme toujours sous le capitalisme dont c’est sa source de vie, l’exploitation accrue des prolétaires sera le moyen de résoudre le problème – que ce soit sous la forme de la diminution des prestations sociales (qui sont du salaire différé), des licenciements pour réduire les dépenses salariales ou des baisses de salaire en bonne et due forme.

Le gouvernement se prépare à devoir affronter des épisodes de tension sociale lorsque les inévitables attaques capitalistes ne pourront plus être retardées ou amorties.

Il s’y prépare sur le plan répressif d’abord en accentuant le contrôle social sous prétexte de pandémie; couvre-feux, confinement, autant de mesures qui n’ont de sanitaires que le nom.

Ensuite en aggravant les dispositifs policiers dans le cadre de la loi dite «sécurité globale» contre laquelle des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à plusieurs reprises. On a beaucoup parlé de l’article visant empêcher de filmer les policiers, moins de celui prévoyant de ficher massivement les militants politiques et ouvriers – article approuvé, comme on pouvait s’y attendre, par le Conseil d’Etat le 4 janvier. C’est une légalisation d’une pratique déjà en cours qui pourra se faire plus largement et ouvertement.

Mais il compte aussi sur l’aide indirecte, mais irremplaçable des pompiers sociaux.

Le 22 décembre l’Intersyndicale (CGT FSU SUD et les syndicats étudiants et lycéens) ressortait dans un communiqué sa tactique éprouvée de saucissonnage des luttes, tout en ayant le culot d’affirmer qu’elle se plaçait dans une « dynamique de convergence des luttes » : elle fixait « 3 journées phares » en janvier et un « temps fort commun interprofessionnel de mobilisations et de grève [ouf !]» le 4 février. Tout est fait pour dissuader les travailleurs d’entrer en lutte : l’Intersyndicale n’a même pas pris même d’avancer la moindre revendication précise !

Les prolétaires n’ont pas besoin cette mascarade de « journées phares » et de « temps fort » ; pour se défendre contre les attaques des capitalistes et de leur Etat, ils ont besoin d’une lutte réelle, d’une lutte menée avec des méthodes et des moyens classistes.

Pour cela ils ne peuvent évidemment avoir aucune confiance dans les organisations syndicales collaborationnistes qui ont saboté toutes les luttes (comme celles de 2019) et qui se préparent encore une fois à jouer le même triste rôle demain, ni dans les partis et organisations de gauche et d’ « extrême gauche » qui les soutiennent. Seule l’organisation indépendante des luttes, sur une base de classe, pourra être efficace.

La crise va pousser inévitablement à une recrudescence des attaques capitalistes ; les prolétaires ne pourront y répondre qu’en prenant la voie de la lutte de classe, en rupture totale avec les orientations défaitistes, légalistes des organisations qui pratiquent la collaboration des classes, défendent la paix sociale et soutiennent l’économie nationale !

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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