Guerre russo-ukrainienne :

Par les armes, l’impérialisme exaspère le nationalisme de chaque pays (1)

(«le prolétaire»; N° 546; Sept.-Oct.-Nov. 2022)

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Le «fil du temps» de 1949 intitulé «Pacifisme et communisme» commence par ces mots :

«Dans la tradition des marxistes révolutionnaires, l’opposition au nationalisme et au militarisme, à tout bellicisme fondé sur la solidarité ouvrière avec l’État bourgeois en guerre pour les fameuses trois raisons frauduleuses est bien établie : la défense contre l’agresseur - la libération des peuples gouvernés par des États d’autres nationalités - la défense de la civilisation libérale et démocratique. Mais une tradition non moins solide de la doctrine et de la lutte marxistes est l’opposition au pacifisme, idée et programme très vague, mais qui, lorsqu’il n’est pas le masque hypocrite des fauteurs de guerre, se présente comme la stupide illusion se présente comme la stupide illusion de la recherche d’une entente entre courants et classes opposés pour «l’abolition de la guerre» et la «paix universelle», au lieu du développement et de l’approfondissement des luttes de classe.» (1)

Dans la guerre russo-ukrainienne, tous ces motifs frauduleux sont apparus, y compris la revendication pacifiste pour l’abolition de la guerre et pour la paix entre les peuples.

La défense contre l’agresseur : pour l’Ukraine bourgeoise et les impérialistes euro-américains, l’agresseur d’aujourd’hui est la Russie de Poutine, parce elle a franchi les frontières séparant les deux pays avec ses chars, envahissant l’Ukraine douce, pacifique et démocratique. Pour cette seule raison, pour le gouvernement de Kiev et les chancelleries impérialistes occidentales, la «guerre de défense» est plus que justifiable, et la soutenir est un devoir pour le monde libre, pour le monde démocratique, pour le monde qui veut la «paix universelle». Ainsi, la question de la guerre, en pleine époque impérialiste, est simplement réduite à une question d’«agression» et de «défense». Du point de vue bourgeois et impérialiste - c’est-à-dire du point de vue des bourgeoisies, toujours en conflit et en guerre entre elles depuis qu’elles existent -, le formuler en ces termes est logique ; cela fait partie de la propagande des bourgeoisies respectives. Du côté russe par exemple, l’agression est justifiée parce que le gouvernement de Kiev opprime la minorité russophone vivant principalement en Crimée et dans le Donbass (oppression linguistique, culturelle, administrative et politique). Donc cette «agression» (baptisée «opération militaire spéciale») ne serait que la réponse militaire «de défense» de la minorité russophone qui a été attaquée par le gouvernement ukrainien au moyen de son armée et ses milices locales. Du côté ukrainien, la «guerre défensive» est justifiée parce qu’il s’agit de défendre l’intégrité territoriale de la nation, son «indépendance» proclamée après l’effondrement de l’URSS en 1991, son tournant démocratique et sa «liberté de choisir» avec qui s’allier : en l’occurrence, économiquement et politiquement, avec l’Union européenne et, militairement, avec l’OTAN. Il est évident que ce «choix» est favorable aux intérêts impérialistes des pays d’Europe occidentale, des États-Unis et des factions bourgeoises représentées par les gouvernements de Porochenko et de Zelensky, et opposé aux intérêts impérialistes de la Russie (que Poutine soit au gouvernement ou un autre, la substance ne change pas).

Défense de la civilisation libérale et démocratique : pour l’Ukraine bourgeoise, la civilisation libérale et démocratique n’est que l’idéologie dont sont revêtus les intérêts du capitalisme national, idéologie et intérêts qui sont à la base du nationalisme ukrainien par opposition au nationalisme russe, bien que tous les deux soient fondés sur le système économique, politique et social du capitalisme, avec tout ce que comporte la défense des intérêts des deux capitalismes nationaux concurrents en termes économiques et militaires, de traités et d’alliances internationales. La civilisation démocratique (qui a définitivement perdu son aspect «libéral» après la Seconde Guerre mondiale) n’est autre que la civilisation du capitalisme à l’époque de l’impérialisme, d’où la volonté congénitale de s’emparer de territoires économiques, de zones d’influence, d’annexions, et aussi d’affrontements militaires avec des bourgeoisies étrangères afin de défendre et de développer des débouchés pour ses capitaux et ses marchandises et, bien sûr, l’exploitation d’un prolétariat national assujetti et contrôlé.

A l’époque historique des redéfinitions nationales, lorsque les mouvements révolutionnaires nationaux ont renversé les anciens pouvoirs féodaux et aristocratiques, le nationalisme a exprimé le progrès historique autant sur le plan politique qu’économique. L’indépendance politique vis-à-vis des puissances impériales-féodales du XIXe siècle (comprendre la Prusse, l’Autriche-Hongrie, la Russie, le Japon) était l’objectif principal des bourgeoisies des peuples opprimés, et les guerres révolutionnaires pour renverser ces puissances étaient des guerres justes de ce point de vue du progrès historique. Dans les pays impérialistes, aux guerriers belliqueux qui veulent le soutien du mouvement ouvrier et de ses partis à l’État bourgeois et à sa guerre - comme le rappelle la citation qui débute cet article - s’opposent les justes guerriers, à savoir ceux qui appuient et soutiennent la guerre de libération nationale et qui, avec cette guerre, font avancer l’histoire. Les deux veulent le soutien du prolétariat, ils le recherchent et le sollicitent par toute forme de propagande et tout acte de force, bien que les deux types de guerre ne soient pas comparables. Dans la longue phase historique du développement du nouveau mode de production capitaliste et de la classe bourgeoise, la guerre menée contre les puissances féodales n’était certainement pas «défensive», elle était nettement offensive, c’était une guerre révolutionnaire à laquelle le prolétariat était également intéressé, non seulement parce qu’il était martyrisé par l’exploitation et la répression, mais aussi pour se libérer des mille contraintes personnelles qui l’opprimaient. D’autre part, toute révolution a un caractère offensif, sinon ce ne serait pas une révolution. Mais les guerres que les États bourgeois mènent les uns contre les autres pour se partager les marchés ne sont pas des guerres révolutionnaires, ni celles d’agression ni celles de défense : elles sont, précisément, la continuation de la politique de conquête des marchés, politique menée par d’autres moyens, et précisément par des moyens militaires pour tous les belligérants.

Libération des peuples gouvernés par des États d’une autre nationalité : un peuple gouverné par un État d’une autre nationalité ne sera libéré que par la révolution ; il ne parviendra jamais à mettre fin à son oppression par le biais d’un processus de démocratisation, d’un référendum, de négociations pacifiques pour une «solution diplomatique», comme la bourgeoisie le propage, ni par des formes de guérilla partisane menée en fonction des intérêts des clans et des groupes sociaux qui se partagent des fragments de pouvoir local dans le cadre d’une exploitation plus large des ressources naturelles et de la force de travail. Elle n’y réussira même pas grâce à la guerre que d’autres États bourgeois mèneront, en brandissant la bannière de la «liberté pour les peuples opprimés», contre l’État qui les gouverne et les opprime, et qui, en fonction de la guerre, pousse son prolétariat à une «unité nationale» qui ne sert qu’à renforcer le pouvoir bourgeois et à maintenir en vie le système économique capitaliste, opprimant ainsi les prolétaires et les peuples plus faibles. Comme mentionné au point précédent, considérant que la fin de la deuxième guerre impérialiste a ouvert un autre front, celui des mouvements révolutionnaires nationaux des peuples coloniaux, les peuples opprimés n’avaient qu’une seule issue à l’oppression coloniale, celle de la révolution dans laquelle les masses de bourgeois, de paysans et de prolétaires avaient un intérêt historique commun : abattre le pouvoir des États colonialistes, conquérir l’indépendance politique et développer l’économie du pays dans un sens capitaliste,  qui constitue la base de la lutte pour le socialisme, comme l’a montré le marxisme. La perspective révolutionnaire socialiste reste parfaitement intacte : le prolétariat des colonies a une tâche historique de classe qui va au-delà de l’indépendance politique et de l’économie bourgeoise, pour laquelle la voie qu’il doit emprunter diverge inévitablement de la voie nationale-révolutionnaire bourgeoise : en effet, c’est la voie de la révolution prolétarienne, anti-bourgeoise, une voie qui exclut l’oppression d’autres peuples, les annexions d’autres nations et, par conséquent, l’alliance avec tout État bourgeois, impérialiste ou non. Le seul allié du prolétariat d’une nation est le prolétariat de tous les autres pays, parce que cette alliance est fondée sur des intérêts de classe qui sont internationaux en ce sens que le prolétariat de chaque pays est la seule classe sans réserve et sans patrie.  

Lénine sur la guerre

«Rappelons les Principes fondamentaux de la doctrine socialiste, altérés par les kautskistes. La guerre est la continuation, par les moyens de la violence, de la politique menée par les classes dominantes des puissances belligéran­tes bien avant l’ouverture des hostilités. La paix est la continuation de cette même politique, compte tenu des changements intervenus dans le rapport des forces adverses à la suite des opérations militaires. La guerre ne modifie pas par elle-même le sens dans lequel se développait la politique avant qu’elle ne commence ; elle ne fait qu’accélérer ce développement.»

(Extrait de : «À propos du «Programme de paix»», Lénine, «Social-Démocrate», n° 52, 25 mars 1916; voir Œuvres Complètes, Tome 22, p. 177)

La force économique, financière, politique et militaire avec laquelle les capitalismes nationaux se font concurrence les uns les autres se mesure sur les marchés ; dans la phase impérialiste dans laquelle nous vivons depuis plus de cent ans, les forces déterminantes sont les grandes concentrations industrielles et financières, les grands monopoles et les grands États qui défendent leurs intérêts au niveau mondial. Dans l’affrontement entre ces intérêts impérialistes contradictoires, les petites nations, les demi-puissances régionales, tendent à s’organiser - sans toujours y réussir - sur les lignes de moindre tension afin de pouvoir survivre plus longtemps dans leur rôle de partenaires des grandes puissances mondiales et de bénéficier, grâce aux positions qu’elles ont prises, d’avantages qu’elles n’avaient pas auparavant. Dans le cas des républiques fédérées qui faisaient partie de l’URSS, avec la crise de 1989 qui s’est poursuivie jusqu’à son effondrement en 1991, à l’exception du Belarus, la plupart des pays d’Europe de l’Est, la Moldavie et l’Ukraine, ont été attirés entre 1999 et 2004 dans la sphère d’influence de l’Union européenne et, à travers elle, dans celle de l’OTAN, et donc des États-Unis d’Amérique. En 1991, non seulement l’URSS et son système de satellites se sont effondrés, mais l’alliance militaire du Pacte de Varsovie, créée en 1955 en opposition à l’avancée de l’OTAN en Europe, a également été inévitablement dissoute.

En l’espace de quelques années, la Russie s’est Inévitablement retrouvée à la frontière occidentale avec les membres de l’OTAN : directement avec les États baltes, et indirectement, puisqu’il y a le Belarus, l’Ukraine et la Moldavie entre les deux, avec la Pologne, la République slovaque, la Hongrie et la Roumanie. Le seul pays qui entretient des liens économiques et politiques étroits avec Moscou est la Biélorussie ; en fait, elle soutient pleinement les initiatives militaires russes depuis 2014, avec l’annexion de la Crimée et la guerre actuelle en Ukraine.

La chute du mur de Berlin en 1989, l’annexion de l’Allemagne de l’Est par l’Allemagne de l’Ouest (appelée «réunification allemande»), l’effondrement de l’URSS en 1991, ont produit en Russie les mêmes conséquences qu’une guerre perdue. Mais en tant que grande puissance militaire qu’elle a toujours été, et par ailleurs grande puissance nucléaire, Moscou n’allait jamais rester sans rien faire et attendre d’être étouffée par les impérialistes euro-américains. Moscou possède, outre l’énergie nucléaire, de grandes quantités de pétrole, de charbon et de gaz qui constituent l’essentiel de ses exportations, tant vers la Chine que vers l’Europe occidentale, via une série de gazoducs qui traversent la mer Baltique, le Belarus et l’Ukraine. Le Belarus et l’Ukraine sont donc importants non seulement en raison de leur situation géographique et de leur production minière et agricole - le Belarus s’appuie sur une industrie technologique avancée, tandis que l’Ukraine est un grand exportateur de céréales et possède une expérience avancée en matière de technologie nucléaire, comme la Russie - mais aussi parce qu’ils peuvent fournir à Moscou un important glacis de protection vers l’Europe occidentale, à l’ouest et au sud-ouest. Les événements historiques n’ont pas permis à la Russie de conquérir les Dardanelles et, par conséquent, de contrôler directement les flux commerciaux et militaires entre la mer Noire et la Méditerranée ; mais l’annexion de la Crimée, avec le tronçon de continuité territoriale jusqu’au Donbass qui fait l’objet des affrontements les plus dévastateurs de ce mois de guerre, avec le contrôle relatif de la mer d’Azov, lui permettrait d’augmenter sensiblement son poids dans les relations avec la Turquie et le Moyen-Orient, et donc avec tous les autres États impérialistes.

Les motivations impérialistes de la Russie sont certainement claires, quel que soit le clan d’oligarques au pouvoir ; les motivations de l’Ukraine, en revanche, sont beaucoup moins claires, d’autant plus qu’aucun pays de l’UE, ni les États-Unis, bien que généreux dans leurs déclarations de soutien politique, économique et même militaire, n’ont intérêt à entrer en guerre avec la Russie au sujet de l’Ukraine. Il ne s’agit clairement pas d’une guerre locale entre deux nations pour la conquête d’un morceau de terre, aussi important que soit ce morceau de terre. Il s’agit d’une guerre menée localement mais qui a de lourdes conséquences internationales parce qu’elle s’inscrit dans un théâtre géopolitique - l’Europe - où se sont déroulées les deux précédentes guerres impérialistes mondiales ; et parce que, la Russie étant un exportateur majeur de matières premières énergétiques de grande importance pour les pays européens, ses approvisionnements ne sont pas facilement et rapidement remplaçables.

Ni Berlin, ni Paris, ni Londres, ni Washington, ni Rome, et encore moins Moscou ou Pékin, n’ont aujourd’hui intérêt à provoquer une guerre mondiale ; aucun d’entre eux n’est prêt à la soutenir, ni économiquement ni militairement. Il est certain que dans le désordre mondial qui suit la désintégration  de l’URSS, les différentes puissances impérialistes tentent de tester la résistance des anciennes alliances et la possibilité de nouvelles alliances de guerre. Ils sont tous prêts à effectuer des exercices, des manœuvres, des opérations militaires simulant des attaques, des débarquements, et dans lesquels ils testent les armements les plus sophistiqués et diverses tactiques militaires, sur terre, en mer ou dans les airs ; c’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait jusqu’à présent sur les différents théâtres de guerres locaux (des guerres de Yougoslavie à l’Afghanistan, de la Libye à l’Irak et à la Syrie, de la Tchétchénie au Tchad au Soudan, du Congo à l’Ouganda, du Burundi au Yémen).

Que l’affrontement entre les puissances impérialistes se déroule au travers de guerres locales n’enlève rien au fait qu’il s’agit de guerres impérialistes, même si elles ne sont pas mondiales dans le sens où l’affrontement n’a pas encore atteint la guerre directe entre les puissances impérialistes visant à diviser le monde en zones d’influence précises.

Plus le choc de la guerre s’approche et pénètre en Europe, comme déjà avec les guerres de Yougoslavie, plus s’élève la propagande de la défense de la patrie. Dans le cas de la guerre russo-ukrainienne, la défense de la patrie est un mot d’ordre pour les deux pays belligérants : La Russie qui se «défend» de l’avancée aux portes de l’alliance militaire occidentale, l’OTAN, et qui «défend» les populations russophones vivant en Ukraine de l’oppression politique et culturelle et de la répression appliquées depuis des années par les gouvernements de Kiev ; l’Ukraine qui «défend» son actuelle «intégrité territoriale» (d’ailleurs jamais conquise par une révolution bourgeoise à la française contre le tsarisme) de l’invasion des chars russes, après s’être louée à l’impérialisme occidental concurrent. Qui a lancé la première attaque, ou qui a commencé la guerre en premier, cela n’a pas d’importance décisive pour les communistes révolutionnaires, cela ne change pas leur perspective et leur tactique. À ce sujet, parmi les nombreux écrits de Lénine sur la guerre, nous voudrions en mentionner un, peu connu mais très clair. Il s’agit des résolutions écrites par Lénine et adoptées lors de la «Conférence des sections à l’étranger du POSDR» qui s’est tenue à Berne entre février et mars 1915 (2).

Après avoir brièvement décrit le contenu réel de la guerre impérialiste en cours, Lénine poursuit en exposant le contenu de la critique marxiste, valable pour toutes les guerres impérialistes :

«L’histoire économique et diplomatique des dernières décennies montre que les deux groupes de nations belligé­rantes ont méthodiquement préparé une guerre précisément de ce genre. Quant à savoir quel groupe a déclenché le premier les hostilités ou déclaré la guerre le premier, cela n’a aucune importance lorsqu’il s’agit de déterminer la tacti­que des socialistes. Les phrases sur la défense de la patrie, la résistance à l’invasion ennemie, la guerre défensive, etc., ne servent, de part et d’autre, qu’à duper le peuple.»

La critique marxiste, en effet, avait déjà encadré historiquement les guerres nationales, celles qui ont eu lieu en Europe de 1789 à 1871 ; celles-ci, écrit Lénine, «étaient l’expression de mouvements nationaux de masse, d’une lutte contre l’absolutisme et le système féodal, pour l’abolition de l’oppression nationale et la création d’Etats sur une base nationale, condition préalable du développement capitaliste. L’idéologie nationale engendrée par cette époque a laissé des traces profondes dans la masse de la petite bourgeoi­sie et dans une partie du prolétariat. C’est ce dont profitent actuellement, à une époque toute différente, celle de l’im­périalisme, les sophistes de la bourgeoisie et les traîtres au socialisme qui rampent à leur suite, afin de diviser les ouvriers et de les détourner de leurs tâches de classe et de la lutte révolutionnaire contre la bourgeoisie.»

Il ne fait aucun doute que les sophistes de la bourgeoisie - comprenez ses intellectuels, ses propagandistes, ses adorateurs - et les traîtres au socialisme et au communisme, face aux crises de guerre, ont d’autant plus poursuivi leur travail pour détourner les masses prolétariennes de la lutte pour leurs intérêts de classe, soit sur le terrain immédiat que sur le terrain plus général. Le mouvement prolétarien international a été frappé de plein fouet par la contre-révolution bourgeoise qui, prenant la forme de la «construction du socialisme dans un seul pays» chère au stalinisme et à ses épigones, l’a en fait rejeté plus de cent ans en arrière, au point de détruire complètement la mémoire des luttes révolutionnaires dont il a été le protagoniste dans les premières décennies du 20e siècle et qui ont abouti à sa victoire lors de l’Octobre russe de 1917, bien que dans un pays capitaliste arriéré.

Aujourd’hui, les paroles de Lénine, comme celles, en continuité organique avec les siennes, répétées mille fois par la Gauche communiste italienne, paraissent être des paroles en l’air, comme si elles n’avaient aucun rapport sur la réalité concrète que le prolétariat a sous les yeux. Ces traces profondes de l’idéologie nationale, rappelées par Lénine, et que le stalinisme a enracinées encore davantage dans des couches de plus en plus larges du prolétariat, travaillent toujours en faveur de la défense de l’État bourgeois, de la patrie bourgeoise et du système économique capitaliste. Le mouvement de classe du prolétariat international et son parti de classe étant détruits, les générations de prolétaires d’aujourd’hui n’ont pas reçu les leçons que les prolétaires des années 1920 ont vécues directement dans leur propre chair. Les forces contre-révolutionnaires de la conservation sociale ont jusqu’à présent réussi à effacer ces expériences, ces leçons, de la mémoire du prolétariat. Cette guerre de rapine voit, d’une part, l’impérialisme russe conquérir un territoire économique perdu il y a trente ans et, d’autre part, le capitalisme national ukrainien, soutenu par les adversaires impérialistes occidentaux de Moscou, jouant le rôle de bastion avancé de l’impérialisme euro-américain désireux d’élargir les territoires économiques déjà conquis après l’effondrement de l’URSS en 1991, et, d’autre part encore, l’impérialisme chinois assis comme un invité de marque à une hypothétique table de négociation pour le partage des zones d’influence actuellement concentrées dans la région de l’Europe de l’Est et du Moyen-Orient. Cela montre que l’Europe redevient l’une des zones de tempête les plus contestées au monde.

(à suivre)

 


 

 (1) cf. «Pacifisme et communisme», un article de la série intitulée «Sur le fil du temps», publié dans le n° 13, 1949, du journal du parti de l’époque, «battaglia comunista». Cette série, qui s’est particulièrement attachée à critiquer tous les aspects de l’attaque de l’opportunisme, et de sa version la plus insidieuse, le stalinisme, contre le communisme révolutionnaire et sa glorieuse tradition (de Marx et Engels à Lénine, la Troisième Internationale de 1919-1921 et la Gauche communiste italienne), ne comprend pas moins de 136 articles, de 1949 à 1955. Ils peuvent être trouvés et téléchargés sur le site web du parti www.pcint.org (Rubrique «Textes et thèses», textes en italien, période «Restaurazione teorica e programmatica del marxismo, base indispensabile per la ricostituzione del partito comunista internazionale e nascita del partito (1945-1957)»). Voir aussi en français cet article dans «le prolétaire», n° 411, juin-juillet 1991

(2) Voir Lénine, «La conférence des sections à l’étranger du parti ouvrier social-démocrate russe», dans les OC, Tome 21, Editions Sociales, Paris 1960. Cette conférence s’est tenue à Berne du 27 février au 4 mars 1915. Les participants sont des représentants bolcheviques des sections étrangères de Paris, Zurich, Genève, Berne et Lausanne, tandis que Lénine représente le Comité central et l’organe central du parti, le «Social-Démocrate». Il était rapporteur pour le thème principal de cette conférence, «La guerre et les tâches du parti».

 

 

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