Au Chili nouvelle faillite des illusions démocratiques petites bourgeoises

(«le prolétaire»; N° 546; Sept.-Oct.-Nov. 2022)

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Hier la prétendue «voie chilienne au socialisme» du gouvernement Allende de  l’«Unté Populaire» (regroupant principalement le PS et le PC) était encensée par toute la gauche et l’extrême gauche internationales. Aujourd’hui la voie chilienne à la réforme du capitalisme est encensée par toute la gauche et l’extrême gauche latino-américaines ; elle vient de subir une retentissante défaite lors du référendum constitutionnel de début septembre.

 En 1973, après que, dans une situation de fortes tensions sociales, les élections aient porté 3 ans auparavant l’UP au pouvoir, la voie chilienne débouchait finalement sur un bain de sang prolétarien avec le coup d’Etat du général Pinochet : les partis de gauche et les organisations syndicales collaborationnistes avaient conduit les prolétaires désarmés à l’abattoir en les appelant à faire confiance à l’armée et à l’Etat bourgeois face aux menaces de l’extrême droite et des dits «secteurs golpistes». Allende n’avait-il pas nommé Pinochet ministre de l’Intérieur parce que c’était un «démocrate» ?

Mais, «démocrates» ou non, les militaires et l’armée ont pour fonction de défendre l’ordre bourgeois ; et lorsque les réformistes ont épuisé leur rôle de paralysie du prolétariat, ils sont balayés sans hésitation par les forces armées bourgeoises pour laisser le talon de fer écraser les prolétaires. La dictature ne fit pas seulement des milliers de morts et des dizaines de milliers d’arrestations et la généralisation de la torture en imposant un véritable régime de terreur, elle aggrava l’exploitation capitaliste et mena une politique de libéralisation économique qui provoqua une forte augmentation de la misère et des inégalités. Des centaines de milliers de Chiliens furent contraints à l’émigration pour des raisons politiques ou pour des raisons de survie économique. Cependant cette surexploitation de la force de travail déboucha après quelques années sur une indéniable croissance économique ; cela permit un retour à la démocratie au bout de 17 ans de dictature . Cette transition sans heurt démontre une nouvelle fois que démocratie et dictature sont deux formes de l’ordre bourgeois interchangeables entre elles selon les situations sociales, les rapports de force entre les classes et les besoins de la domination de la bourgeoisie.

La nouvelle démocratie hérita de la dictature sa politique économique et sociale, ce qui fait que le Chili reste le pays le plus inégalitaire de l’OCDE et l’un des moins dotés de mesures de protection sociale. Cela n’empêche pas, bien au contraire, les économistes vanter ses succés économiques et de lui décerner la palme de la «stabilité économique» en Amérique Latine.

Cependant en 2019 la crise économique rattrapa le pays, y provoquant une véritable explosion sociale. Déclenchée par une hausse des tarifs des transports en octobre de cette année, elle vit de gigantesques manifestations violemment réprimées par la police. Son point culminant fut la grève générale du 12 novembre, très suivie ; mais ce fut aussi le début de la fin,. Inquiets du risque de voir la classe ouvrière entrer en lutte pour son propre compte, les partis d’opposition et les partis gouvernementaux signaient le 15 un «accord pour la paix sociale et la nouvelle constitution».

Même s’il fallut l’imposition des mesures de contrôle social contre la pandémie pour mettre un terme à l’agitation, le mirage démocratique, répondant à l’interclassisme du mouvement et alimenté par les organisations politiques et syndicales de collaboration de classe, fit son effet Une myriade de secteurs professionnels, une longue liste de professeurs d’universités privées, de notables, de juges, avocats, etc. en même temps que les leaders du mouvement, signèrent ce pacte, pacte qui promettait la paix sociale et l’unité nationale.

Il s’en suivit une véritable orgie d’opium électoral : référendum sur le principe d’une nouvelle constitution pour remplacer celle de Pinochet (25/10/2020) ; élections à l’assemblée constituante (15-16/5/21) ; élections présidentielles et parlementaires qui voient la victoire du socialiste Gabriel Boric soutenu notamment par le PC ; référendum constitutionnel (4/9/22).

Ce dernier référendum a lamentablement échoué : plus de 60 % des votants (le vote était obligatoire) ont voté non et le vote négatif a été particulièrement fort dans les quartiers populaires et les zones où prédomine la population indigène Mapuche. Pourtant le projet prévoyait des mesures sociales et il accordait des droits particuliers aux populations indigènes, selon le principe de l’ «indianisme» qui met au premier plan l’identité ethnique au lieu de la position sociale, de l’appartenance de classe.

Les partisans du projet rejettent leur défaite sur une puissante propagande des medias de droite. Mais cette propagande est tout sauf nouvelle ; la réalité est que ce projet rédigé par une assemblée petite-bourgeoise où dominaient avocats et professeurs et qui voulait instaurer un «Etat de droit social et démocratique» ne s’adressait pas aux masses prolétariennes dont la situation a continué de s’aggraver sous le nouveau gouvernement «de gauche» (qui comporte des ministres de droite) qui n’hésita pas à envoyer la police anti-émeutes contre les grévistes d’une raffinerie en mai dernier. La déclaration d’un représentant mapuche pourrait s’appliquer aux prolétaires en général : «A quoi sert de nous accorder de nouveaux droits si nous ne savons pas comment nous allons manger demain ?» (New York Times, 2/9/22)

Le résultat s’explique en grande partie par la désillusion vis-à-vis du gouvernement de gauche: instinctivement nombre de prolétaires ont senti que ce référendum était de la poudre aux yeux alors que leurs difficultés s’accroissent avec une inflation officiellement supérieure à 14% en août et l’augmentation de pauvreté qu’elle entraîne.

Si elle a été une défaite pour les rêves petits bourgeois, cette overdose électorale a cependant été un succès pour la bourgeoisie qui a réussi grâce à elle à maintenir la paix sociale.

Mais face aux illusions petites bourgeoises de réformer le capitalisme par des élections et une bonne constitution, la réalité va se charger de rappeler que le capitalisme ne se réforme pas, il se combat. Et pour ce combat l’histoire du Chili a démontré que les forces les plus dangereuses sont les faux amis «de gauche», les faux partis ouvriers et petits bourgeoi, les organisations partisanes de la collaboration des classes qui ne sont pas autre chose que des valets de la bourgeoisie. Le prolétariat chilien a payé très cher il y a 50 ans de leur avoir fait confiance. Il devra se rappeler cette terrible leçon pour se préparer aux combats futurs en s’engageant dans la voie de la lutte et de l’organisation de classe.

C’est la condition pour qu’il puisse non seulement se défendre vraiment, mais venger demain ses martyrs en en finissant non pas avec une simple constitution, mais avec le capitalisme et l‘Etat bourgeois en union étroite avec les prolétaires de tous les pays !

 

10 octobre 2022

 

 

Parti Communiste International

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