Dans l’Amérique de Trump, les objectifs historiques du prolétariat ne changent pas

(«le prolétaire»; N° 556; Février-Mars 2025 )

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Dans la dernière période, la situation mondiale est marquée par deux guerres – en Ukraine et en Israël/Palestine – qui touchent directement les intérêts des grandes puissances impérialistes, par des affrontements économico-politiques avec d’inévitables prolongements militaires dans tout le Moyen-Orient – Liban, Syrie, Iran, Yémen –, par des tensions croissantes sur les routes maritimes stratégiques – Baltique, Mer Noire, Mer Rouge, Golfe Persique, Indo-Pacifique, Mer de Chine Méridionale et environs –, par les pays de l’Afrique subsaharienne en ébullition permanente où les influences et les alliances se redessinent sur fond de guérillas, où les anciennes puissances coloniales occidentales sont de plus en plus éjectées des territoires qu’elles dominaient et où les impérialismes orientaux pénètrent avec toujours plus d’audace.

Cette situation mondiale révèle à nouveau ce que le marxisme a toujours prédit : la concurrence entre les grands États impérialistes, avides de territoires économiques et de nouveaux marchés pour leurs marchandises et leurs capitaux, non seulement accroît leur antagonisme, mais les pousse toujours davantage vers une guerre généralisée ; il s’agira de redessiner un nouvel ordre mondial impérialiste dans lequel les puissances qui dominent actuellement le monde – les États-Unis d’Amérique et la Chine, avec à leur remorque les puissances impérialistes de second et troisième rangs – s’efforceront de dominer leur adversaire pour faire prévaloir leurs intérêts sur l’ensemble de la planète. C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu les élections présidentielles aux Etats Unis, qui peuvent déterminer la sort, non seulement l’Occident, mais du monde bourgeois en général.

On ne peut donc traiter ce sujet qu’en partant de la relève de la garde à la Maison Blanche sanctionnée par la victoire de Trump le 6 novembre dernier.

Dans l’article publié sur le n° précédent du Prolétaire, «L’élection de Trump et la classe ouvrière américaine», nous avions mis l’accent sur une réalité désagréable, mais que nous devons regarder en face en en comprenant les causes : l’arrogance du pouvoir politique bourgeois ne doit pas seulement être vue dans les manières de faire, de se présenter et de parler de ses principaux représentants ; elle doit aussi être considérée en relation avec la soumission générale dans laquelle la classe prolétarienne est plongée en Amérique, et ailleurs.

Plus le prolétariat est soumis et défaitiste, plus les bourgeois s’en moquent, le trompent, le bafouent, le traitent comme quelque chose qui ne vaut rien. Ce n’est que lorsque les prolétaires relèvent la tête, entrent en lutte, montrent leur antagonisme avec la bourgeoisie et leur volonté d’utiliser la force pour obtenir la satisfaction de leurs exigences immédiates, que la bourgeoisie se dit prête à « dialoguer », à montrer de l’intérêt pour leurs revendications ; alors il n’y a pas d’élections où les candidats ne se déclarent pas décidés à satisfaire leurs exigences les plus pressantes. Selon les journalistes des différents médias américains, la campagne électorale de Trump a été marquée par des promesses aux travailleurs de lutter contre l’inflation élevée et la concurrence des produits non américains, à la fois pour augmenter la valeur des salaires et pour accroître la production nationale et lutter contre la concurrence étrangère afin de défendre les emplois américains.

Mais déjà en septembre 2023, lors de la grève des Big Three (Ford, GM et Stellantis), autant Biden que Trump étaient intervenus pour « soutenir » les revendications des travailleurs. Biden, s’était rendu parmi les grévistes de GM à Wayne, pour dire : « Les entreprises font d’énormes profits et elles doivent les partager avec les travailleurs. Vous méritez des augmentations significatives» , et Trump à Détroit pour un meeting électoral, déclarant : « Je suis ici pour défendre la classe ouvrière, combattre la classe politique corrompue, protéger les emplois créés aux États-Unis et le rêve américain contre les produits étrangers » (en particulier contre la production chinoise, bien plus avancée dans le secteur de la voiture électrique). Les responsables des conditions de vie misérables des travailleurs seraient donc les superprofits (pour Biden), les produits étrangers, surtout chinois (pour Trump) (5).

Rien de nouveau sous le soleil !

Lorsque les politiciens bourgeois soutiennent que les salariés ont raison de revendiquer des salaires plus élevés et une plus grande sécurité de l’emploi, ils font leur travail de bonimenteurs. Du haut de leurs privilèges sociaux et de leurs milliards, il ne leur coûte rien de lancer quelques mots en soutien des revendications de base des prolétaires ; mais aucun d’entre eux ne songe à leur expliquer  comment – grâce à leur intervention, pour laquelle ils réclament leur vote – leurs conditions générales de vie vont s’améliorer. Ils prétendent que ce n’est que par la « croissance économique », c’est-à-dire l’augmentation de la productivité, et la victoire dans les guerres de concurrence que les conditions de vie du prolétariat s’amélioreront. A condition, bien sûr, que les impénétrables lois du marché ne mettent pas des bâtons dans les roues....

Nos « héros » parviendraient-ils à faire plier les lois économiques du capitalisme selon lesquelles c’est l’exploitation toujours plus poussée du travail salarié qui garantit les profits et les surprofits capitalistes ; c’est l’hypertrophie de la production mercantile qui crée la concurrence toujours plus impitoyable sur le marché international et qui provoque depuis maintenant plus d’un siècle et demi les crises économiques de surproduction ?

Les mesures prises par les pouvoirs bourgeois pour tenter de résoudre les contradictions inhérentes au mode de production capitaliste, peuvent apporter une atténuation temporaire de la pression sur les conditions générales de vie des masses prolétariennes ; mais elles se révèlent et se révéleront inefficaces à long terme. Si un secteur ouvrier est mieux payé, c’est parce que les autres secteurs ouvriers le sont moins. La production capitaliste est tellement interconnectée dans tous ses secteurs et ses processus productifs, et au niveau international, que ses coûts de production dépendent  de la moyenne continuellement fluctuante des prix de tous les différents composants nécessaires à la production finale (il suffit de penser aux coûts de l’énergie) et de la main-d’œuvre employées, y compris les coûts de stockage, de conservation, de distribution et d’élimination des quantités invendues.

Ce n’est que dans certaines phases du développement capitaliste que la bourgeoisie dominante des pays industrialisés a pu intervenir efficacement en faveur des conditions générales d’existence des masses prolétariennes. Par exemple la fin de la deuxième guerre impérialiste mondiale a coïncidé avec l’entrée dans un cycle de forte expansion économique ; alors dans tous les pays développés, dans ceux qui n’avaient pas été ravagés par la guerre (comme les États-Unis, le Canada, l’Espagne, etc.) comme dans ceux dont la priorité était la reconstruction (la plupart des pays européens, le Japon, la Russie, etc.) les bourgeoisies ont adopté une politique qu’elles n’avaient jamais suivie pendant la longue période du libéralisme classique illimité : « une forme d’autolimitation du capitalisme » conduisant « au nivellement de l’extorsion moyenne de la plus-value » (6), c’est-à-dire « une nouvelle méthode de planification pour conduire l’économie capitaliste ».

Cette politique n’était certainement pas due à la bonne volonté des capitalistes qui, après l’immense holocauste de la guerre mondiale, auraient décidé de ne plus être aussi impitoyablement affamées de profit et de sang qu’auparavant. En réalité, la bourgeoisie dominante a tiré la leçon non seulement de la guerre qui venait de s’achever, mais aussi de toutes les autres précédentes et de la façon dont le mouvement prolétarien avait réagi à l’exploitation et à la guerre capitalistes – depuis l’Europe de 1848, Paris de 1871, la Russie de 1917, l’Allemagne de 1919. Pour ne pas se retrouver à nouveau face à un mouvement révolutionnaire d’un prolétariat qui, de son côté, avait accumulé une expérience et une tradition communiste de classe, et alors qu’elles se partageaient le monde en zones d’influence, les bourgeoisies après la guerre ont tiré de l’expérience du fascisme en Italie et en Allemagne ce dont elles avaient besoin pour consolider leur pouvoir politique. Cela consistait à appliquer de manière générale en l’institutionnalisant, la politique de collaboration de classe introduite par le fascisme, et en la renforçant par la nouvelle méthode de programmation économique rappelée ci-dessus ; c’est-à-dire avec cette auto-limitation de l’extorsion de la plus-value autour d’une moyenne satisfaisant les besoins des capitalistes, tout en répondant de la façon la plus généralisée possible aux besoins les plus pressants des masses prolétariennes.

 La politique dite des amortisseurs sociaux répond exactement à cette approche. Le fait qu’elle s’est présentée et réalisée sous des formes démocratiques plutôt que totalitaires et fascistes, comme à l’époque  de l’Italie fasciste et, sous une forme beaucoup plus organisée, du national-socialisme allemand, a sans aucun doute contribué à lier les larges masses prolétariennes au sort de l’économie et de la politique bourgeoises – d’autant plus après qu’elles aient été trompées, désorientées, trahies par le communisme officiel qui s’était imposé sous le nom de Staline.

Au-delà des boniments de la démocratie sur les libertés infinies, le développement du capitalisme dans sa phase impérialiste se dirige précisément contre ces libertés. En effet sur le plan économique, il tend à constituer des monopoles de plus en plus grands et puissants au point de plier les États à leurs intérêts ; et, sur le plan politique, il tend à augmenter l’autoritarisme qui n’est que l’antichambre d’un totalitarisme ouvert. L’État se présente comme l’instance suprême au-dessus des classes, capable de concilier les intérêts de toutes les couches sociales ; en réalité il a toujours été l’instrument de la défense non pas des « droits de tout un chacun », mais des intérêts des grandes puissances économiques et financières contre les droits et les intérêts de tous ceux qui n’ont pas été absorbés par ces grandes puissances. La dernière pandémie de Covid-19 a amplement démontré cette réalité, bien qu’elle ait été  revêtue des formes démocratiques et parlementaires.

 

Les conditions de base du prolétariat sont les mêmes, en Amérique comme partout dans le monde

 

Quand la bourgeoisie ressent le besoin d’impliquer les masses prolétariennes dans le soutien de ses intérêts généraux – par exemple lors des élections générales ou des tensions précédant les guerres – elle met en route sa machine propagandiste habituelle ; les principaux représentants des différents partis en lice pour les postes gouvernementaux débitent les refrains classiques sur la défense de la production nationale, de la famille, des travailleurs et des droits démocratiques... L’un des arguments utilisés  pour recueillir des voix est de promettre aux travailleurs que leurs conditions immédiates s’amélioreront grâce à la baisse des impôts et à l’augmentation des investissements dans la production nationale ; selon eux cela améliorerait les conditions de vie et de travail des grandes masses laborieuses. C’est ainsi que la bourgeoisie s’occupe des salariés : en tant que classe pour le capital, c’est-à-dire une classe exclusivement pour le capital et sa valorisation. Comme l’a démontré Marx, le capital n’est valorisé que par le travail salarié, c’est-à-dire par l’exploitation systématique et toujours plus intensive des travailleurs salariés.

Les intérêts immédiats de la classe prolétarienne concernent ses conditions de travail et de vie au sein du système de production capitaliste, et ils ne sortent pas de ce système. Les conditions de vie des prolétaires dépendent du régime salarial qui règle les rapports entre les travailleurs et les capitalistes, et des conditions de travail dans lesquelles ils s’inscrivent. S’il ne travaille pas, le prolétaire ne mange pas . Le fait est qu’il n’y a pas de travail pour tous les prolétaires créés par le capitalisme : le chômage, c’est-à-dire l’armée de réserve industrielle, est une réalité incontournable du capitalisme. Cette armée de réserve industrielle est à la disposition du capital et elle ne peut que peser sur l’ensemble de la classe prolétarienne en développant ce qui est inévitable  dans un cadre mercantile : la concurrence avec les  prolétaires occupés. La force de travail non employée  est une marchandise à bas coût, mais aussi une marchandise qui ne trouve pas toujours de débouché sur son marché spécifique, le marché du travail. Comme pour les marchandises sans débouché sur le marché, Le sort de cette marchandise-force de travail  est le même que celui de toutes les autres :  la vente ou la poubelle. Chaque ville a ses banlieues, ses faubourgs, ses bidonvilles ; plus le capitalisme se développe, plus les villes s’étendent et plus elles se divisent en une petite partie centrale, riche, cossue, pleine de magasins et d’établissements de luxe, de sièges de grandes industries et banques, une partie plus grande pour la dite classe moyenne, la petite bourgeoisie, et en une partie encore plus grande, périphérique, dégradée, mal desservie, pour le prolétariat et le sous-prolétariat. Naturellement, le désordre économique qui caractérise le capitalisme, avec ses croissances, ses crises et ses récessions, se reflète également dans l’agencement des villes : elles se modifient toujours plus fréquemment, soit en se dotant de nouvelles lignes de transport, soit en utilisant certains espaces et terrains obtenus en vidant des quartiers entiers pour faire place à de nouveaux bâtiments et en faisant main basse sur les rentes foncières. De ce point de vue, les villes américaines ont montré au monde en quoi consiste le « progrès » des villes modernes: la différenciation entre des quartiers « résidentiels », les dites city avec leurs gratte-ciel, avec les  immeubles luxueux où sont installées les grandes banques, la bourse et les grandes multinationales ; des quartiers populaires et ouvriers jusqu’aux banlieues extrêmes où se concentrent les masses immigrées, paupérisées, chômeuses et marginalisées, quartiers notoirement oubliés par les institutions publiques, à l’exception des institutions policières.

Étant donné la dépendance totale du prolétariat envers le capital, le poste de travail est d’une importance capitale pour tout prolétaire. Le prolétaire vend sa force de travail au capitaliste en échange d’un salaire ; s’il ne la vend pas, il ne reçoit rien et il tombe dans la marginalisation.

La distance aujourd’hui des prolétaires d’avec les luttes et la tradition de classe d’autrefois leur a complètement fait oublier ce que les prolétaires européens mais aussi américains du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle avaient acquis. L’implantation directe du capitalisme en Amérique, sans avoir à passer par la longue phase historique du féodalisme, a préparé le terrain pour l’apparition dès le début dans le jeune prolétariat américain des éléments sociaux qui mirent des décennies en Europe : notamment  l’émergence d’une aristocratie ouvrière coexistant avec les masses de travailleurs indistinctement immigrés et migrants, multinationaux et multiraciaux, tendanciellement unifiés par leurs conditions immédiates de vie et de travail, au-delà de leurs différences d’origine. Dès le début, l’organisation syndicale des prolétaires a tendu à prendre les caractéristiques d’un antagonisme violent et potentiellement révolutionnaire ; c’est ce que montre l’histoire de la Western Federation of Miners et surtout des Industrial Workers of the World (IWW, connus sous le nom de wobblies). Entre 1905 et 1920 ils   représentaient bien plus qu’une association de défense économique, un syndicalisme révolutionnaire tendant vers la solidarité de classe, le « pouvoir ouvrier » et la grande union pour l’émancipation ouvrière ; ils ne voulaient pas se cantonner à la défense contre les effets du capitalisme sur la vie des ouvriers, mais ils voulaient aussi s’engager sur la voie de l’émancipation du capital (7). Malgré l’éloignement des expériences révolutionnaires du communisme européen et en particulier bolchevique, avec lequel, par l’intermédiaire de Big Bill, son principal représentant de l’époque, l’IWW entra en contact en 1919, lors de la constitution de l’Internationale Communiste, les fondements mêmes sur lesquels l’IWW était organisée favorisaient ce qui aurait pu être le futur saut politique des wobblies vers le communisme révolutionnaire. Ce saut n’a pas eu lieu, surtout à cause de l’absence de révolution prolétarienne en Europe et de la dégénérescence de l’Internationale communiste quelques années plus tard. Et c’est aussi à cause de ce développement politique raté du mouvement ouvrier américain, et de la contre-révolution qui a réussi à vaincre la révolution communiste en Russie et au niveau international, que le syndicat AFL déjà présent et interclassiste a fini par prendre le dessus, faisant reculer le prolétariat américain pour des décennies du terrain de la lutte classiste à celui de l’interclassisme et du collaborationnisme avec les capitalistes.

C’est cette situation totalement défavorable à la lutte de classe que le prolétariat américain devra surmonter s’il veut non seulement se défendre sur le terrain économique immédiat, mais agir sur le terrain politique anticapitaliste plus général –  le seul terrain où il peut  mener la lutte pour son émancipation du capitalisme; le seul terrain pour qu’il cesse d’être une classe pour le capital, et assume sa caractéristique historique de classe pour soi, de classe révolutionnaire.

La bourgeoisie américaine n’a pas directement mûri des siècles de domination de classe et de domination internationale dont la bourgeoisie anglaise ou la bourgeoisie française peuvent se vanter ; mais sa constitution très jeune en tant que classe dominante, après avoir triomphé de la bourgeoisie anglaise colonisatrice et ensuite être victorieuse dans la guerre de sécession contre le Sud rétrograde et esclavagiste, lui a permis à la fois d’exploiter à fond  les immenses ressources minérales et naturelles de son vaste territoire et de pousser à un développement technique et scientifique forcené de l’industrie nationale afin de pouvoir attaquer la concurrence sur le marché international avec de nombreux avantages.

 Le capitalisme américain a ainsi exprimé simultanément la tendance bourgeoise à l’interclassisme en cherchant à consolider les liens avec l’aristocratie ouvrière, et un pacifisme social sur la vague plurinationale et multiraciale du « nous sommes tous Américains » ; et la tendance opposée à l’antagonisme violent avec les masses ouvrières, appuyée sur les  discrimination nationale et raciale, en les soumettant à des conditions de misère et de précarité – à l’exception des couches professionnelles les plus éduquées, mieux payées et jouissant de privilèges et d’avantages pour qu’elles se sentent membres non pas de la classe ouvrière mais de la middle class.

En réalité, comme l’ont démontré au fil des ans les grandes luttes dans les secteurs de l’automobile, de la construction, des transports, des aéroports, etc. qui ont ébranlé presque à l’improviste les équilibres fondés sur une collaboration persistante entre les classes, ce qui a manqué et ce qui manque au prolétariat américain, c’est l’expérience classiste et révolutionnaire qu’a connue au contraire le prolétariat européen. Le grave problème historique qui se pose à la classe prolétarienne américaine consiste dans la difficulté de pénétration du marxisme – et donc de maturation révolutionnaire du mouvement ouvrier – qu’au contraire le mouvement prolétarien européen a connu dans le passé . Au travers des insurrections de 1848, de la Commune de Paris de 1871, de la révolution russe d’octobre 1917 et des tentatives révolutionnaires des années 1920, ce dernier a pu faire l’expérience physique de la valeur historique de la lutte de classe menée jusqu’au bout, jusqu’à la prise du pouvoir et sa gestion , la valeur historique de la révolution prolétarienne socialiste à laquelle il peut se relier après toutes les défaites. Et Cette circonstance historique donne aux communistes européens la tâche d’importer le marxisme y compris dans les rangs du prolétariat américain.

Le mouvement prolétarien américain a historiquement évolué dans l’ombre du développement politique de la jeune classe bourgeoise ; il a assimilé en très peu de temps la vision idéologique bourgeoise socialement et nationalement dominante selon laquelle être américain, au-delà de la condition sociale, de la nationalité ou de la race d’origine, était une « qualité » internationalement reconnue dont jouissaient les bourgeois comme les prolétaires et dont ils pouvaient être fiers. Bien entendu, cela ne signifiait pas qu’il n’y ait pas eu un racisme féroce de la part des Blancs dominants à l’encontre des populations noire, jaune ou Chicano – et ce racisme persiste encore. Le racisme fait partie intégrante de l’idéologie de domination économique, sociale et culturelle de la bourgeoisie blanche américaine, même dans un l’environnement est démocratique. Mais l’antagonisme social entre les exploités (les prolétaires) et les exploiteurs (les bourgeois) est plus fort que l’idéologie démocratique car il repose sur les conditions matérielles et historiques des classes qu’aucune idéologie ne peut faire disparaître. Cela n’enlève rien au fait que l’implantation du capitalisme moderne dans un vaste territoire vierge comme l’Amérique a été une condition historique très particulière ; elle a facilité l’utilisation du prolétariat (doublement dominé quand il est noir, même après avoir été « libéré » de l’esclavage) : par son travail – c’est-à-dire par l’exploitation de sa force de travail – il a contribué à rendre idéologiquement et matériellement l’Amérique aussi grande que l’a faite économiquement le capital. Synthèse parfaite de la raison pour laquelle la bourgeoisie considère la classe du prolétariat exclusivement comme une classe pour le capital.

Les luttes du prolétariat américain ont été marquées  par un très haut niveau de conflictualité sociale ; mais elles n’ont jamais réussi à engendrer des avant-gardes politiques, si ce n’est au niveau du syndicalisme combatif des wobblies ou des anarchistes ; elles n’ont jamais trouvé une réponse sur le plan de la formation du parti politique de classe. Une telle réponse ne pourra se trouver que par la pénétration dans le mouvement ouvrier du marxisme,  c’est-à-dire de la théorie de la révolution communiste, seule voie pour l’émancipation prolétarienne du capitalisme. Un tel objectif est fondamental, non seulement pour le prolétariat américain, mais pour le prolétariat mondial, parce que le capitalisme ne pourra jamais être  définitivement vaincu tant que ne sera pas mortellement frappé son pôle impérialiste le plus fort et le plus résistant historiquement : les Etats Unis d’Amérique.

Cette tâche historique de la lutte révolutionnaire du prolétariat américain, complétée par la lutte révolutionnaire en Europe, est une étape décisive sur la voie de l’émancipation du prolétariat au niveau mondial.

A l’époque de la première guerre impérialiste mondiale, le sort de la révolution prolétarienne  communiste était liée à la révolution en Europe. Après la deuxième guerre impérialiste mondiale, il est inévitablement lié à la révolution prolétarienne en Amérique. C’est dans ce but que les communistes d’hier et d’aujourd’hui ont dû et doivent travailler, sans oublier que le premier pas vers la révolution prolétarienne mondiale est la lutte de classe que les prolétaires doivent avant tout déchaîner dans tous les  pays contre leur propre bourgeoisie.

 


 

(1) https://www.washingtonpost. com/politics/2024/11/12/what-numbers-actually-say-about-2024-election/

(2) https://www.opensecrets.org/2024-presidential-race

(3) Cf. Lénine, « L’État et la révolution », Ed. Sociales, Paris, 1962, p. 456 (Chapitre 3, § 3 : Suppression du parlementarisme)

(4) https://www.bls.gov/wsp/

(5) Cf. La Working Class américaine s’est-elle réveillée ?, « le prolétaire », n° 550, Sept.-Oct.-Nov. 2023.

(6) Voir le texte du parti publié en 1946-48 dans la revue du parti de l’époque « Prometeo », Force Violence Dictature dans la lutte des classes, brochure n°6 des textes du Parti communiste international, 1973 ou sur notre site : https://www.pcint.org/15_Textes_Theses/07_01_fr/1946-1948_Force-violence-dictature.htm

(7) Sur l’histoire de l’IWW et les magnifiques luttes du prolétariat américain, voir W.D. Haywood, La storia di Big Bill, Iskra edizioni, Milan, 1977.

 

Décembre 2024

 

 

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