Le programme révolutionnaire de la société communiste élimine toute forme de propriété de la terre, des installations productives et des produits du travail (fin)

(«programme communiste»; N° 103; janvier 2016)

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Paru sur «Il Programma Comunista» n°16/1958, alors l’organe du parti, comme «corollaire» à la réunion générale du parti de Turin des 1-2/6/1958. La première partie a été publiée sur Programme Communiste n° 102.

 

 

La société elle-même n’est pas propriétaire de la terre

 

Dans le Troisième livre du Capital publié par Engels après la mort de Marx, se trouve le chapitre 46 intitulé: «La rente et les terrains à bâtir, des mines, du sol». Le raisonnement est déduit du cadre de la puissante doctrine de la rente foncière, revendiquée mot pour mot durant toute sa vie par le grand combattant Lénine. Notre science économique affirme et démontre que la rente extorquée par le propriétaire foncier présente le caractère d’un prélèvement correspondant sur la plus-value produite par la classe salariée et qui devient profit capitaliste. Nos adversaires pourraient ici soulever une objection: il se fait des affaires et le propriétaire touche une rente sur la vente de terrains constructibles qui restaient là à dormir au soleil, sans qu’aucun travailleur n’y ait jamais donné un seul coup de pelle; ce gain du propriétaire, de quel travail, de quelle plus-value est-il donc issu?

Mais l’objection ne nous prend pas en défaut. Nous ne sommes pas une faculté académique, mais une armée en ordre de bataille; nous défendons la cause de ceux qui ont travaillé et qui sont morts comme celle de ceux qui ne sont pas encore nés et qui n’ont encore jamais travaillé.

Que ceux qui veulent raisonner selon les petites formules administratives du droit et de l’avoir des entreprises enregistrées veuillent bien nous lâcher, en même temps que ceux qui définissent le pouvoir légal dans les noms inscrits sur les listes électorales et sur leur décompte.

Marx répond à la question en faisant entrer en scène les générations futures. C’est là une vieille donnée de notre doctrine, et non une astucieuse invention que nous aurions faite pour faire passer plus facilement nos thèses: contre la théorie et le programme de la révolution, même la majorité de la classe prolétarienne peut aujourd’hui avoir tort et se ranger dans les rangs ennemis.

«Le fait que c’est uniquement leur titre de propriété sur le globe terrestre qui permet à certaines personnes de s’approprier comme tribut une partie du surtravail de la société, et de se l’approprier en une quantité qui croît parallèlement au développement de la production, est caché par le fait que la rente capitalisée apparaît comme prix de la terre et peut donc être vendue comme n’importe quelle marchandise» (1)

N’est-ce pas clair? Si j’estime qu’un terrain, qui, dans le futur pourra rapporter annuellement 5000 lires au patron, peut se vendre pour 100.000 lires, j’ai rendu force active le surtravail des ouvriers qui y travailleront non pas vingt ans, mais un nombre infini d’années.

« De la même façon, le droit de propriété du planteur sur le Noir qu’il a acheté lui semble découler, non pas de l’institution de l’esclavage [que les générations passées lui ont transmise], mais d’un acte commercial». Et il escomptera en argent les années futures du Noir et de sa descendance!

«La vente de la terre ne crée pourtant pas le titre lui-même: elle ne fait que le transmettre. Pour que le titre puisse être vendu, il faut qu’il existe déjà, et si ce n’est pas une vente qui peut le créer, ce n’est pas davantage une série de ventes répétées qui le créera [l’allusion du docteur en droit Marx vise la fiction juridique selon laquelle la «preuve de la propriété» s’obtient en présentant des papiers de transfert de propriété remontant à un certain nombre d’années, vingt ou trente par exemple]. Ce qui a créé le titre, ce sont les rapports de production. Dès que ces rapports ont atteint un degré de développement qui rend leur métamorphose inévitable, la justification économique et historique de ce titre issu du processus créateur de la vie sociale disparaît en même temps que sa source matérielle, et toutes les transactions qui reposaient sur lui cessent du même coup».

Par exemple, ajouterons-nous pour clarifier les idées, quand la production esclavagiste s’écroule parce que désormais elle ne correspond plus aux conditions économiques et parce que les esclaves se révoltent, ces derniers deviennent des hommes libres et tous les contrats de vente d’esclaves sont alors nuls et sans effet! Mais ici nous invitons encore une fois le lecteur à être attentif au passage aussi puissant qu’inattendu, de l’interprétation géniale et originale de l’histoire des sociétés humaines, à la caractérisation tout aussi rigoureuse de la société de demain:

«Dans une organisation économique supérieure à la nôtre, le droit de propriété de certains individus sur le globe terrestre paraîtra aussi absurde que le droit de propriété d’un être humain sur un autre.

Aucune société, aucun peuple, ni même toutes les sociétés d’une époque prises ensemble, ne sont les propriétaires de la terre. Ils n’en sont que les possesseurs, les usufruitiers, et ils devront la léguer aux générations futures, après l’avoir améliorée, en boni patres familias [bons pères de famille]»

 

Utopie et marxisme

 

La méthode de Marx est claire, y compris dans ce passage crucial. Notre prévision de la mort de la propriété et du capital, de leur disparition, qui est un objectif d’une bien plus grande portée que le banal transfert de la propriété d’un sujet individuel à un sujet social; l’attribution de la faculté de décision et de volonté, non au sujet individuel, ni même à la classe écrasée, mais seulement à la collectivité parti, collectivité dont l’énergie n’est pas quantité, mais qualité; tout cela s’appuie sur une analyse entièrement scientifique de la société actuelle et de son passé. Le capitalisme que nous dénonçons et que nous voulons détruire, nous avons d’abord le devoir de l’étudier et de connaître sa structure et son évolution réelle. Ce n’est pas un devoir au sens moral et personnel du terme, mais une fonction impersonnelle du parti, entité qui dépasse les opinions des hommes et les limites entre les générations successives.

C’est là que se trouve la réponse à une éventuelle objection à notre acception du marxisme – la seule qui en saisit toute la puissance et toute la profondeur. Le Marx que le courant révolutionnaire présente depuis des décennies quand il met au premier plan le programme maximum de la structure sociale communiste, est précisément le Marx qui dépassa, combattit et abandonna derrière lui toute utopie.

L’opposition entre utopie et socialisme scientifique ne consiste pas en ce que le socialisme marxiste estimerait que pour ce qui est des caractéristiques de la société future, il vaut mieux attendre que celle-ci passe devant la fenêtre pour pouvoir les décrire! L’erreur des utopistes réside dans le fait qu’après avoir constaté les défauts de la société actuelle (d’une façon que Marx salue respectueusement chez certains d’entre eux), ils déduisent la structure de la société future non de l’action de processus réels qui relient le passé au futur, mais de leur propre tête, de la raison humaine et non de la réalité naturelle et sociale. L’utopiste croît que le point d’arrivée du devenir social consiste dans le triomphe de quelques principes généraux inhérents à l’esprit humain. Qu’ils aient été induits par le Dieu créateur ou qu’ils aient été découverts par l’analyse philosophique introspective, ce sont des idéologies aux mille noms – Justice, Egalité, Liberté, etc. – qui composent les couleurs de la palette où le socialiste idéaliste plonge ses pinceaux pour peindre le monde de demain tel qu’il devrait être.

Origine ingénue, mais pas toujours méprisable, qui fait que l’utopiste en attend la réalisation de la persuasion des hommes, de l’émulation, selon le mot aujourd’hui à la mode pour présenter de façon vraiment déplacée les flamboiements de l’ histoire. Emportés par leurs bonnes intentions, les utopistes ont même cru pouvoir réussir à arriver au but en gagnant à leurs riants projets les centres dirigeants des pouvoirs constitués. Leurs préjugés les empêchaient de comprendre la nécessité de la lutte, du conflit social, du renversement du pouvoir et du recours, non à la persuasion, mais à la force ouverte dans le processus qui conduit à la naissance de la nouvelle société.

Notre conception du problème humain est juste l’inverse. Les choses ne sont pas ce qu’elles sont parce que quelqu’un se serait trompé, aurait fait fausse route, mais parce qu’une série de causes et de forces déterminantes ont agi au cours du développement de l’espèce humaine; il s’agit avant tout de comprendre comment, pourquoi et selon quelles lois générales, pour pouvoir ensuite en déduire les directions futures.

Le marxisme ne renonce donc pas à proclamer dans son programme de bataille les caractéristiques de la société future, en montrant plus particulièrement en quoi elles s’opposent à celles qui ont été précisément identifiées dans la forme sociale antérieure, la forme capitaliste et mercantile. Le marxisme est capable de faire cela avec une validité et une sûreté bien plus grandes que toutes les vaines descriptions des utopistes, même si elles étaient parfois audacieuses pour leur époque

Refuser à chercher à prévoir les caractéristiques des structures sociales communistes n’est pas marxiste; et c’est même indigne de la puissance des textes classiques de notre école. Nous sommes vraiment là en présence d’un révisionnisme rétrograde et conservateur qui présente comme de l’objectivité ce qui n’est qu’une lâcheté cynique: la révélation sur un écran blanc du mystérieux dessein qui serait le secret de l’histoire. En dépit de sa suffisance philistine, cette méthode n’est qu’un alibi préparé pour les cliques de politiciens professionnels qui, n’ayant jamais compris la grandeur de la forme parti, l’ont réduit à une tribune pour les gesticulations de quelques activistes. Si nous devions rester au secret, il ne resterait qu’à attendre dans les sacristies la révélation de la volonté divine, ou, dans les antichambres du pouvoir, le doux moment de pouvoir aller en cuisine terminer les restes des plats des puissants.

 

Propriété et usufruit

 

On trouve un exemple de cette opposition doctrinale entre marxisme et utopie que nous venons de rappeler, dans le passage où Marx trace un schéma de la structure future aussi peu équivoque que dans le passage où il affirme que la société n’est pas propriétaire de la terre.

En effet la gestion de la culture de la terre ne doit pas satisfaire uniquement les besoins de la génération présente. Selon une accusation récurrente de Marx la forme de production capitaliste épuise les ressources du sol et rend le problème de l’alimentation des peuples insurmontable. Aujourd’hui où ces populations deviennent toujours plus nombreuses, les «scientifiques», avec leur sérieux bien connu, cherchent des voies nouvelles pour nourrir les habitants de la planète.

La gestion de la terre, clé de voûte de tout le problème social, doit être conçue pour correspondre au meilleur développement de la population du globe. La société humaine vivante, comprise au-delà des frontières des Etats, des nations, et quand nous serons arrivés à une «organisation supérieure», des classes elles-mêmes (car nous aurons alors dépassé non seulement la contradiction un peu plate entre classes «oisives» et classes «productrices», mais aussi l’opposition entre classes productrices urbaines et rurales, manuelles et intellectuelles, comme Marx nous l’enseigne), cette société qui se présentera comme l’agrégat d’un certain nombre de milliards d’hommes, restera cependant un ensemble plus restreint que celui de «l’espèce humaine», bien qu’il devienne de plus en plus nombreux en raison de l’allongement de la durée de vie moyenne de ses membres.

Volontairement et scientifiquement, pour la première fois de l’histoire, la société se subordonnera à l’espèce, c’est-à-dire qu’elle s’organisera selon les formes qui répondent de la façon la plus adéquate aux besoins de l’humanité à venir.

Qu’il n’y ait là rien de fantastique – ni, le ciel nous en préserve!, de science-fiction – ou d’utopique, cela découle du critère réaliste et palpable rappelé par Marx: la différence entre propriété et usufruit.

Dans la théorie du droit actuel, la propriété est «perpétuelle», alors que l’usufruit est temporaire, limité à un nombre préétabli d’années ou à la durée de vie de l’usufruitier. Selon la théorie bourgeoise, la propriété est «jus utendi et abutendi», c’est-à-dire dotée du droit d’user et d’abuser. Théoriquement le propriétaire a le droit de détruire son bien; par exemple d’arroser son champ avec de l’eau salée après l’avoir chauffée pour le stériliser comme le firent les Romains, sur le sol de Carthage. Les juristes actuels ergotent sur une limite sociale à ce droit; mais ce n’est pas de la science, ce n’est que de la peur de classe. L’usufruitier, lui, a au contraire un droit plus restreint que celui du propriétaire: l’usage oui, l’abus, non. Au terme de l’usufruit ou à la mort de l’usufruitier dans le cas du viager, la terre retourne au propriétaire. La loi impose qu’elle retourne dans le même état qu’au début de la période d’usufruit. Même le simple fermier qui a la terre en bail ne peut en altérer la culture; il doit la mener en bon père de famille, comme le ferait un bon propriétaire pour qui la perpétuation de l’usage et de la jouissance doit pouvoir en permettre l’héritage à ses enfants. Dans le code civil italien, la formule sacramentelle du bon père de famille se trouve aux articles 1001 et 1587.

La société a donc l’usufruit et non la propriété de la terre.

L’utopisme est métaphysique, le socialisme scientifique est dialectique. Dans les phases respectives de son gigantesque édifice théorique, Marx peut revendiquer successivement la grande propriété (y compris capitaliste où les salariés sont traités comme des bêtes de somme) contre la petite, même n’employant pas de salariés (par décence nous ne parlerons pas de la petite entreprise du métayer français de 1894 ou italien de 1958, qui ajoute à la transformation du travailleur en bête de somme, la réactionnaire fragmentation parcellaire de la terre); la propriété d’Etat y compris capitaliste contre la grande propriété privée (nationalisation); la propriété d’Etat après l’instauration de la dictature du prolétariat; puis, pour l’organisation supérieure du communisme intégral, l’usage national de la terre par la société, reléguant enfin à la poubelle de l’histoire d’Engels, le terme funeste de propriété.

 

Valeur d’usage et valeur d’échange

 

La thèse fondamentale du marxisme révolutionnaire élargit sans problème la négation de la propriété individuelle, puis sociale de la terre, aux autres instruments de production créés par le travail humain, et aux produits du travail, qu’il s’agisse de biens instrumentaux ou de biens de consommation.

Sur la terre cultivable, il existe divers biens capitaux destinés à son exploitation. Il en est un qui est fondamental et d’où, comme Marx lui-même le rappelle, est issu le terme de capital: c’est celui du bétail pour le travail et l’élevage. En italien on l’appelle scorta viva (équipement vivant), en français cheptel, qui est le même mot que capital. Le mot qui exprime la sale chose qu’est le capital vient du latin caput qui veut dire tête. Mais que le bourgeois ne croit pas qu’il s’agisse de la tête humaine, ce qui leur permettrait de nous servir un autre droit naturel: le Capital comme prolongement de la Personne.

Il s’agit de la tête des vaches.

Celle du bourgeois ne se prolonge pas par les principes éternels de la loi humaine, mais seulement par les cornes!

Il est clair que l’exploitant ne peut manger tout son bétail, comme il y a eu des exemples historiques, sans détruire cet instrument particulier de production qui est capable de se reproduire s’il est correctement élevé.

La société est usufruitière et non propriétaire des espèces animales. Dans le petit travail d’Engels il y avait un joli passage sur la ridicule revendication de liberté de chasse et de pêche pour les paysans français à propos du danger de disparition de certaines espèces sauvages – ce qui est arrivé par la suite.

Il ne serait pas difficile d’étendre notre raisonnement à tout capital d’entreprise, dans l’agriculture et dans l’industrie, mais ce ne serait pas rapide. Nous allons essayer de procéder par grandes étapes.

Dans ces chapitres magistraux de Marx sur la terre où il démontre que sa valeur, son prix, tiré de la rente capitalisée, n’entre pas dans le capital d’exercice de l’entreprise agricole parce qu’il se retrouve intact à la fin du cycle annuel, s’il n’y a pas la regrettable baisse de la fertilité, il établit la comparaison évidente avec la «partie fixe du capital industriel constant» qui n’entre pas dans le calcul du capital circulant, sinon pour la faible part usée dans le cycle productif et qui doit être renouvelée (amortissement). La terre se renouvelle d’elle-même, ainsi que le cheptel (avec un certain travail d’élevage). Le capital fixe (scorte morte) dans l’agriculture est renouvelé en grande partie chaque année, à la charge de la valeur totale des produits. Par contre dans l’industrie il est renouvelé pour une part plus faible.

Laissant de côté l’examen quantitatif, nous voudrions signaler que l’humanité dispose de capitaux fixes dont l’amortissement se fait au cours de périodes très longues, comme ces ponts romains qui sont encore utilisés deux mille ans après leur construction. Le capitalisme commet un crime quand il recherche les amortissements les plus brefs et qu’il s’efforce – sur le dos du prolétariat – de renouveler rapidement tout capital fixe. Pourquoi le fait-il? Parce que sur le capital fixe il y a la folle propriété, et sur le capital circulant le simple usufruit. La distinction entre travail mort et travail vivant est exposée dans les rapports aux réunions de la Pentecôte et de Piombino auxquelles nous renvoyons le lecteur.

Le capitalisme pousse à faire se démener follement le travail des vivants et il fait du travail des morts son inhumaine propriété. Ce que ses spécialistes bourgeois appellent amortissement, c’est-à-dire renouvellement du capital fixe, dans l’économie communiste nous l’appellerons à l’inverse revivification.

L’antithèse entre propriété et usufruit renvoie à celle entre capital fixe et capital circulant, et à celle entre travail mort et travail vivant.

Nous sommes du côté de la vie éternelle de l’espèce, nos ennemis sont du côté sinistre de la mort éternelle. Et la vie les emportera, en synthétisant ces termes opposés dans la réalité du communisme.

Mais nous allons donner encore une autre formulation de cette même antithèse: échange monétaire et usage physique. Valeur d’échange mercantile contre valeur d’usage.

La révolution communiste est la liquidation du mercantilisme.

 

Travail objectivé et travail vivant

 

Les camarades lecteurs, qui dans notre méthode de travail sont des collaborateurs à l’activité collective du parti, doivent ici se reporter à la Deuxième Partie du compte-rendu sommaire de la réunion de Piombino où nous avons amplement présenté le texte des Grundisse de Marx (Il Programma Comunista n°19 et 20 de 1957).

Dans cette construction grandiose, l’individualisme économique est supprimé et ce qui apparaît à sa place c’est l’Homme Social, dont les limites sont les mêmes que celles de la Société Humaine et même de l’Espèce humaine toute entière.

Le Capital fixe industriel, opposé dans la forme capitaliste au travail humain, qui devient mesure de la valeur d’échange des produits et des biens, ce Capital – que derrière lui, il y ait ou non le capitaliste en tant qu’individu, et nous avons d’innombrables citations de Marx sur ce point – est le Monstre ennemi qui pèse sur la masse des producteurs et monopolise un produit qui non seulement concerne tout le monde, mais qui est aussi est le fruit de toute l’activité de l’espèce au cours des millénaires, la Science et la Technologie élaborées et déposées dans le Cerveau Social. Aujourd’hui où la Forme capitaliste glisse sur la pente de la dégénérescence, ce Monstre tue la Science elle-même, en fait mauvais usage, en gère l’usufruit de façon criminelle en dilapidant l’héritage des générations à venir.

Dans ces pages de Marx, le phénomène actuel de l’Automation, est prévu et théorisé pour le lointain avenir. Ce que nous nous permettrons d’appeler le Roman du travail objectivé, a pour épilogue sa palingénésie, où le Monstre devient une Force bénéfique pour toute l’humanité, lui permettant de ne plus extorquer de plus-value inutile, mais de réduire au minimum le travail nécessaire pour «favoriser la formation artistique, scientifique, etc., des individus» désormais élevés au niveau de l’Individu Social.

Nous allons extraire encore une autre formulation, tout aussi authentique, des matériaux classiques, encore plus valables et évidents qu’à l’époque où ils sont nés. Une fois que la révolution aura mis fin à la dilapidation de la Science, œuvre du Cerveau Social, qu’elle aura réduit le temps de travail à un minimum le transformant en pur plaisir, qu’elle aura élevé à une forme humaine le Capital fixe, monstre d’aujourd’hui; c’est-à-dire après qu’aura été supprimé et non conquis le Capital, cette forme historique transitoire, alors l’industrie se comportera comme la terre, quand le sol comme les installations seront libérés de toute propriété, quelle qu’elle soit.

Supprimer le monopole d’une bande d’oisifs sur les installations productives serait une conquête bien misérable, une phrase creuse et toute faite, dans la mesure où les bourgeois furent au début une classe d’audacieux porteurs du Cerveau Social et de la Praxis sociale la plus avancée. Lorsqu’elle sera organisée sur un mode supérieur – le communisme international – la société ne disposera pas des installations productives en tant que propriété ou capital, mais elles aussi comme usufruit, sauvegardant à chaque pas contre les nécessités physique de la Nature, désormais seul adversaire, l’avenir de l’Espèce.

Quand, dans l’agriculture comme dans l’industrie, auront disparu la propriété et le capital, une autre phrase toute faite qui était une concession à la tâche ardue de la propagande traditionnelle, à savoir «la propriété personnelle des produits de consommation» sera jetée dans les ombres du passé. En effet toute la palingénésie révolutionnaire s’effondrerait si tout objet ne perdait pas le caractère de marchandise et si le travail ne cessait pas d’être la mesure de la «valeur d’échange», autre forme qui, en même temps que la mesure monétaire, devra périr avec le mode capitaliste.

Nous avions cité textuellement:

«Lorsque le travail aura cessé d’être, sous sa forme immédiate, la grande source de la richesse, le temps de travail devra cesser d’être la mesure de celle-ci. Et cela vaut également pour la valeur d’échange en tant que mesure de la valeur d’usage». Prenant en pitié la médiocrité de Staline et des Russes qui le suivaient pour avoir affirmé que la loi de la valeur subsistait dans le socialisme (!), nous avions conclu: que les foudres du Jugement Dernier s’abattent sur eux!

Le malheureux qui ingurgite de l’alcool en disant il est à moi, je l’ai acheté avec l’argent de mon salaire (privé ou d’Etat) est, lui aussi, une victime de la forme capitaliste, en tant qu’il est un mauvais usufruitier de la santé de l’espèce. Et même chose pour l’insensé fumeur de cigarettes! Une telle «propriété» sera éliminée de l’organisation de la société supérieure.

L’avilissement de l’esclave salarié s’exaspère au cours des crises et du chômage. Voilà ce qu’écrivait Engels à Marx le 7 décembre 1857:

«La crise pousse ici les philistins à boire terriblement. Personne ne peut supporter son fardeau à la maison, dans sa famille. Les clubs s’animent et la consommation d’alcool s’accroît considérablement. Plus profondément ils se trouvent dans les ennuis, plus ils veulent s’en évader. Mais le lendemain offre le spectacle lamentable de loques physiques et morales» 1857 ou 1957?

On ne consommera donc plus en tant qu’homme-brute, au nom de l’infâme propriété sur l’objet échangé; l’usage, la consommation se feront selon l’exigence supérieure de l’homme social, continuateur de l’espèce et non plus comme c’est aujourd’hui la règle, sous l’action de drogues.

 

Mort de l’individualisme

 

Le parti de classe prolétarien ne peut pas se diriger selon l’orientation révolutionnaire correcte si son matériel d’agitation n’est pas totalement conforme aux bases stables et invariables de la théorie.

Les questions de l’action quotidienne et du programme pour le futur ne sont que les deux aspects dialectiques du même problème, comme l’ont prouvé tant d’interventions de Marx jusqu’à la fin de sa vie, et d’Engels et de Lénine (Thèses d’avril, Comité Central d’octobre!).

Ces hommes n’ont ni improvisé, ni fait des révélations, mais ils ont toujours fidèlement suivi la boussole de notre action qu’il est si facile de perdre.

Elle indique clairement d’où vient le danger et nos problèmes sont correctement posés quand on va à l’inverse des orientations générales fausses. Les formules et les termes peuvent être falsifiés par des traîtres et des incapables, mais leur usage est toujours une boussole sûre quand il est fait de manière continue et cohérente.

Dans le domaine philosophique et historique, notre ennemi est l’individualisme, le personnalisme. Dans le domaine politique, c’est l’électoralisme démocratique, dans n’importe quel camp. Dans le domaine économique, c’est le mercantilisme.

Tout changement de cap, en vue d’un avantage apparent, vers ces orientations insidieuses, équivaut à sacrifier l’avenir du parti au succès d’un jour; cela revient à capituler sans condition devant le Monstre de la contre-révolution.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

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