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Prises de position - Prese di posizione - Toma de posición - Statements                        


 

L’Amérique de Trump montre ses muscles

 

 

Le désordre mondial apparu depuis l’écroulement de l’empire russe en 1989-1991 et la série de guerres locales qui ont suivi et que les diverses puissances impérialistes ont cherché à mettre à profit pour défendre au mieux leurs intérêts, est maintenant  l’état normal de l’impérialisme.

Les contradictions de la société bourgeoise sur tous les plans, économique, politique, social, financier, culturel et naturellement militaire, explosent à  des intervalles de plus en plus rapprochés, dans le temps comme dans l’espace. L’impérialisme, c’est-à-dire la politique de rapine et de brigandage que mènent tous les pays capitalistes les plus développés pour s’accaparer ou contrôler des parts de marché et des « territoires économiques », ne peut pas résoudre ces contradictions ; elle ne peut au contraire que les pousser jusqu’au niveau d’un affrontement mondial entre les puissances qui ont divisé la planète en zones d’influence et de colonisation. Les deux guerres mondiales en ont fait la démonstration : elles ont été utilisées par les puissances impérialistes pour se repartager le monde mais en même temps ce nouvel ordre établi par la victoire militaire portait en lui les germes d’un futur désordre mondial. La bourgeoisie d’un pays lutte en permanence contre les bourgeoisies concurrentes des autres pays ; plus l’économie capitaliste se développe, plus la bourgeoisie qui en personnifie les intérêts et  en tire tous les bénéfices et les privilèges sociaux, économiques et politiques, devient avide et insatiable. La concurrence économique et financière sur le marché mondial à un certain degré élève inévitablement le niveau de l’affrontement ; les concurrents les plus puissants, les mieux organisés, les plus agressifs tendent à se tailler des parts ce marché et des zones d’influence. Cependant le développement du capitalisme et de ses contradiction fait que d’autres acteurs finissent par devenir des concurrents, même plus petits en termes de force économique et financière, mais importants du point de vue stratégique grâce à leurs ressources naturelles, leur position géographique ou leur activité politique et militaire dans leur région.

De la moitié du dix-neuvième siècle jusqu’au début du vingtième, le  cadre international était caractérisé par le partage du monde entre les puissances coloniales européennes, parmi les quelles dominait la Grande-Bretagne. Cette situation a complètement changé après la première et surtout la deuxième guerre mondiale. Les vieilles puissances coloniales en déclin ont laissé la place à de nouvelles puissances impérialistes : les Etats Unis et la Russie, grands vainqueurs de la deuxième guerre mondiale se sont partagés le monde en grandes zones d’influence : l’accident euro-américain (dont dépendaient l’Europe occidentale, le continent africain, l’Amérique latine, le Moyen-Orient et une partie importante de l’Extrême-Orient d’un côté, et de l’autre l’Orient euro-russe (dont faisaient partie l’Europe de l’Est, la Chine et une partie de l’Indochine) où persistait  la place des anciens pays colonialistes, principalement la Grande-Bretagne et la France. Les frontières de certaines régions du monde ont été historiquement délimitées par l’action de ces puissances coloniales dans le seul but de satisfaire leurs intérêts.

A partir de la grande crise capitaliste de 1973-75, qui ne déboucha pas sur une troisième guerre mondiale en raison d’une série de facteurs économiques et politico-militaires qui repoussèrent dans le temps sa maturation, la situation internationale fut davantage marquée par les points faibles des grandes puissances impérialistes que par leurs points forts. Du côté américain :  la défaite au Vietnam, la série interminable des guerres de libération nationale en Afrique et Extrême Orient, les pays du Moyen-Orient (d’importance stratégique notamment pour le pétrole) constamment secoués par des guerres locales et intestines, une Allemagne et un Japon devenant  de redoutables concurrents économiques tout en constituant des marchés vitaux pour les marchandises des Etats-Unis ; du côté russe, un développement capitaliste qui avait encore besoin d’une exploitation monopoliste de ses satellites et qui ne poussait nullement à  un affrontement militaire avec ces derniers ; l’« équilibre de la terreur » qui sanctionnait le partage du monde étant aussi garant du statu quo. Démonstration que toutes les crises internationales, même graves (comme la Corée en 1950 ou l’Irak en 1991), ne débouchent pas sur un conflit mondial ; mais toute crise, régionale ou mondiale, accumule des facteurs d’affrontement toujours plus graves et insolubles sinon par la force militaire ouverte.

Après  cette période dite de l’équilibre de la terreur, où pendant  des décennies le monde fut  en quelque sorte sous condominium russo-américain, nous sommes entrés dans une nouvelle ère où aucune puissance impérialiste n’est capable de dicter l’agenda mondial des rapports entre Etats capitalistes. C’est un des motifs pour lesquels les puissances impérialistes tendent à camoufler leurs intérêts derrière les intérêts locaux de tel ou tel pays – ce qui ne les empêche pas d’intervenir directement, comme en Libye, quand cela ne risque pas de déboucher sur une guerre inter-impérialiste.

Et c’est  ce qui depuis plus de 5 ans se passe en Syrie, pays qui aurait dû voir la chute de Bachar El Assad sous les pressions diplomatiques, économiques et militaires des Etats-Unis – ce qui n’a pas eu lieu.

Durant ces cinq années la population syrienne a subi des violences, des brutalités et des exactions de tout type de la part de toutes les forces belligérantes : de l’armée régulière, des diverses milices rebelles dont Daech, des bombardements des Russes, des Turcs des Américains et de tous leurs alliés. Il n’y a aucun doute que le régime d’Assad a utilisé la violence la plus brutale contre son propre peuple, mais toutes les autres  forces militaires agissant sur le terrain ont fait de même.

La Syrie, beaucoup plus que la Libye est un pays stratégique pour les puissances impérialistes du fait de ses bases aériennes et portuaires qui donnent des possibilités d’action sur toute l’aire méditerranéenne et moyen-orientale ; pour les puissances européennes et en premier lieu la France qui a une vieille tradition de sanglante domination impérialiste dans ce pays et dans la région ; pour les Etats-Unis qui ne peuvent accepter de voir la Russie reprendre le contrôle de ce pays ; pour l’Iran, nouvelle puissance régionale, qui a trouvé un appui dans la Russie de Poutine, qui ne peut accepter que l’Arabie Saoudite et Israël s’implantent dans le seul pays arabe qui est son allié (en s’appuyant y compris sur l’affinité religieuse) ; pour la Turquie enfin qui ne peut rester à l’écart de l’empoignade.

L’attaque chimique (on parle de gaz sarin) le 4 avril par l’aviation du régime sur les habitants de Kan Cheikoun  , un village contrôlé par les rebelles à une cinquantaine de km de la ville de Idlib (région  de Homs), qui a fait plus de 80 morts a été le prétexte utilisé par Trump pour tirer des missiles depuis les porte-avions américains présents dans la zone : 159 missiles de croisière Tomahawk ont été lancés contre la base aérienne de Chayrat d’où était partie l’attaque (seuls 23 auraient atteint leur cible). Les dégâts ont été peu importants  et dès le lendemain l’aviation syrienne reprenait ses attaques à partir de cette base. La « sérieuse riposte » américaine qui, a été déclenchée, selon ce qu’ a déclaré hypocritement  Tump, parce que « Assad a arraché la vie à des hommes, femmes et enfants sans défense. (…). Même de magnifiques bébés ont été cruellement assassinés. Aucun enfant de Dieu ne devrait subir de telles horreurs », n’a eu qu’un effet de propagande étant donné que la base avait été préventivement évacuée, les Américains ayant prévenu les Russes,  sachant bien que ceux-ci préviendraient les Syriens…

Face aux innombrables massacres  subis par la population syrienne, à quoi sert ce bombardement ? Trump a-t-il voulu faire comprendre  au président chinois Xi Jinping participant ce même jour à une réunion avec lui, que l’Amérique « ne plaisante pas »  en l’avertissant à propos de la Corée du Nord ? A-t-il voulu intimider la Russie, premier soutien du régime syrien  et la dissuader de bombarder les rebelles soutenus par les Etats-Unis ? A-t-il voulu lancer un avertissement à la Turquie qui cherche à se rapprocher de la Russie, en lui rappelant  qu’elle est membre de l’OTAN et ne doit pas jouer un double jeu ? A-t-il voulu indiquer à ses propres militaires que les porte-avions américains en Méditerranée ne sont pas là seulement pour regarder mais pour frapper ? A-t-il voulu indiquer à ses électeurs que le nouveau président ne s’intéresse pas seulement aux mines de charbon et à la réforme de la santé d’Obama ?

Probablement tout cela en même temps, même s’i l est évident pour toutes les chancelleries du monde que les Etats-Unis n’arrivent pas à sortir de l’impasse où ils se trouvent en Syrie (et pas seulement là, étant donné la situation en Irak et en Libye) et que Trump n’a pas d’autre  politique que celle suivie par d’Obama,  qui lui est dictée, à chaque fois, par les divers lobbys dominants.

Qui qu’il en soit, il n’y a pas de doute que si les Etats-Unis montrent leurs muscles, c’est évidemment pour défendre leurs intérêts nationaux !

La Syrie est devenue un lieu où les plus grandes puissances impérialistes comme les puissances capitalistes régionales, jouent leur propre partie avec l’objectif de s’emparer  d’une partie du butin constitué par son territoire (et, à l’occasion, de mettre aussi la main sur une partie de l’Irak – déjà divisé suivant des lignes confessionnelles et où interviennent contre Daech, avec des objectifs différents, occidentaux, Iraniens et Turcs). Russes, Iraniens et Turcs sont entrés en négociation pour arriver un accord pour se partager des « zones d’influence » en Syrie, et les Américains tentent de mettre un frein à cette initiative pour ne pas être écarté du partage du gâteau…

Si les masses syriennes n’ont rien de bon à attendre du sanglant régime de Bachar El Assad et de ses alliés russes et iraniens, elles n’ont rien non plus à espérer de la coalition américaine et des milices rebelles soutenues par elle, ni des milices de l’ « Etat Islamique ». Dans cette guerre elles sont les victimes sacrificielles, massacrées dans leur pays  et maltraitées dans l’émigration. Elles ne peuvent malheureusement pas compter  sur un mouvement ouvrier organisé et capable de mener une lutte, même  élémentaire, indépendamment et contre tous les belligérants,  parce que depuis des années elles ont été orientées, notamment par les forces issues du stalinisme, vers le nationalisme et le confessionnalisme et que leur révolte spontanée n’a pu aller au-delà de simples aspirations démocratiques.

Ce qui pourrait donner aux prolétaires syriens un espoir pour l’avenir serait la rencontre dans l’émigration avec des prolétaires orientés sur des positions révolutionnaires de classe, solidement liés aux traditions, non de la résistance antifasciste, intégralement interclassiste et bourgeoise, mais des luttes de classe des prolétaires russes, serbes, allemands, italiens…, qui pendant et après la première guerre mondiale entrèrent en lutte contre tous les brigands impérialistes et pour la révolution socialiste, anticapitaliste et antibourgeoise.

 

 

Parti Communiste International

10 avril 2017

www.pcint.org

 

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