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Algérie : les manifestations de masse peuvent ébranler le clan Bouteflika. 

Mais pour renverser le capitalisme, il faudra l’entrée en lutte du prolétariat avec le programme historique du communisme révolutionnaire !

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Depuis une dizaine de jours l’Algérie est le théâtre de manifestations de masse d’une ampleur inégalée. Vendredi premier mars, c’est, selon des estimations de source policière (1), près de 800 000 personnes qui ont ainsi manifesté à Alger et des dizaines de milliers dans d’autres villes. Les manifestants protestent contre la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel.

Les marxistes ont l’habitude de dénoncer les élections comme étant une « farce » : ce ne sont pas en effet les  bulletins de vote qui déterminent la politique suivie par l’Etat bourgeois, mais, quel que soit la couleur politique de ceux qui sont élus, les intérêts de la classe dirigeante ou de l’une ou l’autre de ses fractions. Les prolétaires et les masses exploitées ne doivent donc accorder aucune confiance au système électoral de la démocratie bourgeoise qui n’est qu’un moyen de les duper comme disait Marx : contre les capitalistes et leur Etat ils ne peuvent compter que sur leur lutte indépendante de classe. Lénine expliquait que la plus démocratique des républiques bourgeoises  n’est qu’une forme de la dictature de la bourgeoisie. La fonction des élections est de voiler cette  dictature de la bourgeoisie et de détourner les prolétaires de la lutte révolutionnaire contre elle en leur faisant miroiter la possibilité sans risque ni effort d’élire des politiciens qui leur sont favorables. 

Mais pour que les élections, et avec elle tous les mécanismes de la démocratie bourgeoise, puissent remplir efficacement leur fonction de défense de l’ordre bourgeois, un minimum de crédibilité leur est nécessaire. Or la candidature de Bouteflika ruine toute crédibilité : impotent et incapable de parler, il n’est aux yeux de tous qu’une potiche, une momie, un « cadre », qui démontre au grand jour l’imposture de la farce électorale et le mépris sidéral dans lequel les dirigeants bourgeois tiennent la population. Au point qu’ils n’avaient pas envisagé que les masses appelées à participer à cette grotesque mascarade puissent se rebiffer !

Habitués à régenter le pays comme bon leur semble, à siphonner ses ressources, à s’enrichir de trafics les plus divers et à exploiter ses prolétaires sans que rien ne vienne troubler leur domination, confiants dans leurs forces de répression et leur appareil militaire pour mater toute velléité de révolte, et dans leurs valets politiques et syndicaux (2) pour étouffer toute contestation, ils se retrouvent soudain face à des masses énormes qui descendent dans la rue – alors que les manifestations sont interdites à Alger depuis des années ! –et appellent à la fin du régime !

L’ampleur même de ces manifestations empêche le recours à la répression (2), qui est pourtant la règle lorsque les manifestants sont peu nombreux : ce serait en effet mettre le feu aux poudres.

Les politiciens et les analystes politiques bourgeois sont perplexes : qu’est-ce qui a mis en mouvement les masses ? Pour eux la situation sociale dramatique que connaissent les prolétaires et les masses laborieuses n’entre pas en ligne de compte. Pourtant des institutions économiques internationales écrivaient il y a déjà depuis plusieurs mois que «ce que le gouvernement algérien craint le plus c’est la montée des contestations sociales qui étaient apparues en 2018, en réaction à l’incapacité du gouvernement  à assurer des services de base tels que l’eau potable, l’assainissement et les soins dans les établissements publics» (4).

Les conditions de vie des prolétaires sont en effet précaires, les salaires sont bas (de 220 à 174 euros mensuels pour les ouvriers en moyenne selon les secteurs d’après une enquête officielle de l’ONS) (5), la crise du logement sévit toujours, le taux de chômage, en hausse, est  estimé à plus de 17% et l’inflation est galopante (en dépit  des chiffres officiels qui peignent la réalité en rose), etc.

Cela signifie qu’au-delà de la question des élections et de la personne de Bouteflika, ce sont  bien les mauvaises conditions de vie des masses, la pauvreté, la misère et l’exploitation, qui expliquent leur mobilisation «inattendue » face à la morgue imperturbable des dirigeants bourgeois.

Contre cette situation qui est la conséquence du capitalisme, il n’existe en réalité pas d’autre moyen de réagir que de lutter contre l’exploitation capitaliste. Un ravalement de façade du système, la venue au pouvoir d’une autre équipe de politiciens bourgeois à la place du clan présidentiel  laisserait inchangées l’exploitation des prolétaires et la misère des masses. La « démocratisation » du régime, peut-être au moyen d’une Assemblé constituante,  peut bien faire rêver les petits bourgeois, ce ne serait pour les travailleurs qu’une illusion supplémentaire.

Les prolétaires ne peuvent compter vraiment que sur leurs propres forces ; ils doivent éviter de se laisser griser par le climat actuel de concorde interclassiste. Si la puissance des mobilisations en cours est évidemment un facteur extrêmement positif pour les confrontations à venir, le flou complet des objectifs au-delà de l’opposition au cinquième mandat, laisse la porte grande ouverte aux forces bourgeoises et petites bourgeoises pour détourner à leur profit le mécontentement des masses.

Que Bouteflika reste « provisoirement », comme le dit son message du 3 mars, le clan présidentiel ayant choisi de ne pas reculer, ou qu’il soit remplacé par un autre politicien bourgeois, il est inévitable que de durs combats attendent les prolétaires : le capitalisme algérien et étranger vit de son exploitation. D’ores et déjà certains entrent en lutte pour des revendications immédiates sur leurs bases de classe comme les travailleurs du complexe textile turco-algérien de Relizane actuellement en grève illimitée, ou les enseignants il y a quelques mois.

Mais ce sera pour les objectifs de classe généraux, sur la base du programme historique du communisme et en union avec leurs frères de classe des pays du Maghreb et du monde, qu’ils devront s’organiser en parti de classe et mener la lutte contre le capitalisme. Ils pourront alors attirer dans ce combat au moins certains éléments des couches moyennes au lieu d’être manipulés et entraînés par elles, au nom de la démocratie et de la nation, dans une union interclassiste où ils ont tout à perdre.

A bas le capitalisme, ses serviteurs de tout bord et  l’Etat bourgeois !

Vive la lutte de classe et la solidarité prolétarienne par delà les frontières !

Vive la révolution communiste internationale ! 

 


 

(1) Selon TSA, le 1/3/19

(2) Sidi Saïd, Secrétaire Général de l’UGTA (ancien syndicat unique), a menacé le 14/2 de punir les syndicalistes qui ne soutiendraient pas Bouteflika ! Le premier février il avait signé officiellement à Batna avec les organisations patronales une déclaration de soutien au cinquième mandat… Mais l’échec cinglant du rassemblement du 24/2 devant le siège du syndicat montre que l’enthousiasme des bureaucrates pour Bouteflika ne semble guère partagé par les travailleurs.

(3) Il y a quand même eu un mort dans les manifs du 1/3, semble-t-il lors d’une bousculade provoquée par les tirs de lacrymogènes. A noter que les flics algériens sont beaucoup moins armés que leurs homologues français !

(4) Rapport du « Carnegie Endowment for international peace ». Il s’agit d’une fondation impérialiste américaine dont l’objectif est la promotion des intérêts des Etats Unis dans le monde. Cf  aawsat.com, 12/1/19

(5) Cf Algerie Part, « Combien gagnent les Algériens ? », 9/12/2017

 

 

Parti Communiste International

3 mars 2019

www.pcint.org

 

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