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Prises de position - Prese di posizione - Toma de posición - Statements                


 

Luttes  des masses prolétariennes en Colombie:

Pour une orientation et une organisation de classe!

 

 

Depuis une semaine la Colombie est à son tour le théâtre de grands mouvements de lutte contre l’austérité capitaliste infligée par  le gouvernement.

Quinze mois après l’élection du président Duque, le mécontentement social contre le gouvernement s’est généralisé surtout en raison de la précarité dont souffrent les grandes masses; il n’est donc pas étonnant que selon les sondages d’opinion il enregistre un taux de 69% d’opinion défavorables.

Pourtant l’économie du pays aurait connu un taux de croissance de 3,3% en rythme annuel au dernier trimestre. Malgré cela le chômage ne baisse pas et il atteint officiellement les 10,2%. Mais il faut ajouter que la Colombie a un bataillon de 12 millions d’ « emplois informels » où les travailleurs ne jouissent d’aucune protection sociale ni de contrat de travail. 40% des travailleurs touchent moins que le salaire minimum et à moins qu’ils ne le fassent à leur propre compte, ils n’ont aucune possibilité de toucher une pension de vieillesse: sur 8 millions de salariés seuls 3 millions ont droit à une retraite. « Travail décent et pensions dignes !» était un des thèmes centraux des mobilisations et de la grève générale. Cette situation sociale se vit au milieu d’un climat de terrorisme d’Etat qui s’exprime dans le massacre d’indigènes, la répression des militants syndicaux et de quartiers – allant jusqu’à l’assassinat d’une candidate aux élections municipales. C’est une situation habituelle dans ce pays andin qui ne réussit toujours pas à surmonter les profondes blessures laissée par la guerre civile. La tension a augmenté encore récemment après le bombardement d’une supposée zone de guérilla, tuant 8 enfants que les militaires ont présentés comme des guérilleros. Il faut souligner que parmi les revendications des organisateurs de la grève générale, se trouve celle de mise en pratique de l’accord de paix avec les FARC passé par le gouvernement précédent.

Le gouvernement préparait un ensemble de mesures anti-ouvrières demandées par les capitalistes : diminution des pensions de retraites, salaire minimum pour les jeunes baissé de 25%, fin du salaire minimum national, fin des contrats de travail, diminution des impôts pour les grandes entreprises, privatisations, etc. C’est particulièrement contre ce « paquetazo » que les syndicats avaient annoncé une grève nationale, la deuxième en quelques mois (la précédente ayant eu lieu le 25 avril) et des manifestations dans tout le pays.

Exprimant les craintes bourgeoises devant cette grève, le journal La Semana écrivait le 16/11: « Après avoir vu à la télévision comment les foules dans divers pays sont descendues dans la rue pour exprimer leur indignation, c’est maintenant au tour de la Colombie. Après les “Gilets Jaune” en France et les libertaires à Hong Kong, l’explosion sociale est arrivée en Amérique Latine. En Equateur à cause des mesures drastiques du FMI et en Bolivie à cause des accusations de fraude électorale qui ont fini par la démission d’Evo Morales Mais la mobilisation qui a le plus impressionné, en raison de sa nature massive, agressive et continue, a été celle du Chili, considéré jusqu’ici comme un pays modèle, où ce qui se profile est un référendum pour changer la constitution. Devant ce panorama beaucoup de Colombiens [bourgeois-Ndr] ont la chair de poule ».

Le Comité National de Grève, qui réunit autour de la CUT (Centrale Unitaire des Travailleurs) différents syndicats catégoriels, organisations étudiantes, féminines et autres organisations sociales, a pourtant fait tout ce qu’il pouvait pour rassurer les bourgeois : la grève était limitée dans le temps et la demande essentielle était l’ouverture de négociations avec les autorités sur le paquetazo

La grève générale commença le jeudi 21 novembre sans beaucoup de troubles ni de violences, bien qu’on ait dénombré dans le pays 3 morts et plus de 250 blessés. Les organisateurs avaient annoncé qu’il y aurait 3 millions de manifestants ; si ce chiffre ne fut sans doute pas atteint, les manifestations furent gigantesques : le ministre de l’intérieu55r a annoncé le chiffre de 400 000 manifestants dans tout le pays, alors que par exemple dans la seule ville de Cali (la troisième de Colombie), le nombre de manifestants dépassa le chiffre de 450 000 selon des calculs de source indépendante. Ces énormes manifestations (citons aussi, en plus de la capitale, la plus importante depuis des décennies, des villes comme Medellin, Barranquilla, etc.) ont été le résultat de la mobilisation de larges secteurs de la société, les plus importants étant bien sûr les travailleurs de l’Education, les ouvriers et les petits paysans : les organisations paysannes indigènes protestent notamment contre l’assassinat de134 de leurs militants par des hommes de main des grands propriétaires depuis l’arrivée au pouvoir de Duque. A l’appel à la grève s’étaient joints les défenseurs des accords de paix aves les ex-guérilleros des FARC.

Le calme relatif du premier jour fut assuré en bonne partie par les mesures préventives du gouvernement ; il prit une série de mesures comme la fermeture des frontières avec le Venezuela, le Brésil, l’Equateur et le Pérou, l’arrestation de certains dirigeants, journalistes et même artistes parmi les plus radicaux qui avaient appelé à la grève ; il mit aussi les Forces Armées en état d’alerte maximale.

Toutefois le deuxième jour la situation devint plus tendue et les affrontements avec la police plus violents. Les pillages de magasins, barricades, incendies se multiplièrent dans la capitale Bogota où 75 stations de métro et 79 bus furent attaqués. Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un gouvernement aussi répressif que les précédents, Duque décréta le couvre-feu à Bogota (la première fois depuis les années soixante-dix) et déploya l’armée dans la rue. Cette démonstration de force s’accompagna bien entendu d’un appel au dialogue…

Mais des manifestants violèrent le décret de couvre-feu par de nouvelles manifestations et des concerts de casseroles  (les « cacerolazos»,  pour la première fois en Colombie). Les dirigeants syndicaux qui avaient déjà condamné les actes de violence lors des manifestations de Bogota, se désolidarisèrent aussi de ces manifestations spontanées.

Cependant la poursuite de l’agitation et l’amplification de la colère après la mort le 25 novembre d’un jeune manifestant, ont obligé le Comité de grève à convoquer une nouvelle grève générale le 27 pour essayer de récupérer le contrôle du mouvement.

Si à Bogota l’armée et la police empêchèrent la fermeture des magasins, la grève semble avoir été largement suivie et les manifestations ont été encore massives, rassemblant des centaines de milliers de personnes une semaine après le déclenchement de l’agitation.

Le gouvernement a tenté de répondre à cette mobilisation un peu comme Macron en France face aux Gilets Jaunes : il a annoncé l’ouverture de « conversations » pendant 4 mois dans tout le pays où la population serait censée s’exprimer, par l’intermédiaire des élus et des organisations de la société civile – initiative soutenue officiellement par l’administration américaine. Les bourgeois connaissent bien la valeur pacificatrice de l’opium démocratique (dans l’article cité plus haut La Semana, en parlant des récentes élections municipales et régionales, écrivait que «la démocratie a mis en action ses soupapes de sûreté qui, sans doute permettront de calmer la colère » ). Mais cette annonce d’une « conversation » ne peut calmer la colère des masses qui se sont mobilisées pour obtenir satisfaction de leurs revendications élémentaires.

De son côté le Comité national de grève a ajouté, entre autres, à sa liste de revendications, la dissolution de l’ESMAD (force anti-émeutes) et l’épuration de la police. Comme si l’Etat colombien, particulièrement répressif et brutal, était tranquillement prêt à adoucir ses méthodes de maintien de l’ordre ! Surtout que selon une déclaration de Fonseca, un dirigeant de la CUT, la journée de grève avait seulement comme but de « demander au gouvernement qu’il négocie le 'paquetazo' » : l’objectif est seulement la négociation ! Au lieu d’opposer la force à la force, de répondre à l’obstination gouvernementale par le durcissement du mouvement, le Comité national de grève multiplie les déclarations légalistes et pacifistes Pour éviter que la grève ne prenne un caractère illimité (comme l’ont décidé les étudiants de certaines universités), tout en appelant le gouvernement à la négociation « dans un esprit patriotique et démocratique », il a annoncé une nouvelle journée de grève pour le 4 décembre : tactique classique du collaborationnisme syndical pour casser un mouvement de lutte en plein essor…

Comme dans le Chili voisin où les appareils syndicaux ont appelé à la grève générale le 12 novembre, non pas pour la défense des intérêts prolétariens mais pour l’objectif réformiste de l’établissement d’une nouvelle constitution à travers un assemblée constituante, les organisations collaborationnistes en Colombie trahissent la lutte des masses prolétariennes qu’elles prétendent diriger.

En Colombie comme au Chili, comme dans toute l’Amérique Latine et dans le monde entier, la crise du capitalisme pousse les prolétaires à la lutte.

Pour avoir une chance de victoire, ils devront d’abord rompre avec tous les faux amis qui les détournent de la lutte de classe en leur proposant de mensongères alternatives démocratiques. Contre ces partis et syndicats qui sont en réalité des défenseurs de l’ordre bourgeois, les prolétaires devront retrouver les armes de la lutte indépendante de classe et se doter de leur organisation politique de classe – le parti révolutionnaire communiste, internationaliste et international. Cela ne pourra se faire du jour au lendemain, mais c’est la voie qu’indiquent objectivement les affrontements actuels.

Classe contre classe ! Le capitalisme ne se réforme pas, il se combat, avant d’avoir la force de pouvoir l’abattre. Dans ce combat, les prolétaires n’ont à perdre que leurs chaînes, ils ont un monde à gagner !

 

 

Parti Communiste International

29 novembre 2019

www.pcint.org

 

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