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Espagne

Crise du coronavirus

Les bourgeois appellent à l’unité nationale

Les prolétaires payent la facture

 

 

Cinq semaines après le décret de l’ « état d’alarme » du gouvernement PSOE-Podemos, les prolétaires peuvent tirer une leçon évidente sur le cours de la « lutte contre la pandémie »: toutes les mesures prises, depuis l’enfermement de toute la population jusqu’à la reprise de la production sans mesures de sécurité pour les travailleurs, en passant par la pression policière et militaire dans la rue, visent à les forcer à accepter sans discuter les exigences de la classe bourgeoise.

Dans un premier temps, alors que les données fournies par le système de santé indiquaient que les infections augmentaient en Espagne beaucoup plus vite que prévu, les mesures préventives ont été systématiquement refusées aux prolétaires sur leur lieu de travail. Dans toutes les entreprises, petites, moyennes ou grandes, les patrons ont systématiquement refusé d’appliquer des mesures prophylactiques minimales, allant à l’encontre des indications des médecins eux-mêmes. À cette époque, le gouvernement répétait encore et encore que le coronavirus n’était qu’une « forte grippe », autrement dit, il n’était pas nécessaire de prendre des mesures spéciales. Lorsque, au bout de quelques jours, la réalité a montré une contagion massive causée surtout par les déplacements vers le lieu de travail, par l’utilisation des transports publics, etc., la réponse du gouvernement et des employeurs a consisté à nier qu’il soit nécessaire de fournir un équipement de protection individuelle aux travailleurs: la bourgeoisie cherche toujours à diminuer les coûts, que ce soit le salaire ou les soins de santé, et elle le fait toujours au prix de la santé et même de la vie des prolétaires.

Dans un second temps, quand la propagation de la contagion montrait qu’il était impossible de contenir le virus, la réponse du gouvernement et des employeurs a été de tout faire pour que l’activité économique du pays ne soit pas paralysée. Les entreprises ont été invitées à faciliter le « télétravail », une mesure qui ne pouvait pratiquement concerner que les cadres moyens des entreprises et non les ouvriers qui devaient se présenter au travail. Un système d’« activités essentielles »  a été conçu, parmi lesquelles, à l’exception de celles liées aux petites entreprises, se trouvaient toutes celles qui regroupaient un nombre importants de prolétaires: automobile, métallurgie, construction, services de nettoyage, alimentation ... jusqu’aux livreurs  de nourriture  à domicile!  Alors que le confinement était imposé à la population par l’état d’alarme, les travailleurs étaient obligés de retourner au travail, autrement dit, en même temps que la police et l’armée occupaient la rue, le travail obligatoire était imposé.

Puis ... ce fut la fermeture « totale » de l’économie nationale. Toute l’industrie, la construction et le commerce ont dû s’arrêter pendant deux semaines pour éviter l’effondrement des unités de soins intensifs du système de santé. Une mesure tardive, qui a été payée de centaines de morts ... avant d’être abrogée quinze jours plus tard sans que l’épidémie ne se soit apaisée!

Entre-temps, plus de trois millions de prolétaires ont été contraints de subir les ERTE (système de chômage technique) qui impliquent une réduction à 75% du salaire et qui peuvent être transformés en licenciements définitifs après six mois, après une modification de la loi par le ministère du Travail occupé par Podemos (parti dit de « gauche radicale »). En outre des centaines de milliers de licenciements ont eu lieu dans les premiers jours de l’état d’alerte, des non-renouvellements de contrats, etc. En conséquence, selon les économistes bourgeois eux-mêmes, le chômage pourrait atteindre 20% de la population active dans les mois à venir, une situation sans précédent

D’un autre côté, alors que la bourgeoisie a imposé ces mesures pour protéger ses entreprises, l’État a imposé un état d’alarme très sévère qui implique que la population qui ne doit pas travailler, ne peut pas quitter son domicile sinon pour satisfaire les besoins les plus élémentaires. En vertu de cet état d’alarme, que certains juristes ont jugé anti constitutionnel, un contrôle policier absolu a été imposé dans les rues au point qu’à la mi-avril, plus d’un demi-million d’amendes avaient été infligées pour infraction au  confinement… « infraction » qui peut consister simplement à sortir deux fois par jour pour faire ses achats, ou répondre mal à un policier quand il demande des papiers. Selon ces chiffres, près de 2% de la population (si l’on excepte les personnes âgées et les enfants) a été sanctionnée d’une manière ou d’une autre au cours des dernières semaines !

La recette appliquée par la bourgeoisie et son gouvernement est claire: pression sur le lieu de travail pour ne pas arrêter l’activité ;  pour les emplois non « essentiels », licenciements et ERTE ; et répression policière aveugle pour imposer une régime de terreur. Une véritable expérience sociale qui, dès la déclaration de la pandémie, a montré toute la force de la bourgeoisie et de son État pour imposer ses exigences à travers une pression continue exercée sur les prolétaires au travail, dans leurs quartiers et même chez eux.

Le but de ces mesures, selon les porte-parole de la bourgeoisie, était d’empêcher l’effondrement du système de santé,  transformant une maladie relativement peu mortelle en catastrophe à cause du manque de moyens nécessaires pour soigner les malades. Une dure leçon sur la nature meurtrière du capitalisme doit également en être tirée: dès que les premiers cas de coronavirus ont été signalés par la Chine en décembre, il était évident que le virus pouvait se propager au reste du monde, étant donné les liens productifs et commerciaux très solides qui relient ce pays à tous ceux pour qui il est un fournisseur ou un client  de premier ordre. Mais aucune mesure préventive n’a été prise. Tous les commandements répétés sans cesse par les médias, comme la «distanciation sociale», l’hygiène au travail et à la maison, etc. auraient pu être effectifs dès janvier de cette année ... mais la crainte d’une réaction défavorable de la population ainsi que l’incapacité de la bourgeoisie à mettre en oeuvre des mesures sanitaires (qui sont toujours vues comme un coût dans leur système productif) ont conduit à la l’extension de la pandémie et à l’impréparation  du système de santé dans tous les pays quand celle-ci  a frappé aux portes.

De plus, ce ne sont pas les mesures préventives prises finalement  qui ont empêché l’effondrement du système de santé : si cet effondrement ne s’est pas produit, c’est parce que de nombreuses personnes infectées ont été contraintes de rester enfermées chez elles sans recevoir l’attention et les soins médicaux nécessaires. Des milliers de personnes présentant des symptômes se sont vu refuser l’entrée dans les hôpitaux, où seuls des patients atteints de pneumonie aigue ont été admis, en ignorant les autres réactions possibles au virus. Et des dizaines de milliers de personnes âgées ont été livrées à elles-mêmes dans les résidences où elles ont été enfermées de force, empêchant les services de santé de s’en charger et entraînant ainsi la mort de milliers d’entre elles. Les mesures de confinement ont en bonne partie répondu à un calcul sur quelle partie des malades on pouvait laisser mourir: «l’aplatissement de la courbe» a été atteint en permettant la mort de la population considérée comme pouvant être sacrifiée.

La bourgeoisie a géré cette crise de la seule manière qu’elle peut le faire, c’est-à-dire en faisant retomber le poids de la future reprise économique sur le dos des prolétaires, permettant la mort de milliers de personnes qu’il n’était pas économique de sauver, forçant les travailleurs eux-mêmes à devenir sources de contagion au travail et chez eux, maltraitant les personnels de santé qui ont été trompés d’abord, méprisés ensuite ; dans le domaine de la propagande elle a également fait la seule chose qu’elle pouvait faire: appeler la classe prolétarienne, c’est-à-dire la majorité de la population, à prendre en charge l’effort nécessaire, à soutenir les mesures anti-prolétariennes qui ont été imposées les unes après les autres, à renoncer à leurs salaires, à renoncer au travail, à mourir de faim dans les régions les plus pauvres du pays ... au nom de la solidarité nationale, de « l’effort commun », de l’unité nationale. La bourgeoisie appelle à applaudir les policiers qu’elle déploie dans les rues pour réprimer la population, à accepter avec résignation la suppression des libertés qui étaient jugées intouchables, à se porter volontaire pour développer des mesures de contrôle technologique ... La lutte contre le coronavirus a été présentée comme une guerre ... et effectivement ce sont précisément des mesures d’état de guerre qui ont été prises contre la population.

La classe prolétarienne doit apprendre cette dure leçon.

La bourgeoisie est incapable de garantir la santé de la population ; elle est non seulement incapable d’empêcher un virus qu’elle a elle-même décrit comme celui d’une grippe, de tuer des milliers de personnes... mais elle  entend aussi résoudre la crise sociale provoquée par cette situation en redoublant la pression qu’elle exerce au quotidien sur les prolétaires. Devant la carence de services médicaux capables de garantir la survie des couches les plus vulnérables de la population, la classe bourgeoise réagit en suspendant les droits constitutionnels, en déployant l’armée dans les rues pour empêcher que la population  sorte de chez elle, et pour que l’activité économique du pays continue aussi normalement que possible.

La réponse que des centaines de prolétaires ont donnée au début de la crise sanitaire, sous la forme d’arrêts spontanés du travail, n’a pas été suffisante pour arrêter l’offensive des patrons et du gouvernement. Cette réponse a été rapidement étouffée par l’action conjointe du patronat et des syndicats, qui ont uni leurs forces pour empêcher sa généralisation. Comme cela s’est produit au Pays basque, où les industriels ont fait appel à la Police Autonome pour arrêter les protestations qui se déroulaient dans leurs usines tandis que l’ensemble des syndicats refusaient de généraliser les grèves qui demandaient la solidarité du reste des prolétaires. Comme cela s’est également produit pour les livreurs qui, en contrevenant à la loi, ont manifesté à Madrid contre la baisse de leurs salaires ; ils ont été réprimés par la police nationale alors que les organisations syndicales restaient passives, faisant la sourde oreille à leurs revendications.

La force des prolétaires, habitués depuis de trop longues décennies à la paix sociale, semble totalement annihilée. Mais pour sortir de la crise actuelle et des crises futures, pour empêcher la classe bourgeoise d’imposer ses exigences toujours et partout en réduisant les conditions de vie au niveau le plus bas possible, les prolétaires devront changer cet état de fait : ils devront à nouveau s’habituer à se battre sans faire confiance à d’autres forces que la leur, il devront retrouver leurs traditions de lutte de classe et affronter l’ennemi à la fois sur le terrain immédiat des revendications économiques et sur le terrain général de la lutte politique.

Ce n’est que de cette façon que le prolétariat peut espérer ne pas toujours payer de sa vie les conséquences de l’infernal mode de production capitaliste.

 

Non à l’état d’alarme!

Vive la lutte des prolétaires qui ont affronté leurs employeurs pour défendre leurs conditions de vie!

Pour le retour à la lutte de classe!

 

 

Parti Communiste International

19 avril 2020

www.pcint.org

 

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