Solidarité de classe avec les prolétaires sans-papiers!

(«le prolétaire»; N° 509; Sept. - Oct. - Nov. 2013)

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L’expulsion de Léonarda, la jeune lycéenne Kosovar, avec toute sa famille, s’est transformée en une affaire politique de premier plan avec l’intervention à la télévision de Hollande. Inquiet devant la mobilisation en traînée de poudre des lycéens contre cette expulsion et celle de Khatchik Katchatryan (lycéen arménien), le président annonçait que Léonarda était autorisé à revenir en France, mais sans ses parents (ni ses frères et soeurs, eux aussi scolarisés en France) et qu’une circulaire allait être publiée pour «sanctuariser l’école», c’est-à-dire interdire l’expulsion dans le cadre scolaire: en clair on attendra que le jeune sorte de l’école pour l’expulser!

Sous Sarkozy les expulsions de jeunes scolarisés avaient pratiquement cessé en raison de l’indignation qu’elles suscitaient (et les lycéens expulsés avaient finalement pu revenir); elles ont repris sous Hollande: le changement, c’est maintenant!

Peut-être pour calmer un peu les bonnes âmes de «gôche», le gouvernement a déclaré que 36.000 personnes avaient été régularisées en 2012 et qu’environ 17.000 personnes avaient profité de la circulaire de novembre 2012, censée assouplir les critères de régularisation. Mais pour démontrer sa «fermeté», Valls affirmait au même moment que le nombre de «retours contraints» (euphémisme policier de gauche pour désigner les expulsions) s’élevait à 13.510 au 31 août dernier, ce qui représentait selon lui une «tendance supérieure à celle constatée entre 2009 et 2011». Plus fort que Sarkozy!

Le RESF (Réseau Education Sans-Frontières), la plus grande association de soutien aux sans-papiers, a publié un communiqué sur l’affaire Léonarda où il fustige le «manque de courage politique» des autorités qui ne veulent pas changer les lois édictées par le gouvernement précédent, qui laissent l’application de la circulaire au bon vouloir des préfets («la famille de Léonarda rentrait presque [sic!] dans les clous de cette circulaire très restrictive»).

Mais qui manque de courage politique? Le RESF reconnaît lui-même que Hollande applique son programme (1), tout en se lamentant que «les électeurs de gauche» et «une partie de l’opinion publique» attendaient autre chose: «quelques gestes forts», une attention «aux situations individuelles des personnes vivant en France depuis des années», c’est-à-dire une manière un peu plus humaine de mener la même politique fondamentale! La circulaire que le RESF juge maintenant «très restrictive», a été rédigée à la suite de consultations du ministère avec la «Plate-forme 12» regroupant un certain nombre de syndicats et d’associations dites de soutien aux sans-papiers: CGT, FSU, UNEF, RESF, MRAP, SOS Racisme, CIMADE, JOC, LDH, Autre Monde, Femmes Egalité, Collectif 31– il n’était évidemment pas envisageable de demander à des organisations de travailleurs sans-papiers de participer à des réunions où l’on discutait de leur sort! (2). Si les associations en général se sont dites déçues que leurs demandes n’aient pas été suffisamment reprises (bien qu’elles aient pourtant dès le départ abandonné la revendication centrale de régularisation de tous les sans-papiers, pour ne discuter que des critères d’une régularisation partielle) (3), elles se sont fixé comme objectif de faire appliquer cette circulaire; celle-ci laissait pourtant de côté la très grande majorité des prolétaires sans-papiers (en leur demandant de fournir des bulletins de salaire, alors qu’ils ne peuvent travailler qu’au noir!) pour s’intéresser surtout aux familles d’enfants scolarisés, et avec des critères plus restrictifs que ceux d’une semblable circulaire publiée par le gouvernement Sarkozy en 2007!

Cela fait maintenant plusieurs décennies que, sous Giscard d’Estaing, l’immigration a été officiellement stoppée en France; la conséquence en a été le plongeon dans l’«illégalité» et le travail au noir de plusieurs centaines de milliers de prolétaires (ils seraient aujourd’hui autour de 400.000 selon les estimations les plus courantes), et la menace pour des centaines de milliers d’autres de connaître cette situation à la suite du non-renouvellement de leur carte de séjour (la carte de 10 ans et son renouvellement à peu près automatique seraient dans le collimateur du gouvernement). Ces prolétaires constituent un réservoir de main d’oeuvre taillable et corvéable à merci, dociles par force, parce qu’ils sont toujours sous la menace d’une expulsion et que la propagande bourgeoise contre les «clandestins» les désigne comme des bouc-émissaires, attisant la xénophobie et le racisme pour diviser les travailleurs. Cette main d’oeuvre surexploitée est devenue indispensable dans certains secteurs capitalistes, principalement dans la construction, la restauration, la confection, l’agriculture, etc., et elle est utilisée aussi pour faire pression sur les salaires des prolétaires en règle. C’est pour cette raison que tous les gouvernements de gauche ou de droite suivent la même politique dans ce domaine, et non parce que la gauche manquerait du courage politique pour être fidèle à ses «valeurs»: ces valeurs, ce sont en réalité, comme chez tous les réformistes, la collaboration entre les classes, la défense de l’ordre bourgeois et de la bonne santé du capitalisme national. En appeler, comme le RESF et les démocrates bien-pensants, aux «valeurs de la gauche», rappeler les gestes et les déclarations des politiciens de gauche lorsqu’ils étaient dans l’opposition, pour essayer de faire fléchir le gouvernement, ce n’est pas faire preuve d’aveuglement ou d’imbécillité politique (4); c’est essayer de tromper les prolétaires en leur donnant de faux espoirs sur ce qu’ils peuvent attendre des autorités actuelles; c’est essayer de cacher que le gouvernement suit avec constance et fermeté une politique ouvertement anti-ouvrière, xénophobe, comme le démontrent aussi les expulsions de Roms et les démantèlements de leurs campements, plus nombreux qu’à l’époque du gouvernement Sarkozy

Au delà de la sincérité de leurs militants qui se mobilisent pour les sans-papiers, le rôle objectif de ces associations de soutien, qui explique pourquoi elles sont reconnues et écoutées par les divers gouvernements, est, comme pour toutes les organisations collaborationnistes, de prévenir l’apparition de luttes prolétariennes et de les contrôler quand elles apparaissent quand même. Car si les gouvernements successifs font preuve d’une parfaite continuité dans leur attitude vis-à-vis des prolétaires sans-papiers, ils sont aussi régulièrement confrontés à des luttes, parfois de grande ampleur, qui ont permis des régularisations de grande ampleur. Malgré le véritable état d’exception sous lequel ils vivent, malgré leur isolement, les prolétaires sans-papiers constituent potentiellement une bombe sociale dont les diverses associations et syndicats ont pour rôle d’empêcher l’explosion.

Il est indéniable que les militants des associations, y compris charitables ou religieuses, peuvent apporter un soutien précieux à des familles et des individus isolés et sans autres possibilités; mais le soutien dont ont besoin les centaines de milliers de prolétaires sans-papiers, ils ne peuvent pas l’attendre de ces associations et syndicats: ils ne pourront le trouver qu’auprès des autres travailleurs à qui une situation moins précaire permet plus facilement de résister aux attaques patronales. Ce que les prolétaires sans-papiers demandent, ce n’est pas la charité, mais la solidarité de leurs frères de classe dans la lutte contre l’ennemi commun, le capitalisme. Les prolétaires français ou étrangers «en règle» doivent comprendre que le sort des sans-papiers les concerne au premier chef et que le soutien à leurs luttes et leurs revendications est une nécessité: laisser une partie d’entre eux complètement à la merci des capitalistes et de leur Etat, affaiblit tous les prolétaires.

 

Régularisation immédiate et sans condition de tous les sans-papiers!

Arrêt des expulsions et des refoulements! Retour des expulsés!

Abrogation de toutes les entraves à la circulation des prolétaires!

Fermeture des centres de rétention!

 

Ce sont des revendications ne sont évidemment pas à quémander à l’Etat bourgeois; correspondant aux besoins immédiats des prolétaires sans-papiers, elles définissent des axes de lutte permanents pour tous les travailleurs soucieux de la défense de leurs intérêts de classe et conscients de la nécessité dans ce but de la solidarité prolétarienne:

 

Pour la reprise de la lutte prolétarienne anticapitaliste!

Union dans la lutte anticapitaliste des prolétaires immigrés et français, avec ou sans-papiers!

Non au contrôle de l’immigration!

 


 

 (1) Le 50e engagement de son programme électoral disait: «je conduirai une politique implacable contre l’immigration illégale», c’est-à-dire contre les prolétaires sans-papiers. Comme par hasard, ce sont les promesses anti-ouvrières qui sont les mieux respectées!

(2) La CFDT, Solidaires (syndicats SUD), l’UNSA, etc., qui avec la CGT négociaient une circulaire gouvernementale sur le dos des sans-papiers lors des luttes de 2009 (cf Le Prolétaire n°494), ne font pas partie de ce rassemblement.

(3) cf Le Prolétaire n° 505

(4) Le RESF n’ignore pas qu’un certain Manuel Valls, lorsqu’il était député d’opposition, avait parrainé un sans-papier congolais, Francis Mumbudi, qui n’est toujours pas régularisé. Maintenant qu’il est ministre de l’intérieur, Valls se contente de faire dire par ses services que Mumbudi «est en situation irrégulière et que la loi s’applique à tout le monde»! Cette anecdote montre mieux qu’un long discours ce qu’il faut attendre des gestes des canailles politiciennes de gauche dont se gargarisent les démocrates... cf liberation.fr/societe/2013/11/07/francis-mumbudi-le-sans-papiers-parraine-par-valls-sans-succes_945089

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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