La grève à la SNCM

(«le prolétaire»; N° 478; Septembre-Octobre 2004)

 

 

Après 23 jours de grève, les travailleurs de la SNCM viennent de reprendre le travail, pratiquement sans avoir rien obtenu que quelques vagues promesses. L’ultimatum du gouvernement exigeant cette reprise du travail sous la menace de mise en faillite de l’entreprise a réussi, comme s’en réjouit toute la presse bourgeoise, qui se félicite aussi de la «responsabilité» des syndicats. Ceux-ci ont bien joué la comédie de la lutte dure devant la détermination des prolétaires, mais ils ne pensaient dès le départ qu’au sort de l’entreprise, pas à celui des travailleurs (voir ci-dessous la déclaration de Jean-Paul Israël dirigeant de la CGT des marins, un «dur» selon les journaux!). Lors du vote de Marseille préparé par les syndicats, les travailleurs avaient le choix dans un vote à bulletins secrets (technique classique pour noyer les plus combatifs) entre un bulletin marqué: «Oui à la reprise de l’activité pour éviter le dépôt de bilan» et un autre «Non à la reprise de l’activité = dépôt de bilan»! 73 travailleurs sur 592 votants ont eu la force de voter non malgré ce chantage syndical. Après ce vote le Syndicat des Travailleurs Corses appelait à son tour à la reprise en accusant la CGT d’avoir trahi le mouvement, mais en se gardant bien d’organiser un vote des 800 travailleurs de la SNCM de l’île!

Selon «Libération» les marins, conscients de la nécessité d’élargir le rapport de forces face à la détermination du gouvernement, avaient demandé «la généralisation du conflit». Cette extension s’était spontanément réalisée avec les actions de solidarité des travailleurs du Port Autonome de Marseille (PAM) et des dockers y compris des ports pétroliers après l’intervention des CRS. A la grève de ces différents secteurs pour leurs propres revendications, s’était ajoutée la grève des transports marseillais. La pression était telle que les syndicats avaient décidé d’une «journée d’action» à Marseille pour le samedi 15 (et une initiative similaire était prise en Corse). Mais il était clair qu’il s’agissait non pas d’unifier les luttes en cours, ni de les soutenir: pour éviter tout appel à la grève, les syndicats avaient décidé d’une manifestation le week-end, manifestation-procession qui devait servir d’enterrement aux luttes! Et c’est bien ce qui s’est passé. Les syndicats avaient déjà réussi à faire cesser la grève des travailleurs du PAM («on est des gens responsables, on ne veut pas couler l’économie» - Joël Meli, responsable CGT-PAM) et préparé les esprits à l’appel à la reprise en mettant l’accent sur le risque de mise en faillite de l’entreprise, faisant ainsi ouvertement le jeu du gouvernement au lieu de préparer les travailleurs à lui répondre sur le seul terrain possible: la poursuite et l’extension de la lutte.

En réalité l’ «intransigeance» gouvernementale n’a été possible que grâce à la collaboration implicite et explicite des syndicats, et en premier lieu la CGT (ne parlons pas des syndicats jaunes comme FO). La presse a longuement brodé sur un soi-disant caractère «combatif» et «dur» de la CGT marseillaise par rapport à une direction confédérale plus «souple». Il est vrai que la CGT des Bouches-du-Rhône a fait partie des structures qui ont mis en échec la direction nationale dans la question du référendum européen, en l’obligeant à prendre partie pour le non. Mais démonstration est faite à nouveau que les partisans du non n’étaient pas du côté des prolétaires: les dirigeants CGT de la SNCM (et des autres entreprises), comme les dirigeants nationaux, sont des collaborationnistes, des gens pour qui l’intérêt de l’entreprise, de l’économie, de la nation passera toujours avant l’intérêt des travailleurs. C’est pourquoi ils ont dans les faits saboté la lutte des travailleurs de la SNCM et l’ont conduite à la défaite.

Les prolétaires ont perdu une bataille et ils devront en tirer l’indispensable leçon: pour vaincre, il est nécessaire de prendre en main ses luttes, de s’organiser de façon indépendante, de ne pas laisser le mouvement entre les mains des appareils syndicaux spécialisés dans la collaboration des classes. Mais ils devront aussi se défier des faux amis comme la LCR (qui devient de plus en plus un simple appendice du réformisme «noniste») ou LO, qui n’ont pas eu un mot dans leurs journaux, tracts ou communiqués pour mettre en garde les travailleurs contre l’orientation des syndicats, qui ont fait comme eux du statut juridique de l’entreprise et non des intérêts des travailleurs, l’objectif central (part majoritaire de l’Etat dans le capital de la SNCM) et qui ne savent maintenant qu’apporter des couronnes funéraires après la fin de la grève.

C’est indépendamment et contre toutes ces forces antiprolétariennes que devra renaître demain l’organisation ouvrière de classe!

 

(ci-dessous le tract que nous avons diffusé lors de cette grève).

 


 

Solidarité de classe avec les travailleurs de la SNCM !

 

Contre les travailleurs de la SNCM en lutte, le gouvernement a recours aux grands moyens répressifs: les CRS, les commandos anti-terroristes du GIGN et la Marine nationale. A la suite des appels des grands médias et des politiciens bourgeois à la «restauration de l’ordre et de l’Etat», les forces militaires pour la première fois depuis le gouvernement du socialiste Bérégovoy (à l’époque pour casser une grève des camionneurs) sont entrées en action pour arraisonner un bateau occupé par ses marins et le mener dans les installations militaires du port de Toulon. Cette opération à grand spectacle menée devant les objectifs des caméras de télévision a pour but de faire capoter le mouvement de grève en intimidant les grévistes - mais aussi d’intimider tous les prolétaires qui seraient prêts à suivre cet exemple.

Les travailleurs de la SNCM en effet ne font que se défendre face aux capitalistes: le fonds d’investissement patronné par un proche de Villepin à qui le gouvernement du même Villepin vient d’attribuer la compagnie pour un prix... d’ami, a clairement annoncé «350 à 400 suppressions d’emplois» sur les 2400 existants (ce qui probablement ne serait qu’une première charrette). Les déclarations gouvernementales selon lesquelles l’Etat pourrait conserver une participation minoritaire dans la compagnie ne doivent pas faire illusion: cela ne changerait rien aux attaques antiprolétariennes, aux futurs licenciements, mais ce serait simplement une aide supplémentaire... au futur patron! Quant aux dirigeants du syndicat CGT des marins, ils annoncent déjà qu’ils sont plus intéressés par la défense de l’entreprise que par la défense des travailleurs: «regardons d’abord ce que pourraient être le pourtour et l’avenir de l’entreprise. Définissons ensuite le cahier des charges. Si ces conditions sont réunies, nous serions alors enclins à envisager un plan social acceptable» («L’Humanité», 28/9/5). C’est un langage de larbin au service des patrons!

Contre cette attaque ouverte de l’Etat et des capitalistes, la solution ne peut pas consister à s’en remettre à de «véritables négociations» avec les auteurs de cette attaque (ni d’ailleurs à la chimère d’une régionalisation de la compagnie que prônent les bourgeois corses). Il est possible de faire reculer l’Etat et les capitalistes, mais à la condition d’établir un rapport de forces réel: sans les travailleurs, aucune entreprise ne peut fonctionner. Il n’y a donc pas d’autre solution efficace et réaliste pour empêcher tous les licenciements que la lutte ouverte, que la grève et l’occupation des locaux, y compris les navires, pour bloquer réellement le trafic et empêcher que des jaunes sabotent le mouvement.

 

La lutte des travailleurs de la SNCM est celle de tous les prolétaires !

 

Les dockers et travailleurs du Port Autonome de Marseille, de Bastia, des terminaux pétroliers de Fos et Lavéra qui se sont joints aux grévistes de la SNCM ont bien compris que les attaques contre les salariés de la SNCM ne sont pas un fait isolé. Partout les licenciements et les menaces de licenciements se succèdent tandis que les conditions de vie et de travail se dégradent et que le gouvernement, serviteur empressé des bourgeois et des patrons dont les profits atteignent des records, généralise la précarité, accroît la répression contre les travailleurs qui luttent et cherche à diviser les prolétaires en répandant le nationalisme et en désignant les travailleurs étrangers comme des boucs-émissaires.

Dans l’affaire des licenciements à Hewlett-Packard, le gouvernement a fait des déclarations théâtrales contre les dirigeants américains de l’entreprise, que les dirigeants syndicaux (qui se sont dits prêts à accepter un plan social s’il n’y avait «que» quelques centaines de licenciements!) se sont empressés de saluer alors que ce n’était que de la poudre aux yeux. Quand STM, entreprise électronique franco-italienne géante créée avec les subventions de l’Etat, va supprimer un millier d’emplois en France, il n’y a, comme par hasard, plus aucune menace de demander à l’entreprise de rembourser ces subventions!

Chez Hewlett-Packard, à la STM comme à la SNCM et partout, les travailleurs ne peuvent compter pour se défendre que sur leur propre force, que sur leur propre détermination, que sur leur propre lutte et sur la solidarité entre tous les prolétaires. Les rituelles journées d’action, les manifestations-processions, suivies de sages «négociations entre partenaires sociaux» dont les dirigeants syndicaux se sont fait une spécialité, n’ont jamais servi à rien. Faire échouer les attaques toujours plus grandes des patrons et de l’Etat bourgeois à leur service est possible, mais seulement en utilisant des méthodes de lutte réelles, les méthodes de la lutte de classe, basées sur la défense exclusive des intérêts des travailleurs et non ceux de l’entreprise ou de l’économie régionale et nationale, sur l’organisation et l’union entre travailleurs de toutes entreprises, de toutes corporations, de toutes nationalités.

 

Solidarité avec les travailleurs en lutte!

Vive la lutte et l’organisation de classe contre le capitalisme !

29/9/2005

Particommuniste international

www.pcint.org

 

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