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Dialogue avec les Morts

( Le XXe Congrès du Parti Communiste Russe )

( Brochure n° 11, Editions Programme, «Textes du parti communiste international», Juin 2023 , format A4, 92 pages, Prix : 8  €, 12 CHF ) - pdf

( Voir le texte complet de «Dialogue avec les Morts» )

 

 


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Sommaire

 

--Présentation de la réédition de «Dialogue avec les Morts»   (Voir ci-dessous)

--Dialogue avec les Morts:

--Viatique pour les lecteurs

--Première journée

- Rappel des chapitres précédents - Séisme idéologique à l’Est - Une historiographie en lambeau - Vous trichez, mais la vérité passe! - Mythe et culte de la Personnalité - Incurables scolioses - Du plomb dans les derrières - Prudents regards sur la nouvelle route.

--Seconde journée

- Culte de la paperasse - Tournants  confessés - Forces en collision dans le monde de 1956 - D’abord le but, ensuite les moyens - Les moyens: la violence - La pierre philosophale - L’essentiel chez Marx - Lénine - Apres la conquête du pouvoir - Léninistes à la Kautsky - La scène a trois - Retirons les concessions.

--Troisième journée: Matinée

- Bilan d’étape - Histoire et historiographie - Les critiques de Mikoyan - Gloses a Staline - Les lois sommaires de Staline - Eteignons le lance-flamme - Autre vain fétiche: la technique - L’avorton du mercantilisme - La course à l’accumulation - L’âge du capitalisme - Les indices par habitant - Avec les vaincus ou avec les vainqueurs?

--Troisième journée: Après-midi

- Agriculture: progression réduite - La brûlante question agraire - La société rurale en Russie - Une information américaine - Les «ciseaux» des prix - Antithèse insoluble - Révolution asinesque - Qu’en pensait Staline? - «Emulation» anti-marxisme - Lénine et Boukharine - De la production a la consommation - Défi insensé et perdu - Epargne et jouissance - Consommation populaire - Le forçat moderne - Danse de la faim des calories - Chiffres et pacifisme!

--Troisième journée: Fin d’après-midi

- Questions de principe - Coexistence sans guerre - Flammes de la veillée d’armes - Le testament de Staline - Vive Staline, alors? - Concurrence et émulation - Marchés et commerce - Echange de capitaux - Oui, la guerre est évitable - Pâle utopie - Naissance du contre-Octobre.

--Troisième journée: Soirée

- Philosophie, tu t’en vas pauvre et nue! - Un refrain de Josef: dogmatiques, talmudistes - A vous, petits écoliers! - Et maintenant, à ceux du fond ! - Bruits en dehors de la classe - Malhonnête utilisation de Lénine - Que reste-t-il d’intangible? - Comment ils ont enrichi Marx - Contributions rejetées de Staline - La fonction du parti - Manuel des principes - Petit schéma élémentaire - Sens du déterminisme - Où sont les garanties? - Méchanceté de l’homme? - Bouffée d’oxygène - Experts du marché - La Première Internationale - La révolution industrielle anglaise - Les autres capitalismes - Loi de l’accumulation - Marx et Gladstone - Les extrêmes d’un siècle.

--Complément au Dialogue avec les Morts

a) Repli et déclin de la révolution bolchévique ... 1. La lutte interne dans le parti russe - 2. Le grand conflit de 1926 - 3. Les cinquante ans de Trotsky - 4. La position de Staline - 6. Des révolutions qui règlent des taches anciennes - 7. Révolution américaine anti-esclavagiste - 8. Parallèle dialectique - 9. Pourquoi n’a-t-on pas recouru aux armes? - 10. Une fausse cible: la bureaucratie - 11. Pourquoi n’a-t-on pas fait appel au prolétariat?

b) L’opposition mensongère entre les formes sociales de Russie et d’Occident / Le système socialiste à la Fiat? ... 12. Le rythme de l’industrialisation - 13. Dantesque vision d’avenir de l’enfer bourgeois - 14. Lois de l’accumulation - 15. En parcourant le tableau - 16. Les crises sont pires que les guerres - 17. Objections de la contre-thèse - 18. Petit tableau pour l’Italie - 19. Noble Turin - 20. Valletta - Boulganine - 21. La force de travail menacée - 22. Plan quinquennal pour la grande Fiat.

--«Dialogue avec Staline» Sommaire - Synthèse

 


 

Présentation de la réédition de «Dialogue avec les morts»

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Du 14 au 25 février 1956 a eu lieu le XXe congrès du PCUS, le parti qui, depuis 1926, avec la théorie stalinienne du «socialisme dans un seul pays», s’est transformé de parti révolutionnaire en parti contre-révolutionnaire.

En réponse à ce congrès, où tous les textes théorico-politiques qui avaient caractérisé la propagande russe pendant trente ans avaient été révisés et remplacés par de nouveaux textes, falsifiant également le marxisme, notre parti – après avoir «répondu» en 1952 par le Dialogue avec Staline (1) au Manuel d’économie politique qui rassemblait certains écrits de Staline (parus plus tard sous le titre Problèmes économiques du socialisme en URSS, en polémique avec trois importants économistes russes qui avaient posé une série de problèmes sur l’économie de la Russie «socialiste») – a publié précisément ce Dialogue avec les morts.

Les textes publiés dans ce volume – à l’époque révisés et complétés par quelques éléments et données supplémentaires – avaient été publiés dans le journal du parti de l’époque, Il programma comunista, dans les numéros 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 13 de 1956. En l’éditant en un volume en septembre 1956, le Dialogue avec les morts s’est enrichi de quelques compléments: a) Repli et déclin de la révolution bolchévique, b) L’opposition mensongère entre les formes sociales de Russie et d’Occident, c) Le système socialiste à Fiat? (2).

Dans le Viatique pour les lecteurs qui précède le texte, on expliquait succinctement la nécessité de notre nouvelle «réponse» après que, avec le XXe congrès du PCUS, lorsque la nomenclatura soviétique fit tomber le «père de la patrie» Staline de son piédestal pour ouvrir davantage la Russie au développement du capitalisme national et au marché international, mais avec la prétention de continuer à parler «la langue de Marx et de Lénine». La critique des méthodes répressives que le stalinisme a appliquées à tous ceux qui lui résistaient – des tristement célèbres «purges» des années 1930 au massacre des paysans, notamment en Ukraine, qui ne voulaient pas se plier à la «collectivisation forcée» – ne nous a jamais incité à rejoindre le chœur bourgeois et petit-bourgeois qui condamnait la violence et la terreur au nom de la démocratie et de la collaboration de classe. Les «pitoyables contorsions du XXe congrès et la comédie de l’abjuration de Staline» ont prétendu être interprétées comme un retour aux classiques de la doctrine marxiste, alors qu’en réalité, elles étaient un pas de plus vers les superstitions classiques de l’idéologie bourgeoise centrées sur le «respect sacré de la personne humaine», du marché et des puissances impérialistes avec lesquelles la Russie de Staline avait forniqué avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale.

La référence à l’épigraphe (Ce qui distingue notre parti) qui accompagnait notre organe politique de l’époque, Battaglia Comunista, depuis le numéro 5 en 1952, et le suivant, Il Programma Comunista, après la scission définitive en octobre de cette année-là avec le groupe Damen, rappelait les points essentiels de la ligne qui nous distinguait et nous distingue de toute autre formation politique se disant «communiste». Des points essentiels qui par la suite ont dû être encore plus précisés, en raison d’autres scissions dans le parti, jusqu’à la dernière en 1982-84. Une ligne qui ne changeait pas au gré des situations contingentes, mais qui devait nécessairement être défendue contre les nombreuses attaques provenant des tendances opportunistes les plus diverses qui, de temps à autre, surgissaient et mouraient pour laisser la place à d’autres de plus en plus pourries et intoxicantes.

Dans les vingt années qui ont suivi la fin de la deuxième guerre impérialiste mondiale, il ne s’agissait pas de reprendre, à partir des bases, seulement les fondamentaux de la doctrine marxiste au niveau des principes et de la théorie; il s’agissait d’utiliser la théorie marxiste pour prendre en compte tout le parcours historique du mouvement communiste, dans ses phases ascendantes qui ont conduit à la révolution d’Octobre en Russie comme premier bastion conquis et victorieux, à la fondation de l’Internationale Communiste et du Parti communiste d’Italie, et dans ses phases de dégénérescence et de terrible défaite brûlante, dont les conséquences de la victoire de la contre-révolution bourgeoise et stalinienne pèsent encore aujourd’hui. Entre l’été 1955 et l’été 1957, dans les colonnes du bimensuel il Programma Comunista fut publié le long et profond travail sur la Structure économique et sociale de la Russie d’aujourd’hui (3), véritable bilan dynamique de la révolution bolchévique et de la contre-révolution qui l’a suivie, qu’aucun autre groupe politique au monde n’a eu la possibilité de faire, pour la simple raison qu’un tel bilan ou était dressé en reprenant intégralement la théorie, les principes et le programme du communisme révolutionnaire marxiste et la méthode de travail spécifique du parti de classe – collective, impersonnelle, intransigeante, organique; ou il était inévitablement faussé, comme il le fut en fait, en faisant passer la société russe et son économie pour une société où le communisme était en train de se réaliser, de même qu’on faisait passer tous les pays sous l’influence directe de la Russie pour des «pays socialistes».

Le travail de notre parti d’hier, surtout de la part d’Amadeo Bordiga et des camarades qui partageaient avec lui toute la formulation du travail du parti tant sur le plan théorique que sur le plan politico-tactique et organisatif (approche qu’une tendance activiste-velléitaire, présente dans le parti depuis sa fondation en 1943, fut au cœur de la scission de 1952 entre ceux qui suivirent Damen avec Battaglia Comunista et Bordiga avec il Programma Comunista), s’était fixé comme objectif premier la restauration de la doctrine marxiste et, par conséquent, la formation de l’organe révolutionnaire par excellence, le Parti Communiste International. La question russe – c’est-à-dire la question liée à la révolution prolétarienne victorieuse en Russie en octobre 1917, à la fondation de l’Internationale Communiste en 1919 et à ses thèses des IIe, IIIe et IVe congrès, à l’échec de la révolution victorieuse en Europe occidentale et à ses causes, à l’isolement de la Russie soviétique et au processus de dégénérescence qui a autant frappé l’I.C. que le parti bolchévique russe et, par conséquent, tous les partis membres de l’I.C., et à l’avancée et à la victoire de la contre-révolution bourgeoise dite stalinienne vis-à-vis prolétariat mondial –, ne pouvaient qu’être au centre du bilan dynamique des évènements historiques qui ont secoué la première moitié du XXe siècle. D’autre part, ce travail de bilan ne pouvait être mené qu’en même temps que la restauration de la doctrine marxiste par le courant marxiste le plus cohérent et le plus intransigeant qui s’était constitué dans les années précédant la première guerre impérialiste mondiale et qui représentait – au-delà de sa réelle consistance numérique – le lien direct possible et nécessaire avec les forces du communisme révolutionnaire qui conduiront le mouvement communiste dans la révolution russe et dans la lutte révolutionnaire en Europe dans les années cruciales de la première guerre impérialiste et de son après-guerre: le courant de la Gauche Communiste d’Italie.

Le courant marxiste russe, qui avait en Lénine son représentant le plus important et au sein du parti bolchévique qu’il dirigeait dans sa meilleure mise en œuvre formelle, n’a pas trouvé en Europe occidentale un parti d’une telle qualité, théoriquement solide et trempé dans des batailles classistes contre le réformisme, le syndicalisme révolutionnaire, l’anarchisme, le social-chauvinisme et le nationalisme, si ce n’est dans le courant de gauche du Parti Socialiste Italien (le seul parti socialiste, avec le parti serbe, à ne pas avoir voté les crédits de guerre), courant qui allait former le Parti communiste d’Italie, section de l’Internationale Communiste, en 1921. Dans les deux pays occidentaux les plus importants, l’Allemagne et la France, les courants de gauche des partis socialistes n’ont pas réussi à se débarrasser de leur tradition démocratique et parlementariste, ce qui les a empêchés de parvenir à une rupture franche avec tout le passé social-démocrate et seconde-internationaliste des partis dans lesquels ils s’étaient formés. Au contraire, ils ont constitué un vecteur insidieux de toutes les défaillances qui ont caractérisé l’activité de l’Internationale Communiste et du parti bolchévique, précisément dans la période qui a suivi ce que l’on a appelé le «biennio rosso» (les 2 années rouges 1919-1920), où la situation mondiale, avec les bourgeoisies impérialistes encore plongées dans la crise d’après-guerre et les masses prolétariennes lancées dans la lutte anti-bourgeoise et anticapitaliste sur le terrain révolutionnaire, était propice à la révolution prolétarienne.

Comme le rappelle le texte de 1957, Le marxisme et la Russie (4), la révolution qui avait eu lieu en Russie avait une double tâche: renverser l’empire médiéval et aristocratico-militaire et renverser la bourgeoisie capitaliste qui était arrivée au pouvoir, pour greffer la révolution prolétarienne (réaliser la révolution permanente, chère à Trotsky) dans l’exceptionnel cycle historique révolutionnaire bourgeois. Une telle tâche ne pouvait être assumée que par le prolétariat, seule classe révolutionnaire jusqu’au bout de l’époque moderne, seule classe pouvant entraîner derrière elle, grâce à la direction du parti prolétarien, l’immense paysannerie russe. Mais la conquête du pouvoir politique, prioritaire et nécessaire pour la révolution du prolétariat dans tous les pays, avait face à elle la grave situation économique d’un pays non seulement ravagé par la guerre, mais caractérisé par une économie particulièrement arriérée où coexistaient l’économie primitive, le servage et l’économie capitaliste, et donc le salariat. Seule la victoire de la révolution prolétarienne dans un pays capitaliste avancé – l’Allemagne – aurait pu accélérer le développement des forces productives en Russie et renforcer le pouvoir politique du communisme révolutionnaire au niveau international. Pour Lénine, Trotsky et tous les marxistes révolutionnaires, la révolution d’Octobre en Russie n’était en fait que le premier maillon de la révolution internationale. Dans la vision de Marx-Engels et de Lénine, la victoire révolutionnaire en Allemagne après celle en Russie ouvrirait les portes à la révolution prolétarienne mondiale par vagues successives, d’abord en Europe (Italie, France, Angleterre) puis en Amérique, en Chine, au Japon. Mais, laissée à elle-même, la Russie révolutionnaire a subi les fatales conséquences économiques et politiques de la contre-révolution en marche, cédant – malgré les tentatives de maintenir cette vision vivante, comme Lénine l’affirmait lorsqu’il parlait de vingt ans de bonnes relations avec les paysans, et Trotsky lorsque, face à Staline, il déclarait que la Russie révolutionnaire pouvait résister même pendant cinquante ans – progressivement sur le plan politique et théorique jusqu’à ce que la perspective de la révolution communiste internationale se transforme avec Staline en une théorisation de la construction du socialisme dans un seul pays, aussi arriéré que l’était la Russie.

La bourgeoisie contre-révolutionnaire ne s’est pas contentée de vaincre le pouvoir bolchévique et d’entraîner complètement la Russie dans les mécanismes de l’économie capitaliste et des intérêts politiques et sociaux bourgeois, mais – bien plus que la contre-révolution bourgeoise ne l’avait fait lors des soulèvements prolétariens européens de 1848 et de la Commune de Paris de 1871 – elle a réalisé à grande échelle ce que Marx appelait le «cannibalisme de la contre-révolution» (5), où les massacres et l’holocauste de 1848 à Paris, à Vienne, à Berlin, et la semaine sanglante de 1871 dans laquelle la Commune de Paris fut noyée, ne furent rien comparé aux millions de paysans et de prolétaires communistes massacrés par les prétoriens de Staline en Russie et hors de Russie. Mais, pour que les masses prolétariennes renoncent à lutter pour leur émancipation sur le terrain du communisme révolutionnaire, même les fleuves de sang prolétarien versés lors de la première guerre impérialiste mondiale, dans les révolutions vaincues en Hongrie, en Allemagne, en Chine, n’ont pas suffi; la bourgeoisie mondiale a dû anéantir, falsifier, enterrer, avec les prolétaires et les communistes révolutionnaires, le marxisme, cette arme théorique redoutable qui, maniée avec talent par le bolchévisme à l’époque de Lénine, et appliquée à la lutte des classes et à l’inévitable affrontement révolutionnaire avec la classe bourgeoise dominante, avait fait trembler le capitalisme mondial.

Le cycle contre-révolutionnaire, en décrivant inexorablement sa trajectoire, a inévitablement débouché sur la deuxième guerre impérialiste mondiale dans laquelle l’affrontement entre les États les plus forts visait à établir un nouvel ordre mondial différent de celui qui était sorti de la première guerre impérialiste. Et dans cette deuxième guerre impérialiste, la participation active de la Russie stalinienne à l’un des deux blocs impérialistes, a démontré concrètement qu’elle était désormais – au grand dam de Trotsky – aux yeux des communistes révolutionnaires et internationalistes survivants de l’holocauste contre-révolutionnaire – une puissance irréversiblement contre-révolutionnaire engagée comme toutes les autres puissances impérialistes non seulement dans la lutte pour la conquête de territoires économiques à son profit, mais surtout dans la lutte contre le prolétariat, tant comme classe bourgeoise internationale, que comme classe opérant au niveau national dans chaque pays.

L’influence exercée par le communisme révolutionnaire, à travers Lénine et la révolution d’Octobre victorieuse en Russie, était encore très forte tout au long des années 1920 et 1930; c’est pourquoi, le stalinisme, pour remplir sa fonction contre-révolutionnaire, a dû transformer la perspective historique de la révolution communiste internationale de Lénine et du marxisme en une perspective qui n’était plus à portée de main, plus réalisable à court terme, en la renvoyant à une période historique ultérieure favorable, tout en la remplaçant par une perspective limitée au seul pays où la révolution communiste avait pris le pouvoir: la Russie. L’effort politique et théorique prodigué par Staline et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, partageaient cette perspective, devait forcément rendre des comptes avec Lénine et le marxisme et, bien sûr, avec le mouvement prolétarien international, en ce sens qu’il devait trouver des faits concrets sur lesquels s’appuyer. Incontestablement, un fait concret était représenté par l’échec de la révolution prolétarienne en Europe et l’isolement dans lequel se trouvait la Russie, économiquement arriérée et dévastée par les conséquences non seulement de la guerre impérialiste, mais aussi des trois années de guerre civile au cours desquelles la dictature prolétarienne en Russie a dû se défendre des attaques des troupes réactionnaires et tsaristes à l’intérieur du pays et des puissances impérialistes qui l’avaient assiégée. La victoire militaire et politique dans la guerre civile en Russie n’a pas automatiquement donné un avantage économique à la Russie prolétarienne et communiste, mais elle lui a donné une force politique supplémentaire par le sauvetage de son pouvoir contre des puissances beaucoup plus fortes. Mais les facteurs économiques, combinés aux difficultés toujours plus grandes dans lesquelles la Russie isolée s’efforçait de résister dans la perspective d’une reprise de la lutte révolutionnaire, sinon immédiatement en Europe, en Asie ( viendra l’heure de la Chine en 1925-27), jouaient inévitablement contre le pouvoir politique prolétarien et communiste: les difficultés n’étaient pas seulement le retard économique de la Russie, mais le fait que pour surmonter ce retard il était indispensable de développer au maximum l’économie capitaliste. Ce fait était très clair aux yeux de Lénine, de Trotsky et des bolcheviks qui ne cédèrent ni théoriquement ni politiquement à l’attrait du gradualisme et du nationalisme. Le contrôle politique marxiste de fer que Lénine défendait comme la seule arme permettant de diriger la NEP et les interventions les plus diverses de l’Etat dans l’économie, l’administration et la société, avait besoin d’une unité organique sur le plan théorique et politique que le parti bolchévique avait démontré posséder tout au long de la période menant à la victoire révolutionnaire; mais qu’il perdit au fur et à mesure que l’isolement de la Russie révolutionnaire s’accentuait avec les difficultés économiques internes et l’influence néfaste des tendances opportunistes encore fortement présentes dans les partis occidentaux, allemand et français en particulier. L’Internationale Communiste, née pour unir les partis communistes du monde en une organisation mondiale unique et compacte visant à diriger le mouvement prolétarien, en particulier dans les pays capitalistes développés, aurait dû être le point culminant du communisme révolutionnaire, non seulement d’un point de vue programmatique, en réunissant sous son égide les partis communistes de tous les pays, mais aussi d’un point de vue politico-tactique. Et en effet, les thèses de son IIe Congrès en 1920, auquel la Gauche Communiste d’Italie avait également apporté une contribution importante, constituaient le plus haut niveau jamais atteint par le mouvement communiste international. Les défaillances tactiques, dues surtout à la faiblesse théorico-programmatique des partis communistes des pays les plus importants après la Russie, l’Allemagne et la France, et justifiés par l’urgence de profiter d’une situation considérée comme encore favorable à la révolution en Europe, commencèrent avec la tactique du front unique politique (en 1921) et, plus tard, avec l’acceptation au sein de l’I.C. de partis sympathisants pour assurer la soi-disant «conquête des masses», avec les mots d’ordre de «gouvernement ouvrier» ou même de «gouvernement ouvrier et paysan» passant comme des synonymes de dictature du prolétariat, etc... Ainsi s’ouvrit dans le puissant bloc théorico-programmatico-tactique établi au IIe Congrès de l’I.C. une brèche qui ne se refermera plus (6). La dégénérescence opportuniste s’empara de l’Internationale Communiste et du parti bolchévique qui en avait objectivement la direction. Il était inévitable d’en arriver à la théorie du «socialisme dans un seul pays» pour justifier le repli de la Russie révolutionnaire dans les limites de la seule révolution bourgeoise et de la contre-révolution mondiale contre le prolétariat international.

Cette lutte anti-prolétarienne s’est déroulée non seulement sur le terrain économique et social, mais aussi sur le terrain politique et idéologique. Sur ce terrain, notamment, l’idéologie libérale et démocratique évoluait vers une idéologie démocratico-centriste – proche d’une sorte de fascisme démocratique, tout en conservant évidemment des formes parlementaires – de manière à convaincre les prolétaires du monde entier que la dictature fasciste, vaincue militairement, était une «phase» dépassée et que la nouvelle «phase» reposerait sur les démocraties occidentales victorieuses de la deuxième guerre impérialiste. Pour sa part, la Russie, désormais stalinisée, ne pouvait que s’aligner sur le front des impérialismes les plus forts et les plus dominants du monde. De foyet de la révolution prolétarienne mondiale, elle devint le berceau de la contre-révolution la plus vaste et profonde que l’on puisse imaginer.

 

Juin 2023

 

 

Parti Communiste International

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