Back

Prises de position - Prese di posizione - Toma de posición - Statements                


 

Troupes Marocaines, hors du Sahara Occidental !

 

 

Le 15 novembre dernier les troupes marocaines se sont emparées du passage frontalier de Guerguerat, une enclave reliant la Mauritanie au Sahara Occidental que les militants sahraouis occupaient depuis le 21/10 pour dénoncer le fait que, en dépit de l’interdiction de l’ONU à ce sujet, l’Etat marocain utilisait la route qui y passe pour exporter des matières premières (phosphate cuivre, fer, uranium), du poisson, etc.

Les accords de ce cessez-le-feu impliquaient à la fois la fin des hostilités, ouvertes en 1976 à la suite du retrait de l'Espagne des territoires sahraouis, et le lancement d'un projet parrainé par les Nations Unies pour organiser un référendum d'autodétermination dans les années suivantes. Depuis que le traité de paix a été approuvé par le Maroc et le Front Polisario, les autorités marocaines, qui dominent la majeure partie du Sahara occidental, le Polisario n'en occupant qu'une infime partie, quasiment dépeuplée, contrôlent étroitement la population et les ressources naturelles de la région. Des villes comme Al Ayoun se trouvent sous une main de fer qui contrôle rigoureusement tous les habitants, imposant une répression politique ouverte, interdisant leurs réunions, interdisant leurs associations, persécutant les militants les plus en vue, etc. et soumet la totalité de la vie quotidienne de la population à une domination constante.

La déclaration de guerre du Front Polisario, plus précisément de l'Armée de libération du peuple sahraoui (SPLA) qui est sa branche militaire, met fin à près de vingt ans de domination incontestée du royaume marocain sur le Sahara occidental, ainsi qu’aux accords internationaux qui contraignaient le Front Polisario à limiter son activité au contrôle des camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en Algérie, où plus de 200 000 personnes ont émigré lorsque le Maroc et la Mauritanie ont pris le contrôle du Sahara occidental.

Pendant toute cette période, les termes de l'accord de paix n'ont régi que la partie sahraouie: alors que le Front Polisario a renoncé à toute activité à l'intérieur des frontières marocaines, les engagements pris par le Maroc, notamment la tenue du référendum d'autodétermination, ont été repoussés à maintes reprises, au point que personne ne peut désormais penser qu’ils seront jamais remplis.

Et la répression contre la population sahraouie, désormais désarmée et à la merci des autorités de Rabat, n'a cessé à aucun moment, alors qu'une véritable campagne se développe pour remplacer la population d'origine par des émigrants marocains que le régime du royaume utilise comme fer de lance de sa politique impérialiste dans la région, imposant avec eux l'abandon de la langue hassanienne (un dialecte de l'arabe parlé par les sahraouis) qui est remplacée par les variantes dialectales de l'arabe parlées dans le nord du pays.

L'ONU elle-même, qui maintient une force militaire au Sahara Occidental (la MINURSO ou Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara Occidental), considère cette région comme l'une des dernières colonies existantes au monde ce qui, en dehors de la portée juridique de cette déclaration implique la reconnaissance du fait que la puissance dominante, le Maroc, opprime la population sahraouie de toutes les manières. Bien entendu, la reconnaissance par l'ONU de cette situation ne a pas plus loin: ses forces militaires n'ont pas levé le petit doigt pour empêcher l'armée et la police marocaines, aidées par des bandes de civils armés, de faire régner périodiquement la terreur dans les rues des villes et villages de la région.

L'intérêt des puissances impérialistes pour la région est évident: d'une part, tous les pays qui d'une manière ou d'une autre ont participé à la colonisation de l'Afrique du Nord (principalement la France et l'Espagne, mais aussi l'Angleterre) ont des intérêts commerciaux dans la région et au Maroc, leur principal allié. En outre, le royaume marocain lui-même agit comme un frein pour contrôler l'émigration qui transite par la route du détroit de Gibraltar et des îles Canaries vers l'Europe, utilisant toute sa force policière et militaire pour réprimer les migrants fuyant la pauvreté dans leurs pays d’origine.

Enfin, d'autres grandes puissances impérialistes, notamment les États-Unis, maintiennent des investissements considérables dans la région, mettant notamment dans le secteur pétrolier ; ils ont besoin d'un État fort au Maroc pour défendre leurs intérêts économiques, politiques et militaires dans la région troublée de l’Afrique du Nord.

Dans ce cadre, l'ONU se contente de sanctionner, au nom de la légalité internationale, une situation que personne, sauf les Sahraouis, n'a intérêt à changer: en réclamant périodiquement la solution d'un conflit auquel elle consent quotidiennement, elle permet fait les exactions marocaines.

Actuellement, une bonne partie de la population sahraouie vit dans des camps de réfugiés: entre 125 000 et 165 000 personnes vivent dans les wilayas de l'est de l'Algérie depuis 1975. La situation dans ces camps est terrible ; la population dépend absolument pour tout de l'aide qu'elle reçoit des organisations non gouvernementales ; sans accès direct aux produits de première nécessité, elle connaît des taux de mortalité élevés même pour l'Afrique, etc. Il n'est pas surprenant que, comme le prétendent certaines sources, une grande partie de la population de ces camps ait rejoint l'APLS ces derniers jours. En fait, il est très probable que l'une des principales raisons de cette réouverture des hostilités par le Front Polisario ait été la pression croissante exercée par les jeunes des camps pour ne reprise de la guerre face à une situation qui est devenu insoutenable.

Les masses sahraouies déshéritées ne sont pas seulement confrontées à l'armée marocaine. Elles ont face à elles tout un réseau d'intérêts auquel participent les principales puissances impérialistes mondiales pour maintenir le statu quo existant dans la région. Et elles ont très peu d'alliés. Leurs « amis » traditionnels hors des frontières marocaines ont été l'Algérie et les organisations politiques de la gauche espagnole. Concernant la première, il n’y a pas besoin d’une grande analyse: elle utilise les sahraouis comme moyen de pression sur le gouvernement marocain, en leur permettant en contrepartie de survivre dans des camps misérables depuis 40 ans. Pour l’Etat algérien, la situation du peuple sahraoui est, exactement la même que pour la France ou l'Espagne, un pion interchangeable dans le jeu diplomatique international.

En ce qui concerne les forces politiques de la gauche espagnole, elles ont exprimé pendant des décennies une «solidarité» avec le peuple sahraoui, apportant une aide économique, revendiquant sa cause comme la leur, etc. Mais en réalité, cette aide a toujours été empoisonnée. Le soutien politique et économique au Front Polisario en tant que représentant de la République Arabe Sahraouie Démocratique a toujours impliqué un soutien ouvert à la situation créée par les accords de paix de 1991. Le Front Polisario a été le principal défenseur d'une politique de pacification qui n'a fait qu’apporter misère et mort aux sahraouis. Le soutien à ce parti impliquait le soutien à cette politique, le soutien à la pression exercée par les Nations unies, l'Espagne et la France pour que les sahraouis abandonnent leur lutte en faveur d'une médiation internationale qui, comme on le voit aujourd'hui, n'est jamais venue. Le folklore, les slogans du «Sahara libre», etc. tant aimés par le PSOE, le PCE, etc. ont conduit en fait à la défense d'une situation dommageable pour les populations sahraouis ; mais ces partis préféraient les maintenir dans cette situation plutôt que de raviver le feu d'un combat qui n'intéressait vraiment personne.

Nous voyons aujourd'hui comment le gouvernement espagnol, dirigé par les partis de gauche PSOE et PODEMOS, les premiers, alliés du Front Polisario dans l'Internationale Socialiste, les seconds défenseurs fidèles jusqu'au jour de leur entrée dans le gouvernement de la lutte du peuple sahraoui, détourne les yeux : il laisse le Maroc frapper à nouveau aussi fort qu'il le veut conte les Sahraouis. Depuis que les affrontements ont commencé, le gouvernement PSOE et PODEMOS n’a fait allusion à la situation au Sahara que ... pour condamner la présence du  drapeau du Front Polisario lors d'une manifestation devant un consulat du Maghreb à Valencia! De son côté, le dirigeant de PODEMOS Pablo Iglesias, déjà bien rôdé aux usages de la diplomatie, s'est borné à demander sur les réseaux sociaux le respect des résolutions des Nations Unies, ces mêmes résolutions qui permettent l'existence de prisons «noires» (secrètes) où des militants sahraouis ont été torturés pendant des décennies. Les intérêts de la bourgeoisie espagnole au Sahara et au Maroc sont sans nul doute bien représentés par «le gouvernement le plus progressiste de l'histoire» !

Le seul allié sur lequel le peuple sahraoui opprimé pourrait vraiment compter est le prolétariat des grandes métropoles impliquées dans l'oppression du Sahara. Car seule la classe prolétarienne a un intérêt direct à la liquidation de la situation de dépendance coloniale subie par les masses populaires sahraouies : leurs propres bourgeoisies, française, espagnole ou nord-américaine, subiraient en effet un coup sévère avec la rupture de «l'équilibre» » impérialiste dans la région. En particulier l'Espagne a un grand besoin du Maroc pour importer des matières premières (poissons, phosphates, ciment, etc.) et maintenir le contrôle de l'immigration. Quant à la France, toujours le premier « partenaire économique » du Maroc et le premier investisseur étranger, elle a des intérêts économiques importants à y défendre.

Le peuple sahraoui pourra-t-il se libérer de l'oppression coloniale marocaine grâce à la guerre que le Front Polisario veut reprendre contre le Maroc? – c’est bien improbable.

Le Front Polisario a en effet déjà amplement démontré qu'il n'est pas une force nationale-révolutionnaire; il essaie, comme il l'a fait dans le passé, d’obliger par la guerre le Maroc à négocier pour obtenir un territoire économique sur lequel développer son propre pouvoir bourgeois et avoir enfin une petite «nation» avec ses frontières respectées et avec un prolétariat à exploiter directement. Mais ses chances de succès ont disparu dès 1976, lorsque le Maroc a occupé le territoire de la République Démocratique du Sahara Occidental récemment déclarée, qui n'a pu ainsi exercer aucun pouvoir indépendant après que l'Espagne ait abandonné son ancienne colonie et bien que l'ONU ait reconnu sa légalité.

Le petit peuple sahraoui a été contraint de vivre sous la botte de l'Espagne, puis sous celle du Maroc, avec l'approbation des puissances impérialistes intéressées par les ressources minières de la région (en particulier les phosphates, dont le Maroc grâce à l'occupation du Sahara Occidental, est l'un des principaux producteurs mondiaux) et par le maintien d’un ordre régional dont le Maroc est l’un des piliers.

C'est contre cette oppression que les Sahraouis se sont révoltés plus d’une fois en revendiquant leur autodétermination ; mais les circonstances historiques ne leur ont pas été favorables, comme elles ne l'ont pas été pour des peuples beaucoup plus nombreux, comme les Palestiniens ou les Kurdes.

Le peuple sahraoui doit faire face à des forces beaucoup plus puissantes déterminées à le maintenir opprimé, au-delà de la reconnaissance hypocrite du «droit à l'autodétermination» et d'une organisation armée, le Polisario, qui veut l’émanciper de l'oppression étrangère seulement pour la remplacer par l'oppression nationale bourgeoise.

La seule perspective qui peut conduire à la fin de l'oppression du peuple sahraoui est une perspective beaucoup plus large que simplement « nationale »: c'est la perspective dans laquelle s'insère la lutte de classe du prolétariat, non seulement du prolétariat sahraoui, mais des prolétaires marocains, mauritaniens et algériens, qui sont ses voisins, et des prolétaires espagnols qui ont aussi le devoir de classe de lutter contre l'oppression du peuple sahraoui et pour son «autodétermination» : en effet leur bourgeoisie, depuis les palais de Madrid, a pendant longtemps exercé cette oppression directement, en l'utilisant pour acheter les couches supérieures du prolétariat espagnol et les rendre complices de ses agissements, tandis que depuis des décennies il l'utilise indirectement à travers l'oppression exercée par Rabat.

Une telle perspective est difficile à concrétiser étant donné la besogne réalisée des décennies par le collaborationnisme des forces qui se proclament «socialistes» ou « communistes » – comme le PSOE et le PCE – mais qui sont en réalité complètement bourgeoises ; c'est cependant la seule vers laquelle les prolétaires doivent se tourner s'ils ne veulent pas perpétuer leur tragique servitude envers les classes bourgeoises et assister à des massacres continuels.

En tant que communistes, nous défendons le droit à l'autodétermination de tous les peuples, grands ou petits ; mais en même temps nous savons que ce droit continuera d'être systématiquement trahi par toutes les bourgeoisies et par toutes les forces collaborationnistes, comme cela s'est produit jusqu'ici,

Ce n'est que sur le terrain de la lutte de classe, de la lutte prolétarienne révolutionnaire que tous les peuples auront la possibilité d'une autodétermination réelle comme premier pas pour surmonter tous les affrontements et toutes les rivalités entre nations et États. , vers une véritable union entre les peuples au-dessus de toutes les barrières bourgeoises, au-dessus de toutes les oppressions.

 

 

Pour l'autodétermination du Sahara occidental!

Vive la lutte des masses sahraouies contre l'oppression militaire et sociale du Maroc!

Pour la solidarité internationaliste du prolétariat espagnol!

Pour la solidarité internationaliste du prolétariat du Maghreb, d'Europe et d'Amérique!

Pour la reprise de la lutte de classe!

 

 

Parti Communiste International

17 novembre 2020

www.pcint.org

 

Top

Retour prises de positions

Retour archives