Dialogue avec les Morts

( Le XXe Congrès du parti Communiste Russe )

( «Dialogue avec les Morts» a été publié dans notre journal de l'époque «Il programma comunista», numéros 5, 6, 7, 8, 9, 10, 13, de 1956. Il sera aussi publié au complet aux éditions «il programma comunista» en 1956, avec quelques  compléments: «Repli et déclin de la révolution bolchévique / L’opposition mensongère entre les formes sociales de Russie et d’Occident / Le système socialiste à la Fiat?» )

 

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Sommaire

 

--Présentation de la réédition de «Dialogue avec les Morts»

--Dialogue avec les Morts:

--Viatique pour les lecteurs

--Première journée

--Deuxième journée

--Troisième journée: Matinée

--Troisième journée: Après-midi

--Troisième journée: Fin d’après-midi

--Troisième journée: Soirée

--Complément au Dialogue avec les Morts

a) Repli et déclin de la révolution bolchévique

b) L’opposition mensongère entre les formes sociales de Russie et d’Occident / Le système socialiste à la Fiat?

--«Dialogue avec Staline»: Sommaire - Synthèse

 

 

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«Dialogue avec Staline»

(Voir texte original et complet de «Dialogue avec Staline» dans la rubrique «Textes et Thèses»)

 

Sommaire – Synthèse

 

 

Dans la préface de cette brochure, nous avons déjà averti le lecteur que pour comprendre le présent ouvrage, il convenait de connaître le Dialogue avec Staline publié dans Programma Comunista de Milan en octobre-novembre 1952, puis en brochure imprimée, mais qui n’a connu en France qu’une diffusion restreinte sous forme d’opuscule ronéoté.

Comme nous le disions également dans ces premières pages, ce travail constituait une réponse à la position prise par Staline dans son dernier ouvrage, un recueil d’articles parus en février et septembre 1952 et diffusé largement, dans toutes les langues sous le titre Les Problèmes économiques du Socialisme en U.R.S.S., lors du XIXème Congrès du P.C.R. d’octobre 1952, c’est-à-dire à une date où l’auteur était à l’apogée de son rôle incontesté de Chef Suprême.

Alors, un mouvement hétérogène d’opposition intérieure s’était déterminé sur la question suivante: «Notre économie russe est-elle vraiment socialiste?». Il pouvait impliquer tout aussi bien un retour à la gauche qu’une chute définitive dans des positions de droite. Aussi le stalinisme, en tant que doctrine de la construction de la société socialiste dans une seule nation, la Russie, crut-il devoir frapper un grand coup et descendre armé de pied en cap sur le terrain de l’économie théorique, sous les apparences de Staline en personne. Et celui-ci proclama en substance: «en appliquant la doctrine la plus orthodoxe de l’économie marxiste, nous sommes en mesure de réduire au silence quiconque oserait soutenir que les lois en vigueur dans la structure sociale de notre Russie actuelle ne sont pas celles d’un système qui, toutes voiles dehors, serait passé de l’économie capitaliste au socialisme, et que les phénomènes qui s’y vérifient ne répondent pas aux lois de ce dernier».

Théoricien plus que médiocre, Staline n’en était pas moins un adversaire redoutable aux yeux de la tradition marxiste orthodoxe et radicale: aussi, feignant d’avoir été mis en cause par lui, les communistes italiens de la Gauche lui opposèrent-ils un démenti formel.

Si les interlocuteurs n’avaient pas été tout à fait symboliques, la mort de Staline aurait interrompu ce Dialogue, mais celui-ci était enraciné dans la réalité des choses, dans l’histoire vivante, anonyme, et il s’est donc poursuivi.

Mort en pleine apothéose, le divin Staline se vit discrédité à la surprise du monde entier, à une distance de quelques années seulement. Non content d’outrager son ombre colossale, le XXème Congrès de février 1956 évoqua, dans une réhabilitation macabre et mensongère, celles de ses grandes victimes, de ces militants de l’Opposition qui, trente ans plus tôt, lui avaient dénié avant la lettre le pouvoir quasi-diabolique d’invoquer le socialisme en Russie et qu’il avait précipités dans les enfers du châtiment et de l’infamie. Voilà ce qui a suscité ce Dialogue avec les Morts que nous présentons ici en traduction française.

Pour restreint que soit le cercle où elle rencontrera un écho, la thèse soutenue dans cette seconde réponse paraîtra peut-être aussi surprenante que l’attitude imprévisible du XXème Congrès à l’égard de Staline, juge et bourreau. Son point central est le suivant: le Congrès a opposé à Staline la honteuse légende préfabriquée d’un retour à Marx et Lénine; il s’est toutefois bien gardé de condamner son hétérodoxie en matière économique, qui, pour les marxistes, constituait un scandale autrement grave que toutes ses atrocités et brutalités. Sous les regards passionnément curieux de l’opinion bourgeoise mondiale, les noms des porte-drapeau du Kremlin ont été changés; mais l’affirmation insensée et défaitiste qui a déjà fait le tour de la terre et selon laquelle la Russie a une économie socialiste, elle, reste entière.

Sans doute sommes-nous dans ce dialogue de petits partenaires inconnus, et le vulgaire jugera-t-il notre importance disproportionnée d’avec celle de l’adversaire: notre position n’en est pas moins nette et radicale, et elle ne se réduit pas à triompher parce que ses adorateurs d’hier ont déshonoré notre précédent contradicteur, ni à danser de joie sur les débris des statues géantes qui devaient l’immortaliser et qu’ils ont renversées.

La mise au rebut de Staline s’est faite au cours d’une marche vers la droite, digne couronnement de sa longue vie, et surtout de la longue voie historique qu’il avait empruntée: la liquidation de la praxis et de la doctrine révolutionnaires. Hier, la musique d’accompagnement était l’adulation la plus honteuse; aujourd’hui, c’est une diffamation en sourdine, mais la marche reste la même.

Tout cela correspond bien à ce que nous avions prédit dans ce premier moment du débat, que nous allons rappeler brièvement.

 

PREMIERE JOURNEE

 

Hier et demain. - Dans les articles et les discours de 1952 de Staline, le monde bourgeois lit que la Russie est en train de passer du stade inférieur du socialisme au communisme intégral. Ce que nous, nous en déduisons, est qu’elle est purement capitaliste.

Marchandise et socialisme. - Staline soutient que dans un «pays socialiste» la production de marchandises continue. Le marxisme a établi que là où l’on produit des marchandises en masse, le capitalisme est présent. C’est là la première base de la doctrine.

L’économie russe. - D’après Staline, il est bien clair que dans l’agriculture kolkhozienne, la production est marchande, aussi bien pour l’entreprise collective que pour les parcelles familiales. La même chose vaut pour la moyenne et petite industrie et pour la production artisanale, qu’il eût été folie de supprimer, à son avis.

Anarchie et despotisme. - Inexorabilité de l’Etat, mais désordre du marché: l’ensemble reste au-dessous du capitalisme d’Etat intégral.

Etat et reculade. - Cet Etat formidable resté impuissant face à l’individualisme marchand et aux nécessités économiques: Staline cherche en vain à dissimuler le fait à l’aide de la thèse fondamentale de Marx-Engels sur le dépérissement de l’Etat. La position doctrinale juste est la suivante: en ambiance mercantile, la puissance du Capital modèle la machine d’Etat selon ses exigences, même s’il n’est pas possible à première vue de personnifier cette puissance.

 

DEUXIEME JOURNEE

 

Ombres et lumières. - Staline triche avec la formule pourtant bien claire d’Engels: «la prise de possession des moyens de production par la société élimine la production des marchandises». Il dit ne pas avoir encore pris possession en Russie, de «tous» les moyens de production.

Socialisme et patrie. - Engels énonce que le sujet de la prise de possession est la société. En Russie, on nous propose à la placé le peuple, la nation, la Patrie socialiste et la... main de fer de Staline!

Lois et théorie. - Selon Staline, Marx se bornait à tracer les lois de la société capitaliste de son époque, lui laissant carte blanche pour ce qui est des lois d’une économie socialiste! Nous lui avons opposé la dialectique qui fait de chaque énoncé marxiste d’une loi du capitalisme (ex. l’échange entre valeurs équivalentes) une définition incontestable d’un aspect du socialisme (ex. société sans échanges et se passant d’un système d’équivalences).

Nature et histoire. - Marx démontre que les lois économiques ne sont pas «naturelles», ni par conséquent «éternelles». Elles le redeviennent pour Staline qui fait survivre la loi de l’équivalence dans le socialisme.

Marx et les lois. - Marx a, primo, vérifié, sinon découvert toutes les lois du mode capitaliste de production, secundo, démontré qu’elles étaient historiquement transitoires. Staline, par les faits qu’il nous expose ex cathedra, nous prouve qu’elles restent bien vivantes en Russie.

Socialisme et communisme. - Staline n’en est pas au passage du stade inférieur du socialisme au stade supérieur (dans le sens de la Critique du Programme de Gotha), ni même à celui du capitalisme adulte au premier socialisme. Sa signification historique découle du passage révolutionnaire au grand capitalisme, non seulement en Russie, mais aussi plus à l’Est. Elle est presqu’honorable.

 

TROISIEME JOURNEE:

Matinée

 

Echanges et produits. - Les foudres de Staline se sont abattues sur un Notkin parce qu’il avait appelé marchandises même les produits de la grande industrie d’Etat. Ce n’est le cas, dit Staline, que lorsqu’ils sont vendus à l’étranger. Outre l’objection que tout produit évalué en équivalent-monnaie est marchandise au sens de Marx, il reste à se demander si le cas de vente sur le marché international va devenir la règle ou constitue l’exception.

Profit et plus-value. - Plus haut, Staline sommait les lois marxistes du capitalisme de rester en service dans le socialisme; maintenant, il révoque la plus importante d’entre elles: selon lui, la loi de la baisse tendancielle du taux de profit aurait cessé d’être en vigueur dans l’Occident impérialiste, sous le prétexte que le capitalisme monopoliste recherche le profit maximum.

Engels et Marx. - Pour les «pères» du socialisme moderne, la baisse du taux de profit est un point central. C’est sur elle que repose la théorie de l’accumulation. Sur le plan programmatique, c’est d’elle que Marx déduit sa thèse centrale: impuissance du mode capitaliste et mercantile de production «à la réduction simple du travail vivant».

Taux et masse. - La bévue de Staline, déguisé en professeur, vient de ce qu’il ne comprend pas qu’à toutes les époques du capitalisme la masse des profits augmente, tandis que leur taux diminue, du fait même du procès d’accumulation, phénomène mondial qui s’impose également à la Russie.

XIXème et XXème siècle. - Les chiffres américains de 1843 à 1929 (et même à 1957) répondent parfaitement aux lois marxistes «révoquées» par Staline. Marx définit textuellement comme suit les «trois faits principaux de la production en capitalisme: 1) la concentration des moyens de production entre les mains de certains individus et leur transformation en «puissance sociale» («Ils restent, il est vrai, dans un premier temps, propriété privée des capitalistes»). 2) Le travail social, la division du travail, la jonction entre travail et sciences de la nature. («Dans ces deux sens, le mode capitaliste de production supprime, bien que sous des formes diverses la propriété privée, et le travail privé»). 3) Formation du marché mondial, quatre mots qui, comme dans maints autres passages, désignent un résultat essentiel du capitalisme. Nous arrivons ainsi aux drames de l’impérialisme et des guerres mondiales.

 

TROISIEME JOURNEE:

Après-midi

 

Monopole et concurrence. - L’explication du libéralisme par Marx et celle de l’impérialisme par Lénine relèvent d’une doctrine UNIQUE, parce que ce sont des stades historiques d’un mode de production UNIQUE: le capitalisme.

Marchés et empires. - Staline maintient la position classique: l’origine des deux guerres mondiales réside dans le conflit des intérêts tendant à la conquête des marchés internationaux. Il affirme que l’Allemagne s’est lancée dans la guerre pour se soustraire à l’esclavage dans lequel les capitalismes anglo-saxons la maintenaient. Cette position répond bien à la haine anti-américaine de l’après-guerre; mais elle contredit, dans un affreux bric-à-brac doctrinal, la crasse politique démo-antifasciste de Staline lui-même pendant la guerre.

Parallèle ou méridien. - Après cela, comment soutenir qu’il existe aujourd’hui deux marchés «mondiaux», mais qu’ils pourraient se neutraliser réciproquement? La formule de Staline n’est pas satisfaisante (elle est toutefois moins indécente que celle de ses fossoyeurs, dont le pacifisme avoué fait vomir!); s’il maintient que la guerre impérialiste reste inévitable, il s’efforce en effet d’esquisser une théorie nouvelle: la troisième guerre opposera non pas les camps respectifs du capitalisme et du socialisme, mais deux groupes rivaux des Etats occidentaux. Ce que Staline a abandonné dans sa perspective, c’est la position léniniste sur la relation existant entre impérialisme et révolution (mais il ne mourra pas dans la peau d’un pacifiste, contrairement à ses ignobles successeurs.) Staline avait la même position que Lénine lorsqu’il voyait, en 1939, venir la guerre; mais il ne disait plus, en 1939, que l’autre terme de l’alternative est le renversement du capitalisme, le défaitisme à l’égard de toute Patrie, mais la «lutte pour la Paix».

Ainsi, le marxiste et le léniniste n’ont pas attendu sa mort pour mourir en lui, même si le grand agresseur leur survivait.

Jus Primae Noctis. - Les dernières paroles de Joseph Staline auront été pour glorifier l’œuvre immense accomplie par son Etat: le défrichement et la fécondation d’un terrain vierge couvrant un quart du globe. Oui, et ceci par une industrialisation révolutionnaire, mais (nous l’avons démontré textes en mains!) capitaliste.

Face à cette entreprise à la fois monstrueuse et héroïque, se dresse toutefois un crime d’une portée incalculable: celui d’avoir ruiné sur une moitié du globe le potentiel révolutionnaire qui devait féconder un terrain non pas vierge et rebelle, lui, mais pourri par la civilisation agonisante de l’Occident chrétien, parlementaire et mercantile.

C’est à cette infection que les auteurs du Dialogue ont tenté désespérément de s’opposer (après l’avoir prévue déjà du temps de Lénine et avoir essayé de la conjurer) en osant interpeller Staline qui, à l’époque, se dressait encore de toute sa hauteur d’idole au-dessus de la foule de ses sujets, de ces laquais et de ces complices qui, si vite, devaient cracher sur son cadavre.

Dans l’édition originale du Dialogue avec Staline, ces chapitres étaient suivis de quelques notes et «compléments» qui se trouvent suffisamment développés dans le présent texte, version intégrale du Dialogue avec les Morts.

 

 

Parti Communiste International

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